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Electronic Intifada

Voici pourquoi Israël ne survivra pas
Ali Abunimah


Depuis une colline voisine de la bande de Gaza, des Israéliens suivent les
bombardements sur Gaza, et dansent de joie à l’idée  du massacre – 8 janvier 2009
(Newscom)

on The Electronic Intifada, 19 janvier 2009 

Le bombardement impitoyable de Gaza a pris fin – pour l’instant – mais le tribut des morts ne cesse d’augmenter tandis que l’on retire encore et encore de nouveaux corps des décombres de pâtés d’immeubles bombardés.

Le crime qu’Israël a perpétré à Gaza, à partir du 27 décembre 2008 à 11 h 30 restera gravé à jamais dans l’Histoire et dans les mémoires. Tel al-Hawa, Hayy al-Zeitoun, Khuzaa et d’autres lieux où Israël a massacré iront rejoindre une interminable liste macabre où figurent Deir Yasin, Qibya, Kufr Qasim, Sabra et Chatila, Qana et Jénine.

Une fois de plus, Israël a démontré qu’il détient le pouvoir et le manque de restriction mentale nécessaires pour commettre des atrocités à l’encontre d’une population de réfugiés dans l’indigence, après les avoir emprisonnés et affamés.

La déshumanisation/démonisation des Palestiniens, des Arabes et des musulmans a connu une telle escalade qu’Israël peut en toute bonne conscience bombarder leurs maisons, leurs lieux de culte, leurs écoles, leurs universités, leurs usines, leurs bateaux de pêche, leurs commissariats de police – bref : tout ce qui permet une vie civilisée et normale – tout en clamant qu’il est en train de mener une guerre contre le terrorisme.

Pourtant, paradoxalement, c’est Israël, en tant qu’Etat sioniste, et non pas la Palestine ou le peuple palestinien, qui ne saurait survivre à cette tentative de génocide.

La « guerre » d’Israël n’avait rien à voir avec les roquettes – celles-ci ont joué, dans son discours, un rôle identique à celui que les armes de destruction inexistantes avait joué, en tant que prétexte à l’invasion et à l’occupation de l’Irak, sous la houlette américaine.

Les véritables objectifs d’Israël étaient de restaurer sa « capacité de dissuasion » mortellement atteinte après sa défaite au Liban en 2006 (comprendre : sa capacité de massacrer et de terroriser des populations entières jusqu’à résipiscence) et de détruire toute résistance palestinienne afin d’étendre un contrôle absolu israélo-juif sur toute la Palestine historique, du Jourdain jusqu’à la Méditerranée.

Le Hamas et d’autres fractions de la résistance palestinienne totalement éliminés ou mortellement affaiblis, Israël espérait que plus rien ne s’opposerait à la signature d’un accord de « paix » avec le collaborateur palestinien en chef Mahmoud Abbas, afin que celui-ci gère les Palestiniens au profit d’Israël, jusqu’à ce qu’ils soient contraints à partir, une bonne fois pour toutes.

Les dictatures « modérées » et les monarchies absolues soutenues par les Etats-Unis, emmenées par l’Egypte et l’Arabie saoudite, ont soutenu le plan israélien, espérant démontrer à leurs propres peuples respectifs que toute résistance – que ce soit contre Israël ou contre leurs propres régimes faillis – serait inutile.

Pour gagner, il aurait fallu qu’Israël parvienne à briser la résistance palestinienne. Elle a échoué. Et même, contrairement à son objectif, il a galvanisé et unifié les Palestiniens comme ils ne l’avaient encore jamais été. Toutes les factions palestiniennes se sont unies, et elles ont combattu héroïquement vingt-trois jours durant. D’après des sources bien informées et crédibles, Israël n’a infligé que des pertes légères à la capacité militaire – certes modeste, mais déterminée – de la résistance. Aussi, histoire de passer sa rage, Israël a fait ce en quoi il excelle : il a massacré des civils, dans l’espoir que la population se retournerait contre ceux qui combattaient l’occupant.

