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Opinion
La terre reconnaît
al-Araqib et connaît son peuple...
Ameer Makhoul
Ameer Makhoul
Vendredi 25 février 2011
De sa prison, Ameer Makhoul participe à la lutte
de son peuple, et notamment dans celle que mènent les masses
palestiniennes dans la Palestine de l’intérieur, occupée en 48.
Ameer est prisonnier, depuis le 6 mai 2010. La veille, il se
trouvait dans al-Araqib, village menacé de « déracinement »,
comme il le dit si bien, détruit près de vingt fois en quelques
mois et aussitôt reconstruit, autant que possible (puisque les
bras de la destruction ne donnent plus de répit). Al-Araqib est
devenu le lieu de la lutte pour les Palestiniens de 48, le
symbole de leur résistance au sionisme spoliateur et
destructeur.
Soutenir Ameer Makhoul dans sa prison, c’est
aussi diffuser sa pensée et ses écrits, se mobiliser pour
soutenir son peuple qui lutte, et notamment
pour protéger al-Araqib dans le Naqab.
Ameer est prisonnier politique parce qu’il a lutté, avec son
peuple, contre l’épuration ethnique en cours, dans al-Qods et en
Palestine 48, et parce qu’il a lutté pour briser le blocus
contre Gaza.
Une fois encore, Ameer nous explique que son
emprisonnement n’est pas une question personnelle, ce n’est pas
vers lui que doivent se diriger les efforts, mais vers sa lutte
et celle de son peuple. Lors de la guerre criminelle contre le
Liban en juillet 2006, Ameer Makhoul avait lancé son cri, de
Haïfa, touchée par les fusées de la résistance islamique au
Liban : « ne nous regardez pas, nous, à Haïfa, mais dirigez vos
regards vers les victimes au Liban. »
Exigeons la libération de Ameer Makhoul, et
exigeons aussi la libération de tous les prisonniers
palestiniens et arabes des geôles du colonialisme sioniste.
Soutenons Ameer Makhoul, et soutenons la lutte de libération de
la Palestine, à laquelle il participe et lutte, et pour laquelle
il a été fait prisonnier.
Al-Araqib fut le
dernier village que je visitai avant mon arrestation. Al-Araqib
n’est pas un simple village, mais une patrie et un peuple. J’y
étais, sous la tente de sheikh Sayah, la tente de la
protestation, et il y avait foule, ce 5 mai, suite à la
destruction et la reconstruction. Nous nous sommes réunis
jusqu’aux heures tardives de la nuit, en considération de
l’obscurité du désert.
Sheikh Raed Salah
nous y avait appelés, mais c’est surtout le devoir et la
responsabilité nationale qui nous y avaient appelés, et nous
nous sommes rencontrés dans al-Araqib, dans la soirée, après
avoir mené une visite de terrain dans le village de Houra, où
nous avions rencontré le militant Nouri Uqbi, puis nous avions
visité dans Liqyeh le militant Alayan Sane’, avant de nous
diriger vers al-Araqib où s’était réunie sa population
militante. Nous étions une délégation de la commission populaire
pour la défense des libertés, issue du haut comité de suivi , et
cette délégation comprenait Abdel Hakim Moufid, Raja Aghbariyeh,
Qadri Abou Wassel, l’avocat Abdel Raouf Mouassi, et moi-même. Je
m’excuse si j’ai oublié d’autres participants.
Ce fut ma dernière
visite car, après être arrivé chez moi à Haïfa, après minuit, je
suis resté quelques heures avant que les forces de la police et
des renseignements n’investissent ma maison et ne m’arrêtent. Je
ne peux actuellement suivre l’évolution que par le biais des
moyens d’information disponibles en prison.
Nous savions, lors
de la rencontre à al-Araqib, que les yeux des forces du
déracinement nous guettaient et guettaient al-Araqib, de loin,
profitant de l’obscurité du désert agréable et l’utilisant pour
se couvrir le visage et leurs mains criminelles. Et comme « les
gens de la Mecque connaissent le mieux leur territoire » les
gens d’al-Araqib connaissent le mieux leur territoire et leur
environnement nocturne, tout obscur soit-il. Cette obscurité du
désert, qui était leur amie naturelle, les déracineurs l’ont
également confisquée. Ils sont les envahisseurs de la terre et
les envahisseurs de la nuit, qui instaurent l’injustice, les
ténèbres, le déracinement, l’expulsion et l’exil forcé. Ce sont
les ténèbres du projet sioniste tout au long de l’histoire. Les
ténèbres qu’il a imposées sur al-Araqib, le Naqab, la Galilée,
la côte, le Triangle, al-Quds, Gaza, la Cisjordanie et au-delà
des mers, pour empêcher la lumière de la liberté d’arriver à
Gaza, encerclée, et ils les ont étendues sur l’exil, dans une
tentative vaine de cacher la patrie, loin de la lumière et de
l’espoir, et ils l’ont cachée du retour.
Mais le peuple du
pays sait son parcours et sait qui le guette, il connait son
droit sur et dans cette patrie.
