Opinion
Syrie : Pourquoi
la bataille d'Alep serait-elle décisive
pour les terroristes ?
Dr
Amin Hoteit & Ahmed Farhat
Lundi 1er octobre 2012
Une courte conversation téléphonique
n’est pas censée faire le tour d’une
question aussi douloureuse et abominable
que la guerre contre la Syrie, confiée
aux bons soins du terrorisme le plus
abject nourri par de soi-disant États
démocratiques cherchant à répandre leur
nouvel ordre et leur nouvelle
gouvernance par le feu et le sang …
C’est toute la Syrie qui souffre, mais
Alep la somptueuse étouffe… Elle étouffe
des émanations des incendies qui
ravagent les trésors archéologiques
qu’elle entretenait pour toute
l’humanité… Elle étouffe des tonnes de
pneus brûlés pour suggérer qu’elle est
partie en fumées… Là où il y avait de la
beauté il n’y a plus que désolation… Là
où fleurait bon le jasmin et l’odeur
suave des orangers s’infiltre l’odeur
pestilentielle de la trahison… Pour la
deuxième fois, et en moins d’un siècle,
un gouvernement français se rend
coupable de la souffrance de ses
habitants… Le Dr Amin Hoteit nous le
rappelle sans plus de précision…
Quiconque conteste cette culpabilité
n’aura qu’à consulter les manuels
d’Histoire retraçant les accords et
traités sur la répartition des
territoires syriens entre la France et
la Turquie au cours du siècle dernier ;
leur tentative actuelle de dépeçage et
de dislocation de ces mêmes territoires
n’étant plus un secret que pour celui
qui ne veut ni savoir, ni lire, ni
entendre ! [NdT].
C’est sur une surface d’à peine 18500
Km2 que la fine fleur des
stratèges de tous bords s’est ruée,
bardée de son équipement au complet et
de son enthousiasme guerrier : l’Heure a
sonné et c’est à Alep que tout va se
jouer !
C’est à Alep, capitale économique et
deuxième grande métropole syrienne que
devrait s’infléchir le cours des
événements de la campagne quasi
universelle menée par les tambours de
guerre occidentaux et régionaux contre
la Syrie… C’est à Alep que leurs
mercenaires devraient reprendre pied
avant de se redéployer.
Pourquoi Alep et pour quelles raisons
? Le Docteur Amin Hoteit, expert en
stratégie militaire et Général de
brigade à la retraite, répond à nos
questions lors d’une courte conversation
téléphonique.
Les bandes armées qui
sévissent en Syrie ont déclaré que la «
Bataille d’Alep » serait décisive.
Pourquoi Alep ? Pourquoi pas Damas… la
capitale du pays ?
Depuis plus de 18 mois que les bandes
terroristes sont lâchées sur la Syrie,
elles n’ont pas réussi à prendre le
contrôle définitif d’une seule région du
pays en continuité avec les zones
frontalières. Par conséquent, contrôler
Alep constituerait un « saut qualitatif
» vers la victoire, sinon le jeu est
terminé ! C’est parce qu’elles n’ont pas
pu prendre Damas, Homs et Idlib…
qu’elles se sont dirigées vers le Nord
pour faire main basse sur Alep et ainsi
aboutir à une sorte de partition
territoriale face aux autorités. Si Alep
leur échappe, aucun autre territoire
d’une telle importance, aucune autre
ville syrienne ne pourrait désormais
faire leur affaire !
Que veut la Turquie ?
Le gouvernement de Recep Tayyip
Erdogan veut la victoire des bandes
armées à Alep, ce qui lui permettrait de
justifier leur accueil sur le territoire
turc et surtout le soutien qu’il n’a
cessé de leur prodiguer ; soutien devenu
un lourd fardeau pour Ankara qui, après
avoir largement contribué à allumer un
incendie en Syrie, voit les flammes
s’approcher dangereusement pour
peut-être la dévorer à son tour. Ce
gouvernement veut la victoire de sa
guerre par mercenaires interposés, et
seule cette victoire l’autoriserait à
poursuivre sa politique…
D’ailleurs, avant même que les bandes
armées n’annoncent leur intention de
faire d’Alep leur bataille décisive,
Ankara a rejoint Washington pour de
multiples réunions de coordination au
plus haut niveau des services de
renseignement et de l’armée… De plus,
c’est de l’issue de cette bataille que
dépend l’avenir d’Erdogan qui a un
urgent besoin de marquer des points ;
d’une part, contre ses adversaires au
sein même de son propre parti dont le
Congrès est annoncé pour la semaine
prochaine; d’autre part, contre les
partis de l’opposition et de nombreuses
franges de la société turque dont les
critiques contre sa politique étrangère
fusent de toutes parts !
Sans oublier qu’en raison de sa
situation stratégique et de sa proximité
avec l’Anatolie, Alep a beaucoup compté
sous domination ottomane. Elle était
déjà la deuxième grande métropole de
l’Empire après Constantinople
[Istanbul], le premier centre de
commerce entre l’est et l’ouest, et si
les ambassades occidentales étaient
basées à Istanbul, Alep a toujours été
le siège des missions consulaires.
Sans oublier non plus que le « Traité
de Sèvres », conclu le 10 Août 1920
entre les alliés et l’Empire ottoman,
rattachant Alep et sa région à la Syrie,
fut refusé par Mustafa Kemal Ataturk qui
l’annexa tout comme il annexa l’Anatolie
et l’Arménie ; traité finalement
remplacé le 24 juillet 1923 par le «
Traité de Lausanne » plus avantageux
pour la Turquie à plus d’un titre … Alep
se retrouvant coupée de son port sur la
Méditerranée, amputée d’une grande
partie de son territoire, notamment du «
Sandjak d’Alexandrette » [correspondant
à peu près à l'actuelle province turque
du Hatay ; NdT].
Que cherchent les mercenaires
armés ?
Ils cherchent à transformer Alep de
capitale économique en capitale du
terrorisme, laquelle deviendrait le
siège d’un nouveau « Conseil National de
Transition », que les Pays du Golfe
s’empresseront de reconnaître,
maintenant que les bandes armées ont
obtenu la promesse de cette
reconnaissance par l’administration US
et le président français François
Hollande !
Mais ce n’est pas là leur seul but.
D’un point de vue sociétal, Alep est en
quelque sorte une petite Syrie à elle
seule, car très représentative de
l’ensemble de sa population et de ses
composantes confessionnelles. La
contrôler permettrait à la prétendue
opposition syrienne de promouvoir sa
soi-disant volonté d’établir un «
système pluraliste », slogan menteur et
hypocrite puisqu’il est désormais très
clair que cette opposition obéit au
diktat de la couleur unique… et que les
chrétiens seront les grands perdants !
Vers où croyez-vous que cette
bataille d’Alep se dirige ?
Les insurgés sont tombés dans un
piège et leurs ambitions reposent sur
des sables mouvants. La bataille de
Syrie s’est soldée par sa victoire. Aux
terroristes d’accepter leur défaite.
Rien à l’horizon ne suggère une autre
conclusion !
Dr Amin Hoteit
Ahmed Farhat
29/09/2012
Article original : Al-manar
http://www.almanar.com.lb/adetails.php?eid=317191&cid=21&fromval=1
Article traduit de l’arabe par
Mouna Alno-Nakhal pour
Mondialisation.ca
Le Docteur Amin Hoteit
est libanais, analyste politique, expert
en stratégie militaire, et Général de
brigade à la retraite.
Article publié sur
Mondialisation.ca
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