Ecologie
La pire entreprise
de la planète est une entreprise minière
brésilienne
Vendredi 3 février
2012
L’entreprise
minière brésilienne Vale vient
d’être désignée comme la pire société de
la planète suite à la consultation des
Public Eye Awards, connu
comme le « Nobel » de la honte
pour les entreprises privées. L’annonce
a été faite lors d’une conférence de
presse tenue à Porto Alegre (Brésil), à
l’occasion du
Forum Social Thématique « Crise du
capitalisme, justice environnementale et
justice sociale » qui s’est
déroulé du 24 au 29 janvier. Occasion
pour Alter-Echos (www.alter-echos.org)
de revenir sur les agissements
inacceptables de cette multinationale et
de présenter le réseau international des
personnes affectées par la Vale.
Remis chaque année
au moment du Forum Economique Mondial de
Davos, les
Public Eye Awards désignent
la pire société de la planète suite à un
vote des internautes. En compétition
avec Barclays, Freeport,
Samsung, Syngenta et
surtout Tepco, responsable du
désastre nucléaire de Fukushima, la Vale
l’a emporté avec plus de 25 000 votes.
Présente dans plus de 38 pays, la
Vale est le deuxième plus grand
groupe minier et le premier producteur
de minerai de fer de la planète. A elle
seule, elle émet 4 % de la production
totale de CO2 du Brésil et utilise
chaque année 1,2 milliards de mètres
cubes d’eau, l’utilisation moyenne de 18
millions de personnes.
La Vale finance
le barrage Belo Monte
Facteur décisif de
sa nomination, la Vale est entrée
en 2010 dans le consortium Nord Energia
SA. Ce consortium est en charge de la
construction du très controversé barrage
de Belo Monte qui nécessitera le
déplacement de 40 000 personnes à
travers une planification autoritaire ne
tenant pas compte des populations
locales. Projet de 17 milliards de
dollars, le
barrage Belo Monte
provoquerait la dévastation de
gigantesques régions de l’écosystème de
l’Amazonie : 80 % des cours seraient
déviés dans un réservoir artificiel. En
produisant de l’électricité bon marché,
ce barrage pourrait faciliter
l’extraction de ressources naturelles
dans le bassin amazonien.
Pour les
organisations qui mènent campagne contre
la Vale, ce prix met en lumière
les agissements inacceptables de la
multinationale brésilienne et les
conséquences dramatiques de ses
activités sur les populations et
l’environnement. « Pour des milliers
de personnes au Brésil et dans le monde
entier, qui sont déplacés, qui perdent
leurs maisons et leurs terres, leurs
amis et proches, qui sont menacés,
exploités ou licenciés par l’entreprise,
qui souffrent de mauvaises conditions de
travail et de rémunération, décerner ce
prix à la Vale est l’occasion d’exposer
aux yeux du monde les souffrances et
d’apporter de nouvelles forces à ceux
qui luttent pour leurs droits et contre
les excès commis par la société ».
Justice sur les
rails
La
campagne « Justice sur les rails
» est née fin 2007. Elle a pour
priorité « la protection de
l’environnement et des populations
menacées par la Vale dans la région
amazonienne, en particulier celles
situées le long du chemin de fer Carajas
». Cette ligne de chemin de fer a été
inaugurée en 1985. Elle est longue de
892 km de long et relie cette province
avec le port de Ponta da Madeira à São
Luís. Sous concession de la Vale,
elle est l’une des plus productives de
la planète. Chaque jour, des trains de
400 wagons et de plusieurs kilomètres de
long permettent d’exfiltrer vers les
marchés internationaux des millions de
tonnes de minéraux (fer, manganèse,
cuivre, bauxite, nickel, étain, or…),
mais aussi du bois et du soja produit
dans le sud du Maranhão, Piauí, Para et
du Mato Grosso. Transportant pour plus
de 30 millions de dollars, chaque train
traverse des villes dont les populations
survivent avec presque rien.
Le centre
d’exploitation de Carajas dispose
d’immenses réserves de fer et d’un des
plus grand ensembles métallurgiques de
la planète. Quatorze usines
sidérurgiques s’y trouvent dans un rayon
de moins de 150 kilomètres. Pour accéder
à des gisements de charbon en mesure
d’alimenter ces usines (jusqu’à 300
tonnes de charbon par jour et par
usine), de nombreuses forêts natives ont
été rasées. L’électricité bon marché du
barrage de Belo Monte pour partie
financé par la Vale alimentera
donc un complexe industriel appartenant
à la Vale. Sous couvert
d’infrastructures modernes, cette ligne
de chemin de fer symbolise le pillage
des ressources naturelles, la
concentration des richesses et des
terres, des processus d’exclusion
sociale, la dégradation sans limite des
écosystèmes.
