Opinion
Tunisie : «vision
de la population» à l'honneur
Badis
Guettaf
Samedi 4 février
2012
La visite
en Tunisie de Christine Lagarde, la
présidente du Fonds monétaire
international, a dû refroidir pas mal
les espoirs qu’avait ramenés de sa
réception par le G8 l’ex-Premier
ministre provisoire. C’était il y a huit
mois à Deauville en France. On sait que
le FMI, il ne faut pas en attendre
grand-chose et on en attend souvent le
pire, mais cette fois-ci c’est du
nouveau que l’on a entendu de sa part.
«On n’est pas de grands manitous venus
de Washington pour dicter des règles aux
pays», il faut l’entendre pour le
croire. C’est pourtant bien ce qui a été
dit. Et, pour ceux qui n’auraient pas
compris le sens du message, Mme Lagarde
ajoute : «La Tunisie doit inventer son
propre modèle économique». On peut
imaginer la tête de ses interlocuteurs,
qui s’attendaient à recevoir une maman
riche de conseils et des recettes plein
la valise. Ce qui aurait voulu dire que
des aides consubstantielles suivraient.
Mais là c’est la douche froide. C’est
comme si elle leur avait dit :
«Débrouillez-vous !» Derrière cette
attitude, il n’y a plus de doute, tous
les discours tenus par Obama et ses
affidés, n’étaient que des propos de
circonstance, sur fond de bombardements
en Libye. Bien peu nombreux étaient ceux
qui ont cru à la fable de ces milliards
d’euros qui devaient pleuvoir en
«récompense et en soutien à la
révolution». Le FMI vient de confirmer
le parjure. Il va même au-delà. Sans
cynisme aucun. «La Tunisie doit produire
sa propre politique en fonction de sa
propre vision stratégique et en relation
avec la vision de la population», ce qui
n’est pas du tout insensé. Le temps
n’est plus aux «plans de réajustement
structurels» quand il n’y a rien à
restructurer et que la fronde populaire
empêchera tout tour de vis
supplémentaire. La «vision de la
population», un concept tout nouveau
dans la bouche d’une institution qui n’a
pas pour principe d’en référer aux
peuples. Mais la présidente n’a pas pu
s’empêcher d’y aller de ce type de
conseils généraux, en appelant les
acteurs économiques à se concentrer «sur
le développement de l’activité
économique et la création de l’emploi»
et en rappelant qu’il faut «restaurer la
confiance pour que les investisseurs
locaux et internationaux retrouvent un
chemin continu pour leurs affaires».
Tout compte fait, on est loin du compte.
Béji Caïd Essebsi (BCE) avait entendu
que ses hôtes du G8 allaient mettre 70
milliards de dollars sur plusieurs
années au compte du développement «des
pays arabes connaissant une transition
démocratique». Maintenant, Ennahdha et
ses alliés peuvent classer le programme,
hérité de BCE, qu’ils croyaient
providentiel et concocter leur propre
feuille de route. Le conseil de Mme
Lagarde pourrait servir de base. Il
suffit d’aller à la rencontre des
grévistes, des manifestants, de tous les
mécontents, et de les associer à la
conclusion de solutions qui seront
sûrement plus démocratiques et plus
efficaces que tous les plans des
«experts». Peut-on faire autrement ? Il
est permis d’en douter.
Publié sur
Le jour d'Algérie
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