Opinion
Les
États-Unis, le Royaume-Uni et la France
insistent
sur l'usage de la force contre
la Syrie
Bill
Van Auken
Mercredi 18 septembre 2013
Les États-Unis et leurs deux alliés
principaux, la Grande-Bretagne, et la
France, ont insisté lundi sur l'idée
qu'il faut une menace d'attaque
militaire contre la Syrie au cas où le
gouvernement du président Bashar el-Assad
ne respecterait pas strictement les
exigences de l'accord sur les armes
chimiques, passé samedi entre le
ministre américain des Affaires
étrangères John Kerry et son homologue
russe Sergei Lavrov.
La rhétorique belliqueuse de la
réunion de Paris entre Kerry, le
ministre français des Affaires
étrangères Laurent Fabius, et l'Anglais
William Hague a souligné les divergences
aiguës qu'ils ont avec la Russie. Cette
dernière a prévenu que les menaces de
l'Occident pourraient nuire à toute
chance de mettre fin aux deux années et
demie de guerre civile en Syrie.
« Si Assad ne respecte pas les termes
de ce cadre à temps, ne vous y trompez
pas, nous sommes tous d'avis, et cela
inclut la Russie, qu'il y aura des
conséquences, » a déclaré Kerry. Il a
affirmé que la Russie avait exprimé son
soutien pour une résolution du Conseil
de sécurité qui s'appuierait sur le
chapitre VII de la Charte des Nations
unies, laquelle peut autoriser l'usage
de la force militaire, si la Syrie
n'obtempère pas.
Le message envoyé par la réunion de
Paris reprend les menaces faites au
cours du week-end à la fois par le
président américain Barack Obama et le
président français François Hollande,
dont le gouvernement a été le seul au
monde à promettre de se joindre aux
États-Unis dans leur agression prévue
contre la Syrie.
« Si la diplomatie échoue, les
États-Unis restent prêts à agir, » a
averti Obama dans un entretien télévisé
dimanche.
Dans un discours prononcé le même
jour, le président français Hollande a
déclaré, « l'option militaire doit
demeurer, sinon il n’y aura pas de
contrainte. »
Une flotte de guerre américaine reste
déployée en Méditerranée, prête à
frapper la Syrie. Le Pentagone a annoncé
qu'elle resterait en place indéfiniment.
Après une rapide course à la guerre
le mois dernier, sous le prétexte des
accusations sans preuve désignant le
gouvernement d'Assad comme responsable
d'une attaque à l'arme chimique le 21
août près de Damas, les plans de
Washington pour une attaque unilatérale
contre la Syrie ont été suspendus sous
l'effet de l'opposition à la guerre
largement répandue parmi les masses
américaines et des autres pays. Sous le
coup du vote historique du parlement
britannique le 29 août qui rejetait une
résolution de soutien à une action
militaire, Obama s'est tourné vers le
Congrès américain pour obtenir une
résolution d'Autorisation de l'usage de
la force militaire (AUFM).
Mais là aussi, l'opposition du peuple
américain à une nouvelle guerre au
Moyen-Orient, lancée sur des mensonges,
a déjoué les plans du président
américain. Les membres du Congrès face à
des électeurs qui dans leur grande
majorité demandaient qu'il n'y ait pas
de guerre contre la Syrie, ont trouvé
trop dangereux de soutenir l'AUFM, et
Obama se trouvait confronté à la
possibilité humiliante et inédite de se
voir refuser l'approbation d'une guerre
par le Congrès.
C'est dans ces conditions que le
gouvernement en est arrivé par accident
à négocier avec la Russie sur une
proposition de désarmement de l'arsenal
chimique du régime Syrien. Si l'accord
obtenu à Genève samedi a apparemment
suspendu une attaque imminente contre la
Syrie, les menaces qui viennent de
Washington et de ses alliés suggèrent
que ce processus de désarmement, la
prétendue voie diplomatique, pourrait
rapidement mener à une guerre de grande
ampleur.
Les experts en armement ont prévenu
que la feuille de route imposée par
l'accord américano-russe qui fixe des
délais extrêmement courts, demandant la
destruction de toutes les armes
chimiques de la Syrie pour le milieu de
l'année prochaine, est pratiquement
impossible à respecter quelle que soit
la situation, et encore moins dans le
contexte d'une guerre civile comme celle
qui se déroule en Syrie.
Les trois puissances occidentales se
sont également emparées du rapport des
inspecteurs des Nations unies sur
l'incident du 21 août, publié lundi par
le secrétaire général Ban ki-Moon, comme
d'une raison supplémentaire pour la
guerre.
Ce rapport, a affirmé le ministre
français des Affaires étrangères Laurent
Fabius, « ne laisse aucun doute sur
l'origine de l'attaque du 21 août, » et
l'ambassadeur américain aux Nations
unies, Samantha Powers a dit que les
détails du rapport « montrent clairement
que seul le régime aurait pu [la] mener.
