Opinion
Mali : ingérence humanitaire ou nouveau
Sahelistan ?
Traîtres et mercenaires au service du
néocolonialisme (10e partie)
Ali El
Hadj Tahar
![](carte-Mali.jpg)
Samedi 16 février
2013
Le 15 janvier, après
la demande d’intervention reçue de son
homologue malien, François Hollande est
parti aux Emirats demander des fonds
pour l’intervention au Mali, et par la
même occasion, il a visité la base
navale française d’Abu Dhabi. Il sait
que les musulmans ne se contentent pas
d’envoyer leurs fils tuer d’autres
musulmans, mais qu’en plus, ils mettent
la main à la poche pour financer la
liquidation de leur progéniture par les
commanditaires.
Cette visite entre dans le cadre du
partenariat dont Obama a parlé dans son
discours avant les «printemps arabes»,
signifiant qu’il se fixait un but de
créer une chaîne de «partenaires» avec
un nombre incalculable de traîtres qui
feraient de la surenchère pour abattre
les derniers Etats qui résistent à
l’impérialisme et même pour se détruire
les uns les autres, non seulement pour
se partitionner en mini-Etats à
caractère ethnique, linguistique ou
religieux. Auparavant, François Hollande
était occupé à soutenir les bandes de
mercenaires en Syrie, un autre cas
d’école du terrorisme transnational créé
et instrumentalisé par l’Occident : 90%
des 100 000 terroristes qui activent
dans ce pays sont d’origine étrangère.
Tandis que Hollande veut «lutter» contre
Ansar Dine au Mali, il recevait à
l’Elysée le chef de l’Alliance syrienne,
Ahmad Moaz Al-Khatib – un ancien imam
intégriste de la Grande Mosquée des
Omeyyades de Damas dont il a été chassé
pour extrémisme – qui disait soutenir le
groupe terroriste An-Nousra que les USA
venaient de mettre sur la liste de
groupes terroristes et qu’ils
continuaient à soutenir eux aussi.
Fabius se disait soucieux d’empêcher
l’installation d’un Etat terroriste au
Mali alors qu’il soutenait An-Nousra à
installer des fiefs terroristes à Alep,
à Hama, Homs, Damas et ailleurs afin de
déboulonner le seul président laïc,
progressiste et anti-israélien qui reste
dans le monde arabe. La logique semble
complexe, mais au fond, elle est très
simple : il ne s’agit pas du deux poids,
deux mesures envers les groupes
djihadistes. C’est la même logique.
Avant de les combattre, il faut les
entretenir, et quand ils grossissent, on
se met à les combattre pour les
victimiser afin que Morsi, Ghannouchi,
Hamad et consorts chauffent le tambour
pour rameuter des hordes de mercenaires
et de barbus, en brandissant le chéquier
et le Coran. Les ventes d’armes seront
en augmentation exponentielles, comme
nous le verrons plus loin. Tous les
groupes de mercenaires impliqués au Mali
ont agi de concert avec une affectation
de rôles pour chacun, y compris pour le
MNLA qui fait semblant de se retirer du
jeu lorsque l’intervention a lieu, alors
que c’est par lui que tout a commencé.
Il ne renoncera pas à ses velléités
indépendantistes tant que le
commanditaire n’a pas obtenu gain de
cause : ses récentes déclarations
donnent à penser qu’il sert toujours de
moyen de pression pour la France. Comme
l’invasion qu’il a guidée le 17 janvier
2012, le retrait qu’il opère s’inscrit
dans une même démarche où rien n’est
fortuit. Bien au contraire, tout a été
programmé. Ce que disent les groupes de
mercenaires importe peu, tout comme
importe peu les déclarations de leurs
soutiens
wahhabites-salafistes-Frères-musulmans
sur les médias et TV égyptiens,
libanais, maghrébins ou des pays du
Golfe. Dans leurs discours, ils disent
leur «haine» de l’Occident, mais la
vérité est tout autre : ils agissent au
profit de l’Occident, dans le cadre
défini par l’Occident, sous les ordres
et avec les instructions express de
l’Occident, soit directement via des
centrales de renseignement comme la CIA,
le SDECE et la DCRI français, le MI6,
etc., ou par l’entremise du Qatar et de
l'Arabie Saoudite qui peuvent aussi agir
pour leurs propres agendas.
Françafrique et socialisme
néocolonialiste
Après l’intervention française au
Mali, il devient clair que les velléités
séparatistes du MNLA sont plus dictées
par les services secrets occidentaux que
par des injustices réelles ou supposées.