Non seulement Israël a unifié les factions de la résistance palestinienne à Gaza, mais sa brutalité a galvanisé tous les Palestiniens et tous les Arabes.

On affirme souvent que les régimes arabes feraient monter en mayonnaise la colère contre Israël histoire de distraire leurs propres peuples de leurs propres échecs. En réalité, Israël, les Etats-Unis et les régimes arabes liges ont absolument tout tenté – en particulier de diaboliser l’Iran et de susciter des tensions sectaires entre musulmans sunnites et musulmans chiites – afin de détourner de la Palestine l’attention de leurs peuples.

Toutes ces manœuvres ont échoué, des millions de personnes, dans toute la région, ayant manifesté leur soutien à la résistance palestinienne, et les régimes arabes qui espéraient tirer bénéfice de la boucherie à Gaza ont été démasqués, et leur partenariat dans les atrocités israéliennes a été dénoncé. Dans l’estime populaire, le Hamas et les autres factions de la résistance palestinienne ont conquis leur place aux côtés du Hezbollah en tant que béliers effectifs contre le colonialisme israélien et occidental.

S’il y eut jamais un seul moment où les peuples de la région eussent accepté Israël en tant qu’Etat sioniste au milieu d’eux, cela est terminé, à jamais

Mais quiconque étudie la catastrophe à Gaza – les destructions massives, le bilan des morts, équivalent à cent Palestiniens tués pour chaque Israélien tué, plus les milliers de blessures sadiques – conclura sans doute que les Palestiniens n’auraient jamais pu vaincre Israël et que la résistance est, dans le meilleur des cas, une illusion.

Certes, en termes de capacité à assassiner et à détruire, Israël est sans rival. Mais le problème d’Israël n’est pas, contrairement à l’antienne de son bourrage de crâne, ce « terrorisme », qu’il devrait vaincre grâce à l’utilisation de suffisamment d’explosifs surpuissants. Non, son problème, c’est la légitimité, ou, plus exactement, un manque profond et irréversible de légitimité. Israël ne peut tout simplement pas se frayer un chemin vers la légitimité à coup de bombes.

Israël a été fondé, en tant qu’ « Etat juif » au travers de l’épuration ethnique de la population arabe non-juive, majoritaire, de la Palestine. Il n’a pu être maintenu en état de survie artificielle que par le soutien occidental et son recours constant à la violence pour interdire à la population indigène survivante d’exercer ses droits politiques à l’intérieur du pays, ou d’y revenir d’un exil forcé.

En dépit de cela, aujourd’hui, la moitié des personnes vivant sous le pouvoir israélien en Palestine historique (Israël + la Cisjordanie + la bande de Gaza) sont des Palestiniens, et non des juifs. Et leur nombre ne cesse d’augmenter, rapidement. Comme les nationalistes irlandais en Irlande du Nord, ou les non-Blancs en Afrique du Sud, les Palestiniens ne reconnaîtront jamais je ne sais trop quel « droit » d’une société colonialiste de peuplement à entretenir un Etat démocratique à leurs propres dépens, au moyen de la violence, de la répression et du racisme.

Durant des années, le soi-disant « processus de paix » a visé à normaliser Israël en tant qu’ « Etat juif » et à arracher aux Palestiniens leurs propres bénédictions pour leurs propres dépossession et asservissement. Cela ayant échoué, Israël a essayé le « désengagement » de Gaza – il s’agissait essentiellement d’une ruse pour convaincre le reste du monde que le million et demi de Palestiniens mis en cage là-bas ne pourraient désormais plus être considérés comme faisant partie de la population du pays. Selon la définition israélienne, ils incarnaient « une entité hostile ».

