Opinion
Turkish label
Badis
Guettaf
Samedi 5 novembre
2011 Tous les gentils de la planète
démocratique qui se sont intéressés
à la Tunisie n’en ont que pour cette
histoire d’Etat islamiste. Ils n’en
veulent pas, bien sûr, mais cela ne
les empêche pas de tourner et de
retourner l’animal pour déceler
quelques raisons de lui faire ou ne
pas faire confiance. Ils vont aussi
s’enquérir de ce qu’il en est auprès
des Tunisiens estampillés
«démocrates». Hier, par exemple, sur
une chaîne d’information, on en a vu
une, veste de cuir, pantalon
indéfini, chapeau mou, lunettes
noires, qui répondait ce qu’on
voulait lui entendre dire sur ce
qu’elle pensait de ce qu’il faut
faire dans son demi-pays (elle est
franco-tunisienne). Ce qu’elle a dit
importe peu, puisque rares sont ceux
qui ont pu en retenir quelque chose.
De tous les débats, de toutes les
analyses, de tous les discours des
gens bien informés, une seule
tendance domine ; celle qui veut que
s’instaure un islam à la turque. Le
seul problème c’est qu’il n’est pas
dit comment l’instaurer. En Tunisie,
il n’y a que des Tunisiens et s’il y
a des Turcs il ne doit pas y en
avoir des masses. Du moins pas
autant qu’il faut pour que leur
islam balaie l’islam local. Ce n’est
pas que de l’ironie. Parce qu’il n’y
a pas d’autres solutions que
celle-ci. Il n’y a que des Turcs qui
peuvent être des Turcs. Les
Tunisiens, de même, ne peuvent être
que Tunisiens et on veut qu’ils
soient des Turcs. Tant qu’à faire,
le grand gagnant de l’affaire, qui
revient de loin et qui ne tient pas
à ce qu’on lui fasse un sort, qui
veut garder la part de pouvoir qu’il
a gagnée et en prendre le plus
possible, Rached Ghannouchi,
acquiesce sans acquiescer. Il ne
dit pas non, sans dire oui. Car ce
n’est pas lui qui a parlé de
Turquie. Lui, il est tunisien et
n’en demande pas plus. S’il ne dit
pas non, c’est qu’il a peur de dire
oui. On le comprend, dans ce dernier
cas, il faudrait qu’il explique
comment il va faire pour transformer
les Tunisiens, lui-même et ses
petits copains en Turcs. Il se
contente donc de sourire, sans plus,
et de dire que l’AKP et Erdogan
c’est bien. De cette façon, il ne se
mouille, ni ne s’engage en quoi que
ce soit. Surfant sur la vague,
d’autres islamistes tunisiens, qui
sont modernistes comme ils le disent
eux-mêmes, ont créé leur propre
mouvement en se réclamant
publiquement de l’exemple turc. Ils
prennent quand même la précaution de
préciser que «l’AKP est le résultat
de la réalité turque» et que leur
projet va plutôt coller à la
«réalité tunisienne». Tant pis pour
la compréhension de la chose et
jusqu’à présent personne de sérieux
n’a cherché à résoudre l’équation.
Ainsi, en dehors des férus de l’AKP,
ce produit miracle dont seuls les
Turcs sont capables de fournir la
recette, mais chez eux, il n’y a
donc pas grand monde en pays
musulmans qui croit à cette histoire
d’importation, de greffe ou de
moulage qui marcherait. Tout ça,
alors que l’AKP n’y est pour rien et
que les Turcs ont juste les
rapports de force sociaux qu’il faut
pour que chacun respecte celui qui
n’est pas lui. Le Ghannouchi le sait
bien et il sourit parce qu’il ne
peut pas rire aux éclats devant la
bêtise qui étale sa science. Il ne
rit pas par politesse et aussi par
prudence en attendant de voir ce que
lui réserve l’avenir.
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