En Afrique du Nord, la majorité des
communautés ont vécu des siècles sinon
des millénaires en harmonie. Les
conflits et les heurts ne sont apparus
qu’avec le divide ut regnescolonial, et
c’est le néocolonialisme qui a exacerbé
les conflits, stigmatisé les
différences, encouragé les divisions.
Des faits troublants laissent penser que
l’invasion du Nord-Mali par des rebelles
et des terroristes financés par un même
commanditaire obéit à un plan minutieux
préparé avant la chute de Kadhafi. Quant
à l’intervention française au Mali, elle
risque de déraper et d’ouvrir le champ
au dépeçage d’un pays ou même de toute
une région, à sa mise à sac, voire sa
partition, dans le genre des scénarios
initiés par la France au Biafra
(1967-1970), au Rwanda ou en
Côte-d’Ivoire, et par les USA en
République de Serbie, en Tchétchénie, en
Irak, au Soudan… Pour montrer que le
MNLA est toujours un groupe
d’irrédentistes qui disent une chose
puis son contraire, Moussa Ag Assarid,
l’un des leaders du MNLA disait vouloir
participer avec les forces françaises à
lutter contre ce qu’il appelle les
terroristes : «Nous sommes en mesure
d’accomplir le travail au sol. Nous
avons des hommes, des armes et,
par-dessus tout, le désir de libérer
l’Azawad du terrorisme.» En outre, dans
un entretien accordé au Soir
d’Algérie(22-26 janvier), Hama Ag Sid
Ahmed, porte-parole du conseil du MNLA,
dit que ses unités se déploient dans les
territoires du Nord-Mali : à quoi sert
donc une libération si elle ne désarme
pas tous les belligérants ? Questionné
sur l’éventualité de rejoindre les
unités de la Misma, le porte-parole
affirme que «Bilal Ag Achérif, le
président du Conseil transitoire de
l'Azawad, avait fait une déclaration
dans laquelle il expliquait très
clairement que le MNLA ne s’allierait
pas à la Cédéao. Nous estimons que ces
forces, pilotées par l’armée malienne,
ne connaissent pas la région et elles
risquent fort de s’engager dans une
guerre contre la «peau blanche». Cela
risque de devenir très dangereux. Ces
forces armées ne feront aucune
distinction entre les populations
civiles et les groupes terroristes.» Il
ajoute : «Voilà pourquoi nous
privilégions les frappes aériennes
ciblées au déploiement de troupes dans
l’Azawad», entendant par-là les
opérations des troupes françaises. Selon
lui, les Français sur le terrain savent
distinguer entre civils et terroristes !
Il se révèle davantage en disant : «Je
pense que nous aurons également à nous
concerter avec les autorités
françaises». Au nom de quelle légitimité
il se concerterait avec les Français ?
Cela signifie donc que les Français
prennent langue avec ce groupe de
mercenaires : c’est de l’ingérence pure
et simple. Finalement, la France semble
avoir ressorti un vieux projet gaullien
de séparation du Sahara des autres pays
— un projet datant de 1957 et appelé
«Organisation commune des régions
sahariennes» (OCRS) — et semble décidée
à nous faire mordre la poussière avec,
puisqu’elle trouve des traîtres dans
chaque coin de nos pays (lire 7e
partie). Si à l’Azawad, le MNLA veut
donner une connotation ethnique,
pourquoi donc ne pas y inclure
Tamanrasset et tout le Sahara algérien,
une partie du Niger, du Burkina Faso et
du Sahara libyen ? La France a échoué en
1957, et veut gagner aujourd’hui en
s’alliant à l’impérialisme
franco-qatari. En créant le MNLA et en
l’instrumentalisant, le socialiste
Hollande commet le crime le plus grave
de l’histoire postcoloniale de la
France. Les relents de la Françafrique
puent dans les discours faussement
humanitaristes du plus mitterrandien des
néocolonialistes. Aujourd’hui,
l’objectif avoué d’une intervention au
Mali est la lutte antiterroriste mais
encore une fois, il s’avère que cet
alibi fabriqué a souvent eu bon dos pour
l’occupation de régions convoitées, si
ce n’est un argument créé de toutes
pièces : le cas malien s’ajoute donc aux
cas afghan et irakien. La France garde
le MNLA sous la main, car il pourrait
encore servir de moyen de pression et
énième ruse de l’impérialisme.