Dans une célèbre interview publiée en mai 2004 dans The Jerusalem Post, Arnon Soffer, un des architectes du désengagement de 2005, expliquait que cette approche « ne garantit pas la « paix » - elle garantit un Etat sioniste juif, avec une majorité écrasante de juifs ». Soffer prédisait que dans le futur, « quand deux millions et demi de personnes vivront dans une bande de Gaza hermétiquement scellée, ce sera une catastrophe humaine. Ces gens seront encore plus des animaux sauvages qu’aujourd’hui, avec l’aide d’un fondamentalisme islamique insane. La pression, à la frontière, sera épouvantable. »

Il était très clair quant à la question de savoir ce qu’Israël aurait à faire pour maintenir un tel statu quo : « Si nous voulons rester en vie, nous devrons tuer, tuer et encore tuer. Tous les jours, chaque jour que le bon Dieu fait. » Soffer espérait que, de guerre lasse, les Palestiniens baisseraient les bras et partiraient carrément de Gaza.

Par leur résistance, leur fermeté et leur sacrifice, les Palestiniens de Gaza ont vaincu cette politique, et ils ont affirmé à nouveau qu’ils sont partie constituante de la Palestine, de son peuple, de son histoire et de son avenir.

Israël n’est pas la première entité coloniale de population à se retrouver dans une telle situation. Quand F.W. de Kerk, le dernier président de l’Afrique du Sud de l’apartheid, accéda au pouvoir, en 1989, ses généraux calculèrent que seulement avec la force militaire écrasante dont ils disposaient, ils seraient en mesure de maintenir le régime au pouvoir durant au moins une décennie. Les victimes, toutefois, se seraient comptées par centaines de milliers, et l’Afrique du Sud se serait trouvée confrontée à un isolement encore plus grand. Face à cette réalité, de Klerk prit la décision d’entreprendre un démantèlement en bon ordre de l’apartheid.

Quel choix Israël fera-t-il ? En l’absence de toute légitimité politique et morale, les seuls arguments qui lui restent sont les balles et les bombes. Abandonné à ses propres moyens, Israël continuera à n’en pas douter à tenter – comme il l’a fait continûment depuis soixante ans – de massacrer les Palestiniens jusqu’à ce qu’ils capitulent. La grande réalisation d’Israël, c’est d’avoir fait apparaître les dirigeants sud-africains de l’apartheid extrêmement avisés, pleins de retenus et humains, en comparaison.

Mais ce qui avait dissuadé le gouvernement blanc suprématiste d’Afrique du Sud de porter l’escalade de leur violence aux niveaux israéliens de cruauté et d’impavidité, ce ne fut nullement le fait qu’ils auraient eu davantage de scrupules que le régime sioniste. Non, ce fut leur prise de conscience du fait qu’ils ne pouvaient plus résister, seuls, contre un mouvement anti-apartheid mondial qui manifestait sa solidarité avec la résistance sud-africaine.

La « dissuasion militaire » d’Israël a désormais été discréditées à de multiples reprises en tant que moyen de contraindre les Palestiniens et les autres Arabes à accepter une suprématie sioniste supposée inévitable et éternelle. Aujourd’hui, l’autre pilier de la puissance israélienne – le soutien et la complicité de l’Occident – commence à craquer. Nous devons faire tout ce que nous pouvons afin de le faire céder.

Israël a entrepris ses massacres avec le soutien total de ses « amis » occidentaux. Puis, quelque chose de surprenant s’est produit. En dépit des déclarations de soutien officielles, en dépit de la censure imposée aux médias, en dépit d’une campagne de hasbara (propagande) israélienne sophistiquée, il y a eu une mobilisation populaire massive, sans précédent, en Europe, et même en Amérique du Nord, exprimant outrage et dégoût.

