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Vers un coup d’Etat en
Palestine ?
Alain Gresh
Contacts entre Riyad et
Tel-Aviv ? Bien que démentis par les deux parties,
une éventuelle rencontre entre des responsables saoudiens et israéliens
fait l’objet de nombreuses spéculations dans la presse. Patrick
Saint-Paul écrit, dans un article du Figaro
du 26 septembre, intitulé « Israël
aurait pris langue avec l’Arabie saoudite » : « Dans
une interview au Yedioth Ahronoth, la semaine dernière, Olmert
saluait "la sagesse et le sens des responsabilités" du
roi Abdallah. Prié de dire s’il avait des contacts secrets avec
Riyad, il avait déclaré "ne pas avoir à répondre à une
telle question". Olmert s’est aussi dit impressionné par
la position "mesurée" de l’Arabie saoudite dans le
conflit, qui a opposé Israël et au Hezbollah. Et les premiers
contacts entre officiels des deux pays auraient eu lieu après le
début du conflit, indiquent les médias. » Rappelons
que, dans un premier temps, le royaume saoudien avait critiqué
l’opération menée par le Hezbollah le 12 juillet. Dans un éditorial
du 26 septembre, le quotidien Haaretz
notait que Olmert avait déclarait qu’il « était
impressionné par les différents pas et déclarations faites par
les Saoudiens, en public et aussi autrement, et par la sagesse et
le sens de responsabilité du roi Abdallah. » Pour le
quotidien israélien, le premier ministre, en parlant de pas
positifs, fait référence à« l’importante
initiative saoudienne du début 2002. Cette initiative a été à
l’origine de la résolution de la Ligue arabe de mars 2002 qui
offrait à Israël une normalisation des relations avec le membres
de la Ligue en échange d’un retour d’Israël aux frontières
de 1967 et une solution négociée et juste du problème des réfugiés
palestiniens sur la base de la résolution 194 de l’Assemblée générale
des Nations unies. Israël avait alors choisi d’ignorer cette
importante initiative. » Mais l’attitude de Olmert
a-t-elle vraiment changé alors qu’il vient de réaffirmer qu’Israël
ne rendrait pas le Golan syrie, comme le note une dépêche de
l’AFP du 26 septembre : « Tant que
j’occuperai les fonctions de Premier ministre, le plateau du
Golan demeurera entre nos mains car il est partie intégrante de
l’Etat d’Israël. »
Pacifistes de droite aux
Etats-Unis. La publication d’articles sur un rapport
des services de renseignement (16 services concernés !)
indiquant que la guerre en Irak avait suscité un nouvelle génération
de "terroristes" a contraint le président Bush à
ordonner la publication du texte incriminé (lire "Le
président Bush rend public une prtie du rapport sur les
"tendances du terrorisme mondial", Le
Monde, 27 septembre. Voir
le texte en anglais du rapport). (On pourra aussi lire l’éditorial
du 27 septembre du New York Times) « The
fine art of declassifiction » (l’art subtil de la déclassifcation).
Ce nouvel épisode, à quelques semaines des élections de la
mi-mandat pour le Congrès, indique l’ampleur de l’opposition
aux Etats-Unis à la guerre en Irak. Une partie de celle-ci est
composée de responsables de droite, comme le montrt l’article
« Pacifistes de droite aux Etats-Unis », de Jeremy
Brecher et Brendan Smith, publié dans Le Monde
diplomatique d’octobre (dans les kiosques le 29 septembre)
Vers un coup d’Etat en
Palestine ?
La question peut sembler saugrenue. Après tout,
il n’existe pas d’Etat palestinien. Pourtant, il apparaît
clairement qu’il existe une volonté commune du gouvernement
israélien, du gouvernement américain, d’une partie des
gouvernements européens et des gouvernements arabes dits modérés,
et d’une fraction même du Fatah de renverser le gouvernement
issu des élections législatives de janvier 2005, qui ont donné
une majorité au Hamas. On a pu ainsi entendre ces étranges
propos du porte-arole du Fatah au Conseil législatif, Jamal
Al-Tirawi affirmant que « nous
allons renverser le gouvernement du Hamas. Nous sommes maintenant
la majorité. » Ce que le porte-parole du Fatah ne
précise pas c’est que cette majorité n’est rendue possible
que par l’arrestation par l’armée israélienne de nombreux députés
du Hamas. Cette déclaration, jointe à la grève de
fonctionnaires (déclenchée par des syndicats proches du Fatah)
qui réclament le paiement de leur salaire (rendu difficile par le
boycottage de la « communauté internationale » et le
refus d’Israël de payer les droits de douane de 50 millions de
dollars mensuels dus à l’Autorité palestinienne), est caractéristique
du climat. Les milices du Fatah n’ont d’ailleurs pas hésité,
à plusieurs reprises, à imposer aux commerçants palestiniens
des grèves de protestation contre le gouvernement palestinien.
Ces grèves ne sont pas seulement manipulées.
Elles s’appuient sur un vrai mécontentement du au blocus imposé
par la communauté internationale contre le peuple palestinien.