»
En fait, ce rapport ne fait rien de
tout cela. Il ne porte aucune
accusation, et conclut que « des armes
chimiques ont été utilisées dans le
conflit en cours entre les parties dans
la République arabe syrienne, » en
s'appuyant sur des preuves médicales,
des entretiens avec les survivants et la
récupération d'une roquette contenant
des traces de sarin.
Un autre organisme, la Commission
d'enquête sur la Syrie de l'ONU, se
prépare à enquêter sur 14 accusations
d'attaques chimiques pour déterminer qui
était responsable. Le régime syrien
affirme que ses propres soldats ainsi
que des civils ont été tués par des
munitions chimiques utilisées par les
milices soutenues par la CIA qui luttent
pour faire tomber le régime d'Assad.
L'un des membres dirigeants de la
Commission de l'ONU, Carla Del Ponte,
ex-procureur en chef dans deux tribunaux
de l'ONU pour crimes de guerre, a révélé
en mai dernier que les preuves vont dans
le sens de l'usage des armes chimiques,
dont le sarin, par les soi-disant
rebelles.
Et la semaine dernière, des
procureurs turcs ont présenté une mise
en examen contre un membre syrien du
Front Al Nusra (affilié à Al Qaïda) et
ses complices turcs, qu'ils accusent
d'avoir tenté de se procurer des
produits chimiques en Turquie pour la
production de gaz sarin.
La menace d'agression américaine
contre la Syrie n'a jamais été motivée
par des inquiétudes sur les armes
chimiques, ce n'était qu'un prétexte. Le
véritable objectif de Washington est un
changement de régime en Syrie pour
développer l'hégémonie américaine sur le
Moyen-Orient et préparer une guerre
encore plus large contre l'Iran, qu'ils
considèrent comme leur principal rival
dans la région.
Dans ce dessein, les États-Unis et
leurs alliés à la réunion de Paris ont
juré d'accentuer leur soutien aux «
rebelles, » terme qui désigne un
assortiment d'un millier de milices
différentes et d'escadrons de la mort
dominé par Al Qaïda et d'autres éléments
islamistes. Avec l'Arabie saoudite, le
Qatar et la Turquie, les États-Unis et
leurs alliés de l'OTAN ont déversé des
milliards de dollars en armes et en
financement en Syrie, alimentant une
guerre civile sanglante qui a fait plus
de 100 000 victimes. D'après
l'Observatoire syrien des droits de
l'Homme, les troupes syriennes et les
milices pro-Assad représentent plus de
40 pour cent de ces pertes.
Le même jour où le rapport des
inspecteurs sur les armes chimiques
était publié, la Commission des Nations
unies sur les sanctions contre la Libye
publiait également un rapport à
l'attention du Conseil de sécurité qui
établit « un nombre croissant de cas de
trafic d'armes et de munitions depuis la
Libye vers la République arabe syrienne
par mer et par air, » suite à la guerre
menée par les États-Unis et l'OTAN pour
un changement de régime qui s'est
terminée par le meurtre du Colonel
Mouammar Kadhafi.
Ce réseau d'armes, financé par le
Qatar et coordonné par la CIA, qui a
établi une grande station secrète dans
la ville Libyenne de Benghazi, laquelle
fut attaquée par des militants
islamistes l'an dernier, a été une
source de grandes quantités d'armes
sophistiquées pour les milices anti-Assad.
La semaine dernière, il a été
rapporté que la CIA, qui avait organisé
la fourniture d'armes achetées par
l'Arabie saoudite et le Qatar, arme
maintenant les « rebelles » directement.
Le ministre des Affaires étrangères
russe, Lavrov, a écarté les affirmations
de Kerry selon lesquelles la Russie
avait la même position que l'Occident
sur l'usage de la force contre la Syrie.
« Oui, nos collègues américains
aimeraient beaucoup qu'il y ait une
résolution fondée sur le chapitre VII, »
a-t-il dit. « Mais la déclaration
finale, le document final que nous avons
approuvé et qui contient les principes
directeurs sur la manière de procéder et
nos obligations mutuelles, n'en fait pas
mention. »
« S'il y a quelqu'un pour qui il est
plus important de faire des menaces en
permanence […] eh bien c'est une autre
voie pour compromettre complètement les
chances d'organiser une deuxième
conférence de Genève, “ a ajouté Lavrov,
en faisant référence à la conférence
proposée pour négocier un accord
politique sur la guerre civile en Syrie.
La réalité c'est que Washington n'a
aucun intérêt à organiser une telle
conférence dans une situation où les «
rebelles » subissent de plus en plus de
défaites et sont, d'après de multiples
sources, en voie de désintégration. Ils
préfèrent au contraire changer la
réalité sur le terrain, par un afflux
renforcé d'armes et, en dépit du retard
actuel, une action militaire directe.
En plus de prolonger le bain de sang
syrien, cette politique prédatrice créé
le risque de déclencher une guerre dans
toute la région qui pourrait y entraîner
les pays voisins, tout comme l'Iran et
la Russie.
(Article original paru le 17
septembre 2013)
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Publié le 18 septembre 2013 avec
l'aimable autorisation du WSWS
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