Les groupes de mercenaires fidèles à
leurs maîtres
L’oncle du leader du MNLA, Moussa Ag
Assarid, chef d’Ansar Dine, un autre
groupe fantoche qui, lui, utilise
l’islam comme fonds de commerce, suit le
Qatar, dans une distribution des rôles
apparemment écrite par l’ex-secrétaire à
la Défense, Hillary Clinton, pour mettre
plus de piquant à l’histoire et
éparpiller les pièces du puzzle. Le
Qatar fait mine d’être en colère contre
l’intervention française ou bien
l’est-il vraiment que son poulain, Ansar
Dine, soit sacrifié et non pas le MNLA ?
«Nous espérons que ce problème puisse
être réglé par le dialogue. Je pense que
le dialogue politique est important et
nécessaire. Je ne pense pas que la force
règlera le problème», a dit Hamad Ben
Jassem Al-Thani, le Premier ministre du
Qatar. D’ailleurs, pour montrer sa
reconnaissance à ses généreux donateurs
du Golfe, Iyad Ag Ghaly a pris pour nom
Cheikh Abou Elfadel, ce qui montre son
mépris pour la culture touarègue. Ansar
Dine était sur le point de proclamer un
cessez-lefeu unilatéral, puis voilà qu’Iyad
Ag Ghaly accuse ses représentants de
trahison et quelques jours après il
lance l’assaut contre la ville de Kona
pour donner le signal à l’intervention
française. Les Hamad du Qatar ont plus
d’un tour dans leur sac : la preuve, un
parti islamiste vient d’être créé au
Mali. Il est issu d’Ansar Dine et se
fait appeler : Mouvement islamique de
l’Azawad. Maintenant, même les
«islamiques» se revendiquent l’Azawad et
non pas du Mali. Si le prétexte
indépendantiste ne réussit pas, le
prétexte islamiste aura des chances.
Finalement, tous les ramassis d’Ansar
Dine se ressemblent : des mercenaires
qui doublent leurs revendications
islamistes de revendications sur le
Nord-Mali. Quelle différence alors avec
le MNLA ? Aucune, que la duplicité, la
lâcheté et la ruse pour satisfaire les
desiderata de la France. Mais ni les
Touareg ni les autres factions du
Nord-Mali ne se laissent duper. Le
Mouvement islamique de l’Azawad a été
créé pour diviser les Touareg et les
peuples avec lesquels ils ont toujours
vécu en harmonie. D’ailleurs, les scènes
de pillage et de violence entre les
différentes ethnies en représailles de
celles subies depuis janvier 2012 à
cause d’Ansar Dine et du MNLA attestent
que le feu de la fitna a commencé, avec
son lot de vengeances. Ce parti vise
aussi à créer davantage de divisions au
sein des Touareg et à politiser cette
population dans le mauvais sens du mot,
alors que pour eux, la citoyenneté se
pratique dans les faits, par le travail
et la solidarité traditionnels imposés
par l’environnement hostile. Les credo
ethniques comme les credo d’une «Dawla
islamiyya» sont le camouflage entrant
dans un projet global de partition et de
destruction des Etats islamiques et de
la nation islamique dans sa globalité.
Les déclarations du MNLA autant que la
création du parti islamiste touareg
montrent que les causes et les effets
sont intimement liés, pas uniquement au
menu fretin des supplétifs et des
valets, mais des ordonnateurs et
décideurs de l’ombre. Tous les chefs des
groupes maliens pseudo-djihadistes et
pseudo-rebelles du MNLA et d’Ansar Dine
viennent du même mouvement du MPLA et du
MPA responsables des anciennes
rébellions qu’Alger a eu à régler
notamment en 1992 et en 2006. Mais
aujourd’hui, ce sont des manipulateurs
exogènes qui avancent ces pions sur le
terrain. Depuis plus d’un siècle, les
Etats-Unis utilisent le terrorisme comme
soutien à leur politique étrangère :
l’Afghanistan, le Nicaragua (les
Contras), la Tchétchénie, la Bosnie… Les
Français quant à eux ne sont pas des
amateurs dans le domaine et ils viennent
de le prouver au Mali, en manipulant
plusieurs marionnettes à la fois, le
MNLA Aqmi, Ansar Dine, Mujao, et cela
s’est sans doute fait en coordination
avec le Qatar, ce nouveau membre non
déclaré de l’OTAN.
A. E. T.
(A suivre)
Lire la 9e partie
Lire la 11e partie
Publié sur
Le Soir d'Algérie
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