La Vale, ou le
symbole du capitalisme brésilien
triomphant
La Vale est devenu
un des symboles du capitalisme brésilien
triomphant. Elle a réalisé plus de 19
milliards de dollars de bénéfice net en
2011. Pour 2012, elle prévoit
d’augmenter de 50 % le dividende versé
par action. Par ailleurs, la Vale
investit massivement à l’étranger. En
2006, elle établit le record de la plus
chère acquisition jamais faite par une
entreprise brésilienne, en achetant la
canadienne Inco pour 19,3 milliards de
dollars, qui fut pourtant l’une des plus
prospères entreprises minières
canadiennes, et plus important
producteur de nickel. Le tout avec la
bénédiction et le soutien du
gouvernement brésilien.
Si la Vale a été
privatisée en 1997, avec son lot de
protestations publiques et d’accusations
de corruption, le gouvernement en reste
actionnaire et de forts liens se
maintiennent. Des représentants de
l’entreprise font ainsi régulièrement
partie de la délégation officielle du
gouvernement lors des négociations
internationales, telle que celles sur le
climat. Début 2011, une des premières
décisions de la nouvelle présidente,
Dilma Roussef, fut d’installer à la tête
de la Vale un nouveau dirigeant, Murilo
Pinto de Oliveira Ferreira.
Officiellement pour imposer à
l’entreprise d’accroître ses
investissements sur le sol brésilien
plutôt que d’exporter les matières
premières à l’état brut. L’entreprise
dispose d’ailleurs d’une certaine
immunité puisqu’elle refuserait toujours
de verser les 2,5 milliards de royalties
qu’elle devrait à l’Etat brésilien.
C’est donc également sous caution
gouvernementale que la Vale poursuit son
expansion en suivant un modèle
capitaliste classique.
Comme beaucoup
d’entreprises minières de par le monde,
l’histoire de la Vale est marquée par
des conditions de travail inhumaines,
des violations des droits humains, des
pollutions de l’environnement ou encore
le recours à des milices paramilitaires.
En 2009, la rémunération des
actionnaires de la Vale (2,75 milliards
de dollars) fut supérieure à ce que
l’entreprise a versé à ses employés.
Plus de 100 actions judiciaires et 150
enquêtes seraient aujourd’hui engagés
contre l’entreprise. Jusqu’ici la Vale
s’en est sortie presque sans égratignure
hormis quelques amendes.
Une alliance
internationale des affectés par la Vale
Pourtant, partout
où la Vale passe sur la planète,
des populations se soulèvent. De juillet
2009 à mars 2010, c’est la mine de
nickel de Grand Sudbury en Ontario
(Canada), anciennement propriété d’Inco,
qui a connu une grève dure, la plus
longue de son histoire. Générée par
les pratiques sociales de l’entreprise
brésilienne, cette lutte a été une
nouvelle occasion d’internationaliser
les résistances contre les pratiques de
la Vale. Débutée au forum social
mondial de Belem (janvier 2009), cette
mise en relation internationale s’est
concrétisée en avril 2010 avec la tenue,
à Rio de Janeiro, de la Première
Rencontre Internationale des Personnes
Affectées par la Vale. Elle a
réuni environ 160 personnes provenant
d’une centaine d’organisations et de 13
pays qui ont présenté des cas de conflit
avec la Vale dans divers Etats du
Brésil et d’Argentine, au Canada, Chili,
Pérou, Mozambique et Nouvelle-Calédonie.
Rassemblant des
syndicats de travailleurs, des ONG, des
réseaux internationaux, des communautés
locales, cette alliance internationale
s’est donné pour objectif commun de «
dénoncer la politique d’agression et de
prédation de la Vale, de mettre en
commun les expériences de lutte et
d’établir des formes de coopération
». Apporter une réponse globale aux
agissements planétaires d’une
multinationale brésilienne aux
conséquences dévastatrices pour les
populations locales.
Rendez-vous a déjà
été pris pour une deuxième rencontre
internationale. Elle aura lieu en juin
prochain, à Rio de Janeiro, quelques
jours seulement avant la
Conférence Internationale Rio+20
dont le sujet principal portera sur
l’économie verte. Pour sûr, les affectés
de la Vale diront haut et fort qu’ils ne
veulent pas de l’économie verte
qu’incarne la pire entreprise de la
planète (et le Brésil ?). Et nous non
plus.
Publié sur
Alter Echos
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