Opinion
Libye : la
«victoire occidentale» du Qatar
Badis
Guettaf
Dimanche 11 décembre
2011
Si l’on en
croit les médias, (car quand il ne
s’agit pas de faire la guerre il leur
arrive de donner de l’information), le
Qatar ferait cavalier seul en Libye. On
sait que c’est le seul pays agresseur
qui a pu dépêcher des troupes au sol et
qui a le privilège de bénéficier de la
proximité linguistique et religieuse. Ce
qui lui donne une place de choix dans
l’accès au gâteau. Mais, arrêtons-nous
sur cette réaction médiatique. Elle est
pour le moins très significative de
l’ambiance d’après «victoire». L’Emirat
agace au plus haut point. Il paraît même
qu’il serait le «grand vainqueur de
l’intervention occidentale». Notons au
passage son inclusion-exclusion et
admirons la formule. Le Qatar n’est pas
un pays occidental et l’intervention est
occidentale. S’il en est le «grand
vainqueur» c’est qu’il se serait emparé
de la proie après que les prédateurs
l’aient terrassée. De ce fait, il
encoure les foudres des pays de
l’Alliance peu enclins à le laisser
faire. Il suscite déjà la colère de la
bande de Benghazi qui, comme tout le
monde l’a remarqué, n’a jamais brandi
d’autres drapeaux que ceux des
Occidentaux. Cette colère est assortie
du refus de se vassaliser à un Arabe. Ce
serait descendre plus bas dans
l’indignité dans laquelle le CNT/OTAN se
trouve et dont le chef a loué les
bienfaits du colonialisme italien, mieux
acceptable que celui d’un bédouin. De
plus, le propriétaire du QG
militaro-médiatique, Al Jazeera, s’est
mis dans la poche les «rebelles»
islamistes, les plus déterminés, les
plus aguerris et les moins proches férus
de «démocratie». En plus de ses propres
troupes, il dispose, au moins, des
hordes d’Abdelhakim Belhaj, d’Ismael
Salabi, de la Katiba des Martyrs d’Abu
Salim, dirigée par Abu Sofiane Qumu, un
ancien de Guantanamo et de la Katiba
Obaida Ibn Jarrah. Au-delà de la
mouvance islamiste, le Qatar engrange
une grande sympathie des brigades
berbérophones du Djebel Nefoussa,
auxquelles il a livré des armes fournies
par Nicolas Sarkozy. Tripoli peut donc
attendre longtemps les gars de Benghazi.
Ils ne viendront pas et les armes
continueront de servir le désormais
véritable pouvoir, celui de ces jeunes
qu’on a cru pouvoir exhiber, impunément,
pour faire accroire à l’opinion publique
internationale qu’une «révolution» avait
eu lieu en Libye. Est-ce une carte entre
les mains de Hamad le qatari ? On ne
peut rien savoir de précis, tant la
situation est confuse. Seulement, ce qui
peut être confirmé c’est que l’émir
tient bien, pour le moment, à faire
valoir la place qu’on lui a accordé
quand on a eu besoin de ses journalistes
et de la caution arabe. Chose qu’il sera
difficile de lui refuser, sans faire
voler en éclats cette image d’une
coalition désintéressée et sans remettre
en cause une dynamique où le petit
pétromonarque continue d’assurer un rôle
de premier plan dans la reconfiguration
du «monde arabe». De jolis
rebondissements, donc, en perspective et
beaucoup de situations inattendues.
L’affaire libyenne aura tenu ses
promesses jusqu’au bout de ne jamais
laisser le mensonge étouffer la vérité
d’un crime.
Publié sur
Le jour d'Algérie
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