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IRIS
Barack et le Moyen-Orient : vers un vent
de la continuité ?
Barah Mikaïl
Barah Mikaïl - Photo IRIS
5 novembre 2008
Parmi les motifs de réjouissance avancés à la suite de
l’élection de Barack Obama, la manière par laquelle le nouveau
président américain pourrait, dans les semaines qui suivront son
entrée en fonctions, prendre à bras le corps des questions
moyen-orientales pour le moins épineuses. Alors, Obama, tremplin
pour une réorientation active et positive de la politique
moyen-orientale des Etats-Unis ?
Israël et Territoires palestiniens, Irak, Syrie et Liban, Iran
bien entendu, sans oublier les enjeux découlant des donnes
afghane et pakistanaise, qui coïncident également avec les
limites géographiques du « Grand Moyen-Orient » tel que conçu
par les Etats-Unis… les chantiers ne manquent pas pour le numéro
un américain, et il aura probablement bien du mal à savoir par
lequel d’entre eux commencer.
Non seulement parce que, loin d’être spécialiste des questions
internationales, il sera obligé de s’en référer aux avis que
l’on sait extrêmement divers de ses conseillers en la matière,
mais aussi parce que la campagne pour les élections
présidentielles américaines l’a, par la force des choses, poussé
à concentrer son attention sur des enjeux intérieurs, pendant
plus d’une année.
On a pourtant une idée générale de la vision qu’entretient B.
Obama vis-à-vis de certaines des pierres d’achoppement
« grand-moyen-orientales » :
règlement
du conflit israélo-palestinien, même si on ne sait pas par
quel(s) moyen(s) exactement sinon par la consécration de toute
la ville de Jérusalem comme capitale israélienne ;
retrait
des troupes américaines d’Irak dans un délai assez bref (16
mois) ;
ouverture
d’un dialogue avec l’Iran afin de contrôler ses ambitions
nucléaires, tout en sachant que ce pays reste de son point de
vue infréquentable dans l’état actuel des choses ;
mais
aussi renforcement de la présence américaine en Afghanistan,
moyen d’insister sur le fait que les Etats-Unis continuent à
avoir pour principal ennemi le terrorisme tel qu’incarné par les
rhétorique et orientations de l’organisation al-Qaïda d’Oussama
ben Laden.
Rien ne permet de dire que l’ensemble de ces dispositions sera
mis en application, pour ce qui relève de l’Irak notamment. Cela
dit, on peut penser que le nouveau président américain ne sera
pas dans l’excès de dogmatisme dans le cadre de sa politique
internationale. Mais celle-ci sera de toute façon d’abord dictée
par les intérêts stratégiques américains, dans la continuité
d’ailleurs de ce que le président sortant G. W. Bush avait pu
lui-même développer : développement de relations cordiales avec
les pays de la Péninsule arabique, avec les pays du Maghreb
(quoique avec une inconnue relative dans le cas mauritanien),
avec l’Egypte, la Jordanie, l’Irak bien sûr, ou encore le Liban
tant qu’il restera gouverné par une majorité parlementaire
conforme à un agenda pro-américain ; attitude plus nuancée par
contre pour ce qui concerne la Syrie, qui aura bien des preuves
à faire concernant ses orientations politiques et diplomatiques
régionales si elle veut bénéficier de la « bienveillance »
américaine.
Il faut en tout état de cause avoir à l’esprit le fait que, loin
de faire prévaloir un quelconque « vent du changement » par
rapport à l’Administration Bush, l’élection de B. Obama semble
surtout pouvoir augurer d’une évolution dans le style et dans la
méthode.
Les fondamentaux de la politique étrangère américaine demeurent
pour leur part intacts, et force est de constater que, en dépit
de son caractère sympathique, B. Obama n’a pas une culture et
une compréhension des relations internationales similaires à
celles auxquelles put prétendre naguère un Bill Clinton.
Rien qui laisse pour autant prévoir des risques de frasques à la
manière de G. W. Bush ; mais cela n’en rend pas moins incertaine
la capacité qu’aura l’Administration Obama à imposer une marque
pragmatique, payante et positive pour les évolutions
moyen-orientales.
Un fait d’autant plus problématique que les opinions publiques
arabes du Moyen-Orient ne trouvent pas vraiment, pour l’heure,
de motif les encourageant à croire en l’ouverture potentielle
avec B. Obama d’une parenthèse positive pour leur avenir.
Barah Mikaïl
Chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques
(IRIS), spécialisé sur le Moyen-Orient. Auteur de La
Politique américaine au
Moyen-Orient (Dalloz, 2006)
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Publié le 7 novembre avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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