Gaza restera sans doute comme ce tournant où la propagande israélienne aura perdu son pouvoir de mystifier, de réduire au silence et d’intimider comme elle le faisait depuis si longtemps. Même l’Holocauste nazi, si longtemps mis en avant par les sionistes pour faire taire les contempteurs d’Israël, est en passe de devenir problématique ; on entend désormais couramment des comparaisons naguère inimaginables. Des universitaires juifs et palestiniens ont comparé les agissements d’Israël à Gaza aux massacres perpétrés par les nazis dans le ghetto de Varsovie. Un cardinal du Vatican a qualifié Gaza de « camp de concentration géant ». Le parlementaire britannique Gerald Kaufman, hier encore un sioniste pur sucre, a déclaré, à la Chambre des Communes : « Ma grand-mère était malade, clouée au lit, quand les nazis sont entrés dans sa ville de Staszow, en Pologne. Un soldat allemand lui a tiré une balle dans la tête, dans son lit. » Kaufmann poursuivit : « ma grand-mère n’est pas morte ainsi pour fournir une justification à des soldats israéliens en train d’assassiner des grands-mères palestiniennes à Gaza ! » Il a dénoncé les « justifications » filandreuses du porte-parole militaire israélien, qu’il a qualifiées de « propos dignes d’un nazi ».

Et il n’y a pas eu que ces déclarations. Il y a eu aussi des démonstrations monstres, des actions directes non-violentes et des expressions sans précédent de soutien au boycott, au désinvestissement et à des sanctions, de grands syndicats, en Italien au Canada et en Nouvelle-Zélande. Un groupe pluraliste de conseillers municipaux de Birmingham (le deuxième conseil municipal d’Europe par le nombre de ses conseillers) a pressé le gouvernement britannique de faire quelque chose. Salma Yaqoub, du parti RESPECT a expliqué qu’ « un des facteurs qui ont contribué à mettre un terme au brutal régime d’apartheid en Afrique du Sud, ce fut la pression internationale soutenant des boycotts dans les domaines économique, sportif et culturel. Il est grand temps qu’Israël commence à ressentir une pression similaire de la part de l’opinion publique mondiale. »

Israël, dont la véritable nature de projet colonial brutal et sans lendemain vient d’être mise à nu à Gaza, est extrêmement vulnérable à ce genre de campagne. Passé quasi-inaperçue, au milieu du carnage à Gaza, une autre étape a été franchie par Israël sur la voie de l’apartheid en bonne et due forme, la commission électorale de la Knesset ayant adopté une mise à l’écart des partis arabes des prochaines élections législatives. Le sionisme, cette idéologie de suprématie raciale, d’extrémisme et de haine, est un projet mourant, sur le recul et incapable de trouver de nouvelles recrues. Avec une pression suffisante, et relativement rapidement, les Israéliens pourraient, eux aussi, faire émerger leur propre de Klerk, qui soit prêt à négocier une voie de sortie. Tout nouveau massacre rend cette émergence de plus en plus difficile, mais une Palestine désionisée, décolonisée et réunifiée, offrant des droits égaux à tous ceux qui y vivent, sans égard pour leur religion ou leur ethnie, ainsi que le retour des réfugiés palestiniens chez eux, ne sont pas un rêve utopique.

C’est quelque chose d’atteignable, de notre vivant. Mais c’est loin d’être inéluctable. Nous pouvons être certains que les gouvernements occidentaux et arabes vont continuer à soutenir l’apartheid israélien et la collaboration palestinienne sous la forme d’un « processus de paix », à moins qu’on ne les en empêche de manière décisive. Les massacres israéliens vont continuer et aller empirant, jusqu’à ce que le cauchemar d’une « paix » à l’israélienne – apartheid + davantage encore d’épuration ethnique – soit devenu réalité.

Les mobilisations des trois semaines écoulées ont montré qu’un autre monde, différent, est possible, que ce monde différent est à notre portée, si nous soutenons le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions à l’encontre d’Israël.

Même si elles ne le verront jamais, ce monde nouveau serait un monument digne de toutes les innombrables victimes d’Israël.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

Cofondateur du site The Electronic Intifada, Ali Abunimah est l’auteur de l’ouvrage : One Country: A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006).



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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