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Opinion

Des reportages révèlent le massacre d'Etat de manifestants tunisiens
Alex Lantier

Jeudi 13 janvier 2011

Une série de reportages est apparue hier de meurtre à grande échelle par les forces de sécurité de manifestants en rébellion contre le chômage et les conditions sociales misérables prévalant sous le régime dictatorial du président Zine El Abidine Ben Ali.

Les émeutes secouent la Tunisie depuis que Mohamed Bouazizi, un diplômé de l'université travaillant comme vendeur ambulant, s'est donné la mort pour protester contre la confiscation par la police de tout son étal de fruits et légumes.

Des protestations identiques ont secoué la semaine passée l'Algérie voisine après que le gouvernement a tenté d'imposer des augmentations de prix sur des produits alimentaires subventionnés dont la farine, le sucre et l'huile.

Alors que le bilan officiels des victimes s'élevait hier à 18, des reportages ont fait état de dizaines de manifestants tués rien que dans la ville de Kasserine. Sadok Mahmoudi, membre du bureau régional de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a dit à l'AFP : « C'est le chaos à Kasserine après une nuit de violence, de tirs de snipers, pillage et vols de commerces et de domiciles par des effectifs de police en civil qui se sont ensuite retirés. »

Mahmoudi a dit que le nombre de morts était d'au moins 50, en citant le personnel de l'hôpital régional de Kasserine. L'AFP a fait remarquer que d'autres sources dans la région corroboraient le compte rendu de Mahmoudi.

Le personnel médical de l'hôpital de Kasserine a débrayé pendant une heure en signe de protestation selon un responsable local qui a parlé à l'AFP sous couvert de l'anonymat. Il a confirmé que la police ciblait des victimes et s'acharnait sur elles jusqu'à les tuer; il a ajouté  qu'un grand nombre de gens arrivaient à la morgue de l'hôpital avec « leurs boyaux à l'air libre et la cervelle éclatée. 

Mokhter Trifi de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'homme (LDHT) a dit: « Une opération de commando téléguidée a été organisée la nuit dernière pour piller et faire accréditer la thèse du complot avancée par le régime. » Trifi a précisé que les autorités tunisiennes avaient « attribué les émeutes du week-end à des pilleurs au sein de la population. »

Le président Ben Ali a prononcé hier un discours en répétant de telles calomnies impudentes à l'égard des manifestants. Il a accusé des « éléments hostiles à la solde de l'étranger qui ont vendu leur âme à l'extrémisme et au terrorisme, manipulés depuis l'extérieur du pays par des parties qui ne veulent pas le bien à un pays déterminé à persévérer et à travailler. »

 Il a affirmé que les incidents « ont été l'ouvre de bandes masquées qui ont attaqué la nuit des édifices publics et même des civils à leurs domiciles lors d'un acte terroriste qu'on ne saurait taire. » Les articles cités ci-dessus suggèrent cependant, qu'il est possible que les « bandes masquées » aient été des commandos tunisiens travaillant sous les ordres de Ben Ali.

Le ministère tunisien de l'Intérieur a confirmé que la violence pour tuer était utilisée contre les manifestants. Son communiqué a déclaré qu'à Kasserine, « les policiers ont fait usage de leurs armes dans un acte de légitime défense, lorsque les assaillants on multiplié les attaques, en jetant des pneus en feu pour forcer les locaux de la police dont les équipements ont été incendiés. » Le ministère a déclaré ce ceci avait « occasionné la mort de quatre assaillants. »

Un responsable de l'UGTT de la cité voisine Thala a dit à la BBC que la police avait mis en garde les résidents de ne pas se rassembler en groupes même de deux personnes. Il a dit que la ville était sur le point d'être à court de nourriture et de fioul domestique.

Lundi, un autre jeune Tunisien - Allaa Hidouri, 23 ans - s'est tué en signe de protestation, par électrocution en grimpant sur des câbles à haute tension.

Il y a eu plusieurs articles selon lesquels les protestations, centrées dans les régions plus pauvres de la Tunisie centrale et occidentale, se propageaient aux villes côtières où l'industrie touristique de la Tunisie est basée. La police a violemment dispersé hier une manifestation d'artistes dans la capitale, Tunis. Des sources de l'AFP ont écrit : « La tension était palpable dans la capitale au moment où des appels à des manifestations de masse se répandent sur le réseau social Facebook. »

Après l'interdiction des matchs de football, le gouvernement tunisien a fermé lundi et jusqu'à nouvel ordre tous les établissements scolaires et les universités pour empêcher qu'un plus grand nombre de jeunes ne se rassemblent. La jeunesse tunisienne est confrontée à un taux de chômage de 30 pour cent. Le quotidien français Libération a publié des photographies montrant des étudiants tunisiens assis par terre pour former en lettres arabes les mots « non aux assassinats ».

