Opinion
L'Afrique et ses
prétendants
Badis
Guettaf
Dimanche 20 mai 2012
Soudan,
Libye, Mali… démembrement,
déstabilisation, dépeçage, pressions de
toutes sortes, notre terre africaine
aura-t-elle fini un jour de subir la
férocité impérialiste ? Il faudra bien,
mais rien ne se profile. L’année
dernière en Zambie, à la même période,
Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat
des Etats-Unis, s’est répandue en
conseils aux Africains. Cependant que
l’OTAN n’en avait pas encore terminé
avec la Libye qui n’était pas, de ce
fait, concernée par la virée de la
conseillère impériale, forte des menaces
qu’elle draîne dans son sillage, l’air
de rien, a eu des couplets
croustillants, dont celui-ci : «Nous ne
voulons pas voir un nouveau colonialisme
en Afrique. Nous ne voulons pas voir
(les investisseurs) saper la bonne
gouvernance en Afrique». Et il ne faut
pas croire qu’elle s’en est tenue aux
euphémismes. Elle a nommément désigné la
Chine, qui grignote dangereusement le
continent, tout en réduisant la part
convoitée par les entreprises et les
spéculateurs occidentaux. En termes
d’alternative au géant asiatique, la
Clinton affirme qu’il y a plus «de
leçons à tirer des États-Unis et des
démocraties». D’après elle, en
substance, l’Afrique doit rester dans le
giron de ceux qui l’ont colonisée, plus
précisément dans celui de leur parrain,
décidé à manifester sa préséance au
détriment de ses vassaux. Elle met, tout
de même, la forme en ne donnant pas
d’ordre évident, en faisant part,
simplement, de son «vouloir», sur un ton
qui se veut attentionné. On serait sur
le point d’y voir une touchante
préoccupation, une préoccupation
désintéressée et le souci de voir les
Africains être «bien gouvernés». Mais
elle parle de «leçons à tirer» à des
gens qui ont tiré plus de leçons qu’il
n’en faut, et pas du tout du «nouveau
colonialisme», mais du colonialisme réel
et de ses prolongements, toujours en
vigueur. Dans l’actualité brûlante, il
n’y a qu’à se référer à la Libye qui
vient d’être «démocratisée» et qui jouit
de la gouvernance certifiée par les
«Etats-Unis et les démocraties», sans
préjudice du prix qu’elle a dû payer
pour ce sublime privilège. Plus bas dans
la hiérarchie, le nouveau président
français, François Hollande, annonce
«mettre fin à la Françafrique», pour peu
qu’il en reste assez, depuis que de plus
puissants l’ont investie. Il dit aussi
qu’il va «traiter d’égal à égal» avec
les Africains, pour peu qu’il puisse se
permettre de rivaliser avec plus
puissants, dans le domaine. Mais il
reste très peu crédible, même avec un
statut fortement écorné. Lui et son
parti ont été de toutes les entreprises
néocoloniales, en votant et en soutenant
toutes les initiatives guerrières contre
les pays qui voulaient justement
«traiter d’égal à égal» et qui refusent
les «conseils» de la «communauté
internationale». De plus, pour ne rien
gâcher, le président frais émoulu, n’a
pas trouvé mieux que de convoquer Jules
Ferry. Celui qui pensait tout haut que
«les races supérieures ont le devoir de
civiliser les races inférieures». Il
aurait pu s’en passer, car maintenant
que c’est fait, il lui sera difficile de
justifier son peu de perspicacité sur la
question. Parler de l’école n’oblige pas
de risquer de jeter le doute sur son
idéologie profonde. A moins qu’il soit
possible d’arriver à la tête de l’une
des nations les plus cultivées du monde
et de traîner des tares aussi profondes,
en matière de subtilité, soi-même et son
armée de conseillers et de
collaborateurs.
B. G.
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