Tous les rapports confirment la détérioration sans précédent
de la situation matérielle des Palestiniens. Un
nouveau rapport de l’envoyé spécial des Nations unies pour les
territoires occupés, Special John Dugard, rendu public le 26
septembre, a noté que l’action israélienne à Gaza
relevait du « nettoyage ethnique »
et que la vie des Palestiniens était devenue « tragique
et intolérable ». Il a aussi accusé Israël et les
pays occidentaux de la détérioration de la situation. Si le
Fatah peut profiter de ce contexte, ce n’est que très
relativement. La journaliste Amira Hass dans un article
d’aujourd’hui de Haaretz intitulé « Missing
the governement of thieves » (Quand le gouvernement des
voleurs est regretté) notait les slogans des manifestants grévistes
palestiniens : « Non à Ismaïl, non à
Haniyeh, nous voulons le retour du gouvernement des voleurs. »
(rappelons qu’Ismaïl Haniyeh est le premier ministre
palestinien, issu du Hamas). Et Amira Hass résume le sentiment
d’une partie de la population : « Le
gouvernement du Hamas est peut-être propre, mais les voleurs du
Fatah valent mieux. Après tout, quand le Fatah était au pouvoir,
nous étions payés. » Et la journaliste d’expliquer
que le Fatah, « qui a du mal à digérer son
écartement du pouvoir, s’appuie sur logique des demandes
internationales et agit de manière à renverser un gouvernement
élu ».
Malgré cette situation, un
sondage publié le 26 septembre indique un maintien de la côte de
popularité du Hamas. Selon les résultats, 42% des
Palestiniens sont satisfaits de l’action du gouvernement et 54%
insatisfaits. Les gens disposés à voter pour le Hamas représentent
toujours 38% (même pourcentage qu’il y a trois mois), alors que
la popularité du Fatah n’a que légèrement augmenté à 41%.
Si la côte de popularité de Mahmoud Abbas atteint 55%, en cas de
nouvelle élection présidentielle, seulement 31% des électeurs
voteraient pour lui, contre 24% pour Haniyeh et 13% pour Marwan
Barghouti, le dirigeant du Fatah emprisonné par les Israéliens.
(Notons que selon ce sondage, 56% des Israéliens sont favorables
à des négociations avec un gouvernement palestinien dirigé par
le Hamas).
Rappelons un peu la chronologie des événements.
A la fin juin, le Fatah et le Hamas se mettent d’accord sur le
fameux « document
des prisonniers », élaboré par des prisonniers
politiques de toutes les tendances politiques (le Djihad islamique
émet certaines réserves). Il contient trois principes :
acceptation de la création d’un Etat palestinien sur les
territoires occupés en 1967 (et donc reconnaissance de facto d’Israël) ;
limitation des actions armées aux territoires occupés ;
Mahmoud Abbas serait chargé de mener les négociations de paix
avec Israël (notons que selon les accords d’Oslo c’est l’OLP
et non l’Autorité palestinienne qui est chargée des négociations
avec Israël). L’enlèvement du soldat israélien le 25 juin
entraîne une offensive générale israélienne et les négociations
entre le Hamas et le Fatah sur la création d’un gouvernement
d’union nationale sont suspendues.
Elles reprennent et semblent aboutir au début
septembre à un accord, le gouvernement d’union nationale étant
dirigé par le Hamas. A la veille de son départ à New York, le
président Abbas suspend les négociaitons. Il rencontre le président
Bush et, à la suite de cette entrevue, il intervient à l’Assemblée
générale en affirmant que tout gouvernement palestinien sera
tenu par les lettres de reconnaissance mutuelle entre Arafat et
Rabin, du 9 septembre 1993 (échangée à la veille de la
signature des accords d’Oslo). Rappelons que, dans ces lettres,
l’OLP reconnaît l’Etat d’Israël alors qu’Israël se
borne à reconnaître l’OLP comme représentant des
Palestiniens.
Cette demande de Mahmoud Abbas de reconnaissance
explicite d’Israël par le futur gouvernement, y compris donc
par le Hamas, est totalement irréaliste en ce moment. Le Hamas ne
peut y consentir pour deux raisons : pour des raisons
internes d’abord, un changement aussi profond de son programme
ne pouvant aboutir qu’à l’éclatement du mouvement ;
mais surtout parce qu’une telle reconnaissance serait prise sans
aucune contrepartie sérieuse d’Israël. Le journaliste israélien
Dany Rubinstein, dans le quotidien Haaretz, posait la question « Why
recognize Israel ? » (Pourquoi reconnaître Israël ?).
Il rappelait que l’OLP, qui a reconnu Israël, n’a rien gagné
à la suite de ce geste. D’ailleurs, tous les sondages montrent
que l’opinion palestinienne ne demande pas au Hamas de faire
cette concession. Compte tenu de l’ampleur de la colonisation
qui n’a arrêté à aucun moment depuis 1973, Dany Rubinstein
note que « le message israélien est devenu
sans équivoque : vous, Palestiniens, n’avez aucune chance.
Vous avez reconnu Israël et ce que vous avez reçu en échange
est la liquidation de tous vos espoirs nationaux. Pourquoi
faudrait-il que le Hamas répète cette même reconnaissance d’Israël
pour dont nous avons déjà vu les résultats ? »
Pour l’instant, la direction du Fatah n’est
pas unie. Mahmoud Abbas lui-même est hésitant. Il est soumis à
une multitude de pressions : internes (de nombreux cadres du
Fatah sont hostiles à l’accord et ne veulent aucun partage du
pouvoir). Mais les pressions des gouvernements étrangers ne sont
pas moins fortes : Israël et les Etats-Unis ne veulent pas
du Hamas ; les Etats arabes modérés encore moins (un
gouvernement d’union nationale avec les islamistes risque de
donner des idées chez eux) ; une partie des gouvernements
européens (mais, globalement, l’Union est plutôt neutre)... Si
le gouvernement issu des élections de janvier devait tomber dans
ces conditions, la leçon envoyée aux peuples de la région
serait « claire » : vous avez le droit de voter,
à condition de voter comme l’entendent les Etats-Unis, Israël
et les pays arabes « modérés »... On ne s’étonnera
pas après que les discours les plus extrémistes de rejet de
« la démocratie occidentale » trouvent au
Proche-Orient une oreille plus attentive...
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