Opinion
Illusions et
vérités
Badis
Guettaf
Samedi 1er
septembre 2012
Quand on a
que l’illusion d’être grand, un moment
unique et très court, on en profite,
sans crainte du ridicule. C’est ce qui
est arrivé à Laurent Fabius, qui au
Conseil de sécurité (en vacances) a
présidé la réunion ministérielle le 30
août 2012. En l’absence des ministres
qui comptent vraiment, qui font du
Conseil ce qu’il doit être, les «grands
absents», le digne successeur d’Alain
Juppé s’est laissé aller à programmer le
dossier syrien. Pour se sentir au chaud,
en maître de cérémonie, il a invité la
Turquie, la Jordanie, le Liban et
l’Irak, «voisins de la Syrie», chargés
de donner de la consistance à la séance,
en plus du ministre britannique des
Affaires étrangères, membre de droit.
Les férus de politique onusienne ont
trouvé l’ordre du jour déplacé du fait
qu’aucune décision ne pouvait être prise
dans ces conditions. Leur verdict : un
échec de la diplomatie française, celle
«d’un petit pays, dans un petit
continent», comme l’estime un
journaliste. N’en déplaise aux
critiques, Fabius plastronne : «la
France est le pays qui est le plus en
pointe dans son soutien à l’opposition à
Bachar». Tirant fierté d’une attitude
qui n’aurait pas pu seulement être
pensée, sans les Etats-Unis. Va-t-en
guerre, il fantasme et dessine des
conjectures : «Il est certain que nous
jugeons Bachar el-Assad responsable de
l’utilisation de ces armes (chimiques,
ndlr) et s’il y avait la moindre
tentative d’en faire utilisation
directement ou indirectement la réponse
serait immédiate et fulgurante». Sans
dire qui, précisément, décidera et
produira cette réponse, quand on sait
les rapports de force en vigueur et les
capacités de son pays en la matière.
Pour peu qu’elle ait prêté attention à
cette déclaration, on peut imaginer le
sourire amusé de Hillary Clinton, qui se
dirait que c’est bien de laisser les ego
s’exprimer, tant que tout le monde sait
qu’ils ne prêtent pas à conséquence. Sur
le plan interne, l’heure n’est pas à la
même arrogance, mais plutôt aux
faux-fuyants, à la duplicité et au
profil bas, de peur du front social
bouillonnant, mais attentiste. «François
ne nous fais pas regretter d’avoir voté
pour toi, ne nous oublie pas» est une
interpellation des salariés d’une
société qui attendent leurs salaires
depuis onze mois. Face à cela, le
nouveau président répond : «Mon devoir,
c’est de dire la vérité aux Français.
Nous sommes devant une crise d’une
gravité exceptionnelle, une crise
longue». C’est dire l’art de ne rien
dire, tout en donnant l’impression
d’avoir dit. «La vérité aux Français» il
aurait fallu la dire avant d’ê-tre élu.
Pour la crise, les électeurs ont,
justement, voté pour qu’on lui trouve
ces solutions globales que nécessite une
précarisation globale. Jouant sur les
mots François Hollande va faire dans le
«sérieux budgétaire», «pour ne pas être
dans la main des marchés financiers»,
alors que le «sérieux budgétaire» est
exactement «la main des marchés
financiers». L’allégeance à Angela
Merkel et à Barack Obama, dans la
stricte continuité de la politique de
Nicolas Sarkozy, l’espoir de dividendes
hypothétiques des gesticulations contre
la Syrie et les connivences avec le
patronat, voilà en fait les lieux où se
terre la «vérité» qui ne sera jamais
dite. La guerre, si elle a lieu,
aura-t-elle pour objectif de tétaniser
les Français ?
B. G.
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