Les yeux
israéliens qui guettent et les bulldozers de la destruction et
de l’épuration ethnique ne nous dissuadent pas, ils sont là et
agissent, instant après instant, depuis six décennies. Quant à
nous, les masses de notre peuple de l’intérieur, nous avons
accru notre force, jour après jour, depuis la Nakba et au cours
de la nakba qui se poursuit, nous sommes devenus plus fermes
dans notre résistance à l’oppression et au système de
l’épuration ethnique, et nous avons libéré notre volonté.
Au cours de cette
rencontre à al-Araqib, nous avions préparé un plan de travail et
un plan d’affrontement et d’urgence, dans la bataille du défi et
du maintien sur place. Nous avions réparti les tâches et partagé
les soucis, nous avions planifié le face-à-face à la destruction
imminente, d’abord par nos corps, dans une mobilisation humaine,
tout en assurant une solidarité locale et internationale
efficaces. Nous avions insisté pour reconstruire toute maison
qui serait détruite et toute tente qui serait arrachée, quel
qu’en soit le prix, et directement après sa destruction, au cas
où ils réussissaient à exécuter leurs crimes. Notre visite ne
fut pas le début de notre lutte existentielle pour et dans al-Araqib,
et ce n’est pas non plus la fin de la lutte, mais il s’agissait
d’une accumulation supplémentaire, et de manière organisée.
Sachant qu’il s’agit d’une bataille décisive, et non locale,
mais une bataille stratégique. Il s’agit d’un événement
fondateur supplémentaire de la défense de la patrie et ce qui
reste de la terre, une protection de l’existence arabe dans le
Naqab, et une récupération autant que possible du droit spolié.
C’est la bataille pour la patrie, pour la volonté, et c’est là
où se précisent les lignes du développement de la lutte
populaire accumulée depuis plusieurs décennies.
Il ne faut pas se
comporter avec cette bataille comme un fait passager ou local,
car cela signifierait leur remettre al-Araqib, qui est une
partie essentielle de la patrie, au moment où le devoir national
et l’esprit du défi et du maintien, exigent de nos masses de se
comporter avec cette bataille, en ayant devant nos yeux
l’événement fondateur le plus important de la défense de la
terre et de la maison, qui est la journée de la terre en 1976.
Aujourd’hui, nous affrontons un projet d’épuration ethnique issu
du même système et de la même essence, mais situé à al-Araqib.
La liaison entre
la résistance populaire dans al-Araqib et la résistance
populaire dans Sheikh Jarrah, Selwan, Na’lin, Bil’in, dans le
Triangle et la bataille d’al-Rawha, la bataille contre les
destructions de maisons et la judaïsation, la bataille d’Um
Sahali et les batailles du comité des 40 pour la reconnaissance
des villages non reconnus et du conseil régional des villages
non reconnus dans le Naqab, la bataille de Nouri Uqbi pour la
défense de sa terre et de son droit sur et dans sa terre, le
mouvement populaire palestinien et international pour briser le
blocus contre Gaza, la bataille pour protéger l’arabité d’al-Quds
et des lieux saints, ainsi qu’un nombre important de lignes de
la lutte et de la résistance populaire, dont l’énergie ne
s’épuise pas, mais qui augmente de jour en jour au contraire, où
se retrouvent toutes les forces populaires pour donner naissance
à un mouvement populaire et une solidarité locale et
internationale avec la victime en lutte, et constituer une
puissante force de dissuasion contre les envahisseurs dans al-Araqib
et ailleurs, et une protection du peuple de ce pays et des
propriétaires de cette patrie, qui y vivent ou qui sont ses
réfugiés.
Il est important
de savoir ce qu’Israël a également compris, c’est que les masses
arabes sont une force stratégique, la plus organisée au sein du
peuple palestinien, à cette étape, et ces masses sont capables
de défendre son droit, son existence et tous les droits de notre
peuple. Elles sont également capables de récupérer les droits
confisqués, ainsi que la patrie et la terre, comme elles sont
capables de diriger une bataille légale, où nous sommes les plus
forts, et non Israël. Le système qui déracine la population
d’al-Araqib, comme tout le processus de déracinement et
d’expulsion, doit se préoccuper tous les jours de sa légitimité,
et nous devons, nous, tous les jours, l’occuper par sa
légitimité. C’est un système qui ne recule devant aucun crime
que dans la mesure où nous l’affrontons. Et dans notre
affrontement, nous affirmons, en fin de compte, ce n’est ni al-Araqib
ni sa population qui ont besoin d’être reconnus par leurs
oppresseurs et déracineurs, puisque la terre les reconnaît et
l’histoire les reconnaît, et la patrie connaît son peuple. C’est
là où se trouve la légitimité.
Hommage au haut
comité de suivi des masses arabes, qui a défini le lien
politique correct entre le soulèvement d’al-Quds et d’al-Aqsa en
2000 et la bataille pour al-Araqib et la défense de la patrie,
en annonçant une activité centrale dans al-Naqab et sur les
terres d’al-Araqib la veille de la journée de la terre. Il
s’agit d’un message pour nous-mêmes, et pour le monde, disant
que notre cause est indivisible, que la cause de notre peuple
est indivisible.
Ameer Makhoul,
prisonnier
Traduction Rim al-Khatib
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