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Venise, trente ans après...
Alain Gresh
Alain Gresh
Dimanche 30 mai 2010 Réunis les 12 et 13 juin 1980 à Venise,
les chefs d’Etat et de gouvernement des neuf pays membres de la
Communauté économique européenne (France, Royaume-Uni, Pays-Bas,
Allemagne, Belgique, Luxembourg, Italie, Danemark, Irlande)
adoptaient
une déclaration sur le Proche-Orient qui devait faire date.
Les points 6 et 7 précisaient :
« 6. Le problème palestinien, qui n’est pas
un simple problème de réfugiés, doit enfin trouver une juste
solution. Le peuple palestinien, qui a conscience d’exister en
tant que tel, doit être mis en mesure, par un processus
approprié défini dans le cadre du règlement global de paix,
d’exercer pleinement son droit à l’autodétermination.
7. La mise en oeuvre de ces objectifs exige l’adhésion et
le concours de toutes les parties en cause au règlement de paix
que Les Neuf s’efforcent de promouvoir sur la base des principes
définis dans les déclarations mentionnées ci-dessus. Ces
principes s’imposent à toutes les parties concernées, donc au
peuple palestinien et à l’OLP qui devra être associée à la
négociation. »
Pour la première fois depuis la guerre de 1967, l’Europe
communautaire affirmait, non seulement son refus de toute
annexion, mais le droit des Palestinien à l’autodétermination et
la nécessité d’associer l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP) à la négociation. Ce texte était d’autant plus
important, qu’il était adopté après les accords entre Israël et
l’Egypte à Camp David en 1978 et la signature de la paix entre
ces deux pays en 1979. Trente ans plus tard, ces principes
apparaissent tellement évidents que plus personne, même pas le
gouvernement israélien, ne les conteste (au moins en principe).
Et pourtant...
La réaction la plus significative à la déclaration de Venise
est venue du gouvernement israélien de Menahem Begin,
le 15 juin 1980 :
« La résolution nous appelle, ainsi que les autres
nations, à inclure dans le processus de paix les SS arabes
connus sous le nom de l’Organisation de libération de la
Palestine. » Et le gouvernement précisait que cette
« organisation d’assassins » a pour principale composante le
Fatah qui veut liquider « l’entité sioniste » et dont les
textes résonnent comme le Mein Kampf de Htiler.
Les réactions du président des Etats-Unis Jimmy Carter
n’étaient pas très encourageantes. Lors d’un entretien à Cable
News Network, le 31 mai 1980, il avait mis en garde les
Européens à ne pas intervenir dans les négociations engagées
entre Le Caire et Tel-Aviv sur l’autonomie palestinienne. Il
avait aussi affirmé qu’il utiliserait son droit de veto au
conseil de sécurité des Nations unies pour empêcher toute
modification de
la résolution 242 (1967) dans un sens plus favorable aux
Palestiniens. La victoire de Ronald Reagan à l’élection
présidentielle de l’automne 1980 aboutira à un durcissement
américain et à un refus encore plus radical de toute discussion
avec l’OLP.
Les Européens étaient eux-mêmes divisés, malgré le texte.
L’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark ne s’y étaient ralliés
que de mauvais grâce.
Pourtant, à la faveur, notamment, de l’activisme de Paris,
l’Union européenne va, à partir de la déclaration de Venise,
paver la voie à une évolution importante à la fois de la
position des Etats-Unis et de celle d’Israël. Trente ans après
Venise, « la communauté internationale » a accepté l’idée d’un
Etat palestinien indépendant et personne ne qualifie plus l’OLP
de « SS arabes ».
Pourtant, depuis plusieurs années déjà, l’Union européenne et
Paris ont renoncé à toute politique autonome sur le
Proche-Orient. Ils se sont même retrouvés de plus en plus
souvent aux côtés de la politique israélienne, lors de
l’invasion de Gaza par exemple. Ils ont multiplié
les atermoiements face à Israël (Isabelle Avran, La valise
diplomatique, 25 juin 2009). Et, malgré toutes les concessions
que Paris lui consent, « Tel
Aviv piétine ses alliés » (Le Monde diplomatique,
avril 2010) et maintient une politique intransigeante, refusant
même la levée du blocus de Gaza, comme le confirme l’action
menée
contre la flottille qui cherche à ravitailler l’enclave
palestinienne.
L’Union européenne pourrait développer une autre politique.
Ce serait non seulement conforme aux principes qu’elle prétend
défendre, mais aussi à ses intérêts. Pour revenir sur le bilan
européen et esquisser ce que pourrait être une politique
européenne active, un colloque se déroulera au Sénat le vendredi
4 juin sur le thème : « L’Union européenne pour une paix juste
au Proche-Orient. Le moment est venu d’agir ». Y participeront
notamment Jean-François Poncet, Hubert Védrine, Miguel-Angel
Moratinos.
Programme du colloque du 4 juin
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