Opinion
Les Etats-Unis
intensifient les menaces de guerre contre l'Iran
Bill Van Auken
Vendredi 19 novembre 2010
Le sénateur républicain en vue Lindsey Graham a annoncé après
les élections de mi-mandat l’intensification des menaces
américaines contre l’Iran en appelant publiquement à une guerre
totale qui « neutraliserait » Téhéran, laissant le pays dans
l’incapacité de résister.
Graham a fait cette déclaration samedi lors d’une conférence sur
la sécurité internationale à Halifax, Canada. « L'endiguement
n’est plus à l’ordre du jour, » a-t-il déclaré par rapport au
programme nucléaire de l’Iran.
Washington et ses alliés ont accusé Téhéran de développer son
programme nucléaire dans le but de construire une arme. Le
gouvernement iranien a nié de façon constante cette accusation
en insistant pour dire que son programme est uniquement d’usage
pacifique et civil.
En employant ce genre de rhétorique de guerre totale qui était
le discours dans les années 1930 en Allemagne le sénateur
républicain de Caroline du Sud a juré qu’une attaque serait
effectuée « non seulement pour neutraliser son programme
nucléaire mais pour couler sa marine, détruire son armée de
l’air et porter un coup décisif à la garde révolutionnaire.
En d’autres
termes, neutraliser ce régime. Détruire sa capacité à riposter. »
Graham a ajouté que si en dépit de la défaite des Démocrates
lors des élections de la semaine passée, le président Barack
Obama « décide d’être dur avec l’Iran au-delà des sanctions, je
pense qu’il va sentir beaucoup de soutien de la part des
Républicains car nous ne pouvons pas laisser l’Iran développer
une arme nucléaire. »
Le sénateur Mark Udall (Démocrate du Colorado), qui s’était
joint à Graham en intervenant devant un forum lors de la
conférence à Halifax, a préconisé le maintien des sanctions
contre le régime en ajoutant toutefois que « toutes les options
étaient sur la table, » un euphémisme faisant référence à une
agression armée des Etats-Unis.
En prenant la parole lors de la même conférence, le ministre
israélien de la Défense, Ehoud Barak, a décrit l’Iran comme
« une menace majeure pour toute conception d’ordre mondial. » Il
a reproché à Téhéran d’être « déterminé à atteindre une capacité
nucléaire militaire, » qui a-t-il dit « serait la fin de tout
régime de non-prolifération concevable. »
Israël, qui a défié les efforts de non-prolifération de l’ONU et
qui est la seule puissance à détenir l’arme nucléaire dans la
région, a à plusieurs reprises menacé l’Iran d’attaques
militaires. Le mois dernier, le ministre israélien des Finance,
Yuval Steinitz, a prôné un blocus maritime – ce qui est un acte
de guerre – si Téhéran ne se pliait pas aux exigences de
Washington.
Ces dernières menaces sont exprimées une semaine à peine avant
la prochaine série de négociations entre l’Iran et le P5+1 qui
comprend les membres permanents du Conseil de sécurité des
Nations unies – la Grande-Bretagne, la France, la Russie et les
Etats-Unis – plus l’Allemagne. Les pourparlers devraient avoir
lieu à Vienne.
Le triomphe des Républicains aux élections de mi-mandat
infléchira encore davantage à droite la politique étrangère
américaine en intensifiant la menace de guerre contre l’Iran.
Ileana Ros-Lehtinen (Républicaine de Floride) présidera en
janvier le Comité des Affaires étrangères du Parlement. Elle
rejette une diplomatie avec l’Iran en préconisant le type
d’embargo économique qu’elle a soutenu de façon véhémente contre
Cuba.
Ros-Lehtinen est également une fervente partisane des
Moudjahidine-e-Khalq (MEK) qui ont affirmé avoir perpétré des
attaques terroristes en Iran et qui ont été désignés par le
Département d’Etat américain comme « organisation terroriste
étrangère. »
Près d’un tiers des Républicains de la Chambre des Représentants
a soutenu en juillet dernier la résolution accordant un soutien
explicite à Israël pour qu'il procède à des frappes militaires
contre l’Iran.
Le gouvernement Obama et les démocrates du congrès ont déjà
durci les menaces contre l’Iran. Après avoir fait passer de
force une nouvelle série de sanctions anti iraniennes au Conseil
de sécurité des Nations unies, le gouvernement a promulgué en
juillet dernier une loi prévoyant une nouvelle série de
sanctions unilatérales américaines visant à paralyser l’économie
iranienne en accroissant la misère de la population dans le pays
de façon à déstabiliser le gouvernement.
Ces sanctions pénalisent les banques et les entreprises
étrangères qui investissent ou qui négocient avec l’Iran en
restreignant leur accès aux marchés américains et en leur
supprimant la possibilité d’accéder aux contrats du gouvernement
américain. Ces sanctions ciblent tout particulièrement le
secteur clé de l'énergie en Iran.
