Opinion
De la volonté des
peuples !
Badis
Guettaf
Dimanche 20 novembre
2011
Notre ministre des Affaires
étrangères, Mourad Medelci, a déclaré à
Rabat que l’Algérie était pour le
respect de la volonté des peuples. A la
bonne heure ! S’il fallait l’écouter, il
faudrait hic et nunc demander à tous les
présents, qui sont venus décider du sort
des Syriens, de retourner chez eux,
ramener un blanc-seing populaire. A
commencer par ces émirs et roitelets,
bravaches à l’ombre de l’OTAN. Il n’en
sera rien, bien sûr. Et puis, quand on y
pense, les peuples au fond ne comptent
vraiment pas beaucoup. Qu’à cela ne
tienne, on peut en fabriquer à
profusion. Al Jazeera, France 24 et
consorts y pourvoiront. Elles savent y
faire en «révolutions» depuis qu’elles
ont perfectionné leurs techniques en Libye. Et puis on
n’a pas besoin de beaucoup de monde pour
avoir un peuple à présenter. Quelques
gros plans bien choisis d’une foule aux
slogans significatifs, parfois quelques
interviews de quidams qui parlent «au
nom du peuple», le tout agrémenté d’un
conseil de transition très médiatisé et
le tour est joué. On a le «peuple» que
l’on doit «sauver». On prendra la
précaution de faire en sorte que l’autre
peuple, le vrai, celui qui ne veut pas
être «sauvé» ou «protégé» n’apparaisse
nulle part, en dehors des télévisions
des «régimes» qui «tuent leur peuple».
La machine peut être lancée, qui va
«démocratiser», «libérer» et établir les
«droits de l’Homme». Tout est simplifié
pour «changer» les pays que l’on veut
«changer». Il suffit, comme on vient de
voir, de trouver des candidats qui ne
trouvent pas d’inconvénients à ce que
soient massacrés des dizaines de
milliers de leurs compatriotes et qui
pensent qu’il n’y a aucun mal à ce
qu’ils soient installés au pouvoir par
les puissances coloniales. Le reste est
une affaire de propagande et de réunions
bien décorées de la Ligue arabe d’abord,
de l’ONU ensuite, assaisonnées de
plateaux télévisés et de conférences de
presse. Seule contrainte, ce protocole
doit être respecté pour que la
«révolution» ressemble bien à un
mouvement «démocratique», initié par des
«opprimés» et qui appelle la «communauté
internationale» à son secours. Ce
scénario n’est valable que chez les
Arabes et ceux qui leur ressemblent.
C’est un principe qu’il faut comprendre,
surtout par ces Européens qui croiraient
pouvoir faire le même coup à Madrid,
Lisbonne, Athènes ou Rome. Là, il faut
le savoir, l’OTAN est chez elle et ne
voit aucun problème anti-démocratique,
quand la France et l’Allemagne obligent
le Premier ministre grec à ne pas
consulter le peuple sur la façon dont il
va payer les pots cassés par l’économie
de marché. Là, on ne joue pas la même
symphonie et on peut tuer tant que
l’Etat se sentira menacé. C’est dit en
toutes lettres dans un texte de l’UE
intitulé «Charte des droits
fondamentaux» (article II-62: droit à la
vie, expliqué). Les forces de l’ordre
européennes peuvent tuer, en Europe,
pour «réprimer une émeute ou une
insurrection». Cette disposition vient
d’être ajoutée pour répondre à une
éventuelle montée en puissance de la
contestation sociale. Les plus
perspicaces peuvent relever qu’il n’est
pas précisé si les «émeutes» ou les
«insurrections» concernées sont armées
ou pas. Comme en droit, on ne joue pas
avec les nuances, on comprend qu’il ne
sera pas fait dans le détail quand il
s’agira de faire reculer ces chômeurs,
ces exclus et ces mal-logés qui croient
autant avoir des droits qu’ils croient
que les «élus» les représentent.
Publié sur
Le jour d'Algérie
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