Une confrontation de classe entre les travailleurs et le régime de Ben Ali est en train de se développer rapidement avec des conséquences potentiellement explosives au niveau international - une perspective qui aggrave les craintes de la classe dirigeante. La presse bourgeoise avertit que le mécontentement de masse, les protestations et les grèves pourraient se propager de la Tunisie à l'ensemble du monde arabe et au-delà. C'est tout particulièrement le cas au moment où les grossistes et les banques font maintenant grimper rapidement les prix des produits alimentairess au-delà de ce que bien des familles peuvent payer.

Dans le quotidien Asharq Al-Awsa, le chroniqueur saoudien, Rahman al-Rashed, a mis en garde contre un éventuel « effet domino » tandis que les protestations se propagent dans l'ensemble de la région. Il écrit : « La barrière de la peur a-t-elle été brisée ? Il semble que ce soit la question la plus importante. la barrière psychologique qui a empêché les protestations a peut-être été éliminée. »

Le Financial Times rapporte que dans des dictatures alliées aux Etats-Unis, telles l'Egypte et l'Arabie saoudite, des réseaux sociaux sur internet répandent des messages de solidarité avec les manifestants tunisiens et algériens.

Aux Etats-Unis, le magazine Time a fait état d'une « vague de protestations et de violence en Afrique du Nord contre deux régimes autoritaires, entretenant de bonnes relations avec les Etats-Unis. » Il a expliqué que Washington n'avait jusqu'à ce jour pas objecté à leurs pratiques, « en raison surtout du fait que les gouvernements autoritaires de l'Algérie et de la Tunisie sont des alliés dans une lutte contre le terrorisme islamique. »

Le Time a ajouté que si ces régimes cessaient de se ranger derrière les exigences américaines  de « guerre contre le terrorisme », Washington pourrait envisager de les remplacer par d'autres figures pro-Etats-Unis et qu'ils jugent plus aptes à maîtriser leurs populations : « L'instabilité sociale provoquée par leur politique peut en fait ouvrer en faveur des extrémistes régionaux. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, en visite cette semaine dans les Etats du Golfe, projette de demander publiquement une réforme politique dans le monde arabe. »

Il y a un certain nombre de tentatives de la part de l'establishment politique tunisien et diverses puissances impérialistes de fournir un vernis cynique, pseudo-démocratique aux agissements du régime tunisien et l'encourager à envisager de réduire quelque peu les meurtres.

L'une de ces tentatives est un changement de la position de l'UGTT - unique syndicat tunisien et partisan de longue date de Ben Ali. Selon les informations publiées sur son site web, il l'a publiquement soutenu à l'élection présidentielle de 2009 en formulant son accord avec la politique de « réforme » de Ben Ali. Cette politique comprenait des coupes à grande échelle dans le secteur des emplois publics, ce qui a joué un rôle majeur dans l'aggravation du chômage, conduisant au désespoir social qui a provoqué les protestations actuelles.

Depuis le début des protestations actuelles le mois dernier, le syndicat n'a pas abandonné son soutien politique à Ben Ali. La direction nationale de l'UGTT a refusé d'appeler à la grève la classe ouvrière en solidarité avec les protestations de masse; elle n'a pas non plus appelé à  stopper les meurtres, elle aurait à plusieurs reprises critiqué des responsables individuels de l'UGTT qui ont participé aux manifestations.

Au cours du week-end, cependant, le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Abid Brigui, a dit qu'il n'était « pas normal d'y [protestations] répondre par des balles ». Le politicien de l'opposition, Mahmoud Ben Romdhane, a salué la déclaration de Brigui comme « un grand revirement » de l'UGTT.

De manière plus cynique, Michèle Alliot-Marie, la ministre des Affaires étrangères de la France, ancienne puissance coloniale de la Tunisie, a suggéré que la police française pourrait partager son « savoir-faire français » avec les forces de sécurité tunisiennes. Elle a expliqué : « Nous proposons effectivement aux deux pays de permettre dans le cadre de nos coopérations d'agir pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l'assurance de la sécurité. »

(Article original paru le 12 janvier 2011)

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Publié le 14 janvier 2011 avec l'aimable autorisation du WSWS

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