Selon un article de David Sanger paru la semaine passée dans le
New York Times, même si l’Iran devait participer la
semaine prochaine aux négociations à Vienne, Washington
n’engagerait pas de négociations sérieuses. Son principal
objectif motivant sa participation est de voir « si une nouvelle
série exceptionnellement vastes de sanctions économiques
modifierait le calcul nucléaire de l’Iran. »
L’article explique que la nouvelle proposition américaine est
« même encore plus coûteuse qu'un marché que le dirigeant
suprême du pays, l’ayatollah Ali Khamenei, avait refusé l’année
dernière. » Elle nécessiterait que l’Iran stoppe la production
d’énergie nucléaire et abandonne plus de deux-tiers d’uranium en
plus qu’il n’est stipulé dans l’accord conclu à titre d’essai
lors des pourparlers d’il y a un an.
L’article du Times dit que Washington croit que jusque-là
on « n’a pas obtenu grand-chose » pour ce qui est des sanctions
« ce qui a déclenché une discussion à la Maison Blanche
quant à la question de savoir s’il serait utile ou
contre-productif s’il [Obama] parlait plus ouvertement des
options militaires.
Dennis Ross, le conseiller spécial d’Obama sur les Affaires du
Proche-Orient, a eu un discours identique lors d’une allocution
prononcée le 25 octobre à l’occasion d’une conférence du Comité
américain des affaires publiques d’Israël, le principal groupe
de pression américain pro Israël.
Après s’être vanté que les sanctions américaines avaient
provoqué une importante crise économique, de l’inflation et du
chômage en Iran, Ross a soulevé la menace implicite d’une
guerre : « Finalement nous espérons que la forte pression à
laquelle l’Iran est confrontée aujourd’hui l’obligera à adopter
une autre attitude. La porte de la diplomatie reste ouverte et
nous recherchons bien sûr une solution pacifique à notre conflit
avec l’Iran. Mais si l’Iran devait poursuivre son attitude
défiante en dépit de son isolement grandissant et des dommages
causés à son économie, ses dirigeants devraient écouter
attentivement le président Obama qui a souvent dit, « nous
sommes déterminé à empêcher que l’Iran obtienne l'arme
nucléaire. »
L’appel, peut-être le plus glaçant, à une escalade de la menace
militaire contre l’Iran se trouve dans une rubrique intitulée
« La relance par la guerre? », écrite la veille des élections de
mi-mandat par le chroniqueur du Washington Post, David
Broder, le soi-disant « doyen des chroniqueurs politiques de
Washington. »
Se plaignant de ce que l’aggravation de la crise économique est
en train de créer une « situation décourageante » pour espérer
qu'Obama remporte un deuxième mandat en 2012, Broder, un
partisan servile du président démocrate, a imaginé deux
scénarios à l’aide desquels ce défi pourrait être surmonté. Le
premier est l’espoir vain que la crise économique sera surmontée
par une relance économique. Broder conclut que « le marché ira
où il doit aller » et qu’un tel résultat n’était pas fiable.
Il suggère une autre solution fondée sur l’histoire tumultueuse
du 20ème siècle.
« Rappelez-vous FDR [Franklin Delano Roosevelt] et la grande
dépression, » écrit-il. « Qu’est-ce qui a finalement résolu
cette crise économique ? La Seconde guerre mondiale. »
« Et c’est là qu'Obama pourrait réussir. Recueillant un fort
soutien des Républicains au Congrès s'il défie les ambitions de
l’Iran de devenir une puissance nucléaire, il peut passer une
grande partie de 2011 et 2012 à orchestrer une épreuve de force
avec les mollahs. Ceci l’aidera politiquement parce que le parti
d’opposition l’encouragera dans ce sens. Et, à mesure que la
tension va monter et que nous accélérerons les préparatifs de
guerre, l’économie s’améliorera. »
Et voilà où l’on en est: une modeste proposition pour relancer
l’économie et gagner la campagne pour un second mandat, au prix
de la mort de centaine de milliers sinon de millions de
personnes.
Ce qui sous-tend de telles propositions sanguinaires ne sont pas
seulement les cyniques calculs politiques de l’un ou de l’autre
des deux partis américains droitiers pro-impérialistes mais
plutôt le déclin historique du capitalisme américain et la plus
profonde crise du système capitaliste mondial depuis la Grande
dépression des années 1930.
Ces deux partis souscrivent au militarisme. Ceci reflète le
consensus, au sein de l’élite dirigeante, que le capitalisme
américain est en mesure de compenser son déclin économique par
le recours à la force militaire pour établir l’hégémonie
américaine dans les régions riches en énergie et
géo-stratégiquement cruciales du Moyen-Orient et d’Asie
centrale.
Les paroles de Broder et des Républicains ainsi que les actions
du gouvernement Obama soulignent la menace d’une nouvelle guerre
qui sera bien plus sanglante et qui impliquera le danger d’une
conflagration mondiale.
(Article original paru le 8 novembre 2010)
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Publié le 20 novembre 2010 avec l'aimable autorisation du WSWS
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