Opinion
Chronique
tunisienne
Badis
Guettaf
Samedi 24 mars 2012
D’aucuns, triomphalistes, pensent
sérieusement que, le 20 mars dernier, il
y a eu une «démonstration de force
réussie du camp progressiste en
Tunisie». La raison en est que des
milliers de personnes, non islamistes
par définition, auraient, en
manifestant, répondu aux autres milliers
de Tunisiens qui se sont rassemblés
avant eux pour demander de faire de la
Charia, la source des lois. Entre les
deux camps il y aurait donc eu match nul
ou, comme semble le suggérer certains,
une victoire des «modernistes» et des
partisans d’une Tunisie «majoritairement
sécularisée» et, apparemment hostile à
l’ingérence du Qatar. Nulle
revendication économique ou sociale et
nulle allusion aux perspectives encore
incertaines du pays, sur tous les
aspects relatifs aux intentions du
nouveau gouvernement, en matière de
sortie de crise. Rien que des questions
idéologiques, dont on devine qu’elles
vont faire occulter pour longtemps les
enjeux cruciaux qui ont mobilisé la
jeunesse du pays contre Zine El Abidine
Ben Ali et le système qu’il dirigeait.
Ceci étant, dans cette confrontation, on
devine qui sera le vainqueur si rien ne
vient dévier le processus en cours. Avec
d’un côté une foule composite réunie
pour l’occasion et de l’autre un
mouvement structuré et déterminé. Au
bout tous les possibles, sur fond de
profonde détresse sociale et
d’épuisement de l’état de grâce d’une
transition qui n’en finit pas. Le 26
janvier 2012, celui qu’on croyait
remisé, Béji Caïd Essebsi, publie un
communiqué où il interpelle le
gouvernement, issu des dernières
élections législatives, sur son
programme. Dans le même temps, il
appelle les partis de l’opposition à
constituer un front. Lui, il a des
partisans qui fourbissent leurs armes,
pour servir, le cas échéant
d’alternative, en cas d’impasse. Mais à
considérer où leur imagination les a
menés, on a un gros doute sur les
solutions qu’ils pourraient mettre sur
la table. Le 24 mars, à Monastir, doit
se tenir un meeting dominé par…la pensée
bourguibienne, avec 525 associations, 52
partis, des syndicalistes, des hommes
d’affaires et autres personnalités, sous
le leadership de Caïd Essebsi. Le
meeting traitera de l’avenir de la
Tunisie et sera le départ d’une série de
rencontres à travers le pays. Le but
avoué est de mettre fin à «l’atomisation
de la scène politique» par un retour au
bourguibisme, que l’on n’ira pas
chercher loin, en remettant en selle
l’appareil de Ben Ali, qui aurait,
peut-on penser, toutes les chances de
passer pour un moindre mal, un refuge
contre l’aventure. Ennahdha ayant déjà
prouvé son «efficacité» que Marzouki,
cacophonique, met chaque jour en
évidence. Ce qui donne une nette
impression de «déjà-vu» de ce côté de la
frontière, sauf que le contexte ne
comportait pas cette notion nouvelle de
«printemps». Cependant, on annonce
d’autres rendez-vous, plus
significatifs, dit-on, le 9 avril,
journée du martyr et le premier mai,
fête du travail. Il y aurait,
respectivement, le retour des insurgés
sur la scène pour se rappeler au pouvoir
en place et à qui les aurait oubliés et
la manifestation de l’UGTT pour ramener
sur terre les idéologues.
B. G.
Publié sur
Le Jour d'Algérie
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