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Carnets du diplo
Après avoir infiltré Al-Qaida,
Sifaoui infiltre Arte
Alain Gresh
26 août 2007
Ce sera un grand jour. Encore une fois, les médias vont nous révéler
ce que personne n’ose pas dire. Courageusement, la chaîne
culturelle Arte prend un risque incroyable, s’attaquer aux
tabous sur l’islam, refuser le "politiquement
correct". Le 28 août, en effet, avec l’aide de Charlie-Hebdo
et de Libération, Arte consacre une soirée à « Ces
musulmans qui disent non à l’islamisme ». « Nous
ne les écoutons pas assez dit la présentation de la soirée, et
surtout, nous ne leur donnons pas assez la parole. C’est donc à
eux que cette “Thema” est consacrée. À eux surtout qu’elle
est confiée. À tous ces musulmans qui disent non à
l’islamisme et oui à la démocratie. Ce soir, les démocrates
musulmans – et eux seuls – s’expriment. » Parmi
ces gens à qui "nous ne donnons pas la parole", Mohamed
Sifaoui à qui est consacré un reportage entier. Quiconque "google"
le nom de Sifaoui constatera que cet homme à qui on ne donne pas
assez la parole a produit de nombreux documentaires, participe à
la plupart des débats télévisés sur l’islam et écrit des
livres tellement "dissidents" qu’ils sont régulièrement
salués par la presse. Tout le monde le sait, en France on ne
peut critiquer l’islam.
Le documentaire consacré à Mohamed Sifaoui a été réalisé
par Antoine Vitkine et Fabrice Gardel. Qui est Antoine Vitkine ?
Un membre du Cercle de l’Oratoire, qui édite la revue Le
Meilleur des mondes, revue des néoconservateurs français. Se
côtoient dans le Cercle, André Glucksman, Pascal Bruckner et
Romain Goupil, de solides soutiens de l’intervention américaine
en Irak, ainsi que Jacques Tarnero, Pierre-André Taguieff et
Stephane Courtois. Dans ces conditions, on peut être sûr de
l’objectivité propos et du portrait qu’il dresse de Mohamed
Sifaoui, « un homme en colère ». Ayant échappé à
la mort en Algérie, affirme la présentation, ce « journaliste
indépendant », est « installé désormais à
Paris avec sa famille, il passe sa vie à enquêter sur les
islamistes, en prenant parfois de réels risques physiques – il
a par exemple infiltré une cellule terroriste ».
On ne saura rien, bien évidemment, sur les relations
qu’entretient le dénommé Sifaoui avec les généraux algériens,
ni de son témoignage en faveur du général Khaled Nezzar dans un
procès
à Paris en juillet 2002 contre un ancien officier algérien
Souaïdia, auteur d’un livre sur La sale guerre (La Découverte),
qui met en cause l’armée algérienne dans nombre d’exactions
commises durant la décennie 1990. « Mohammed Sifaoui,
qui collabora à une première version du témoignage de Souäidia,
s’en est directement pris à ce dernier, qu’il y qualifié de
"mythomane professionnel", et à son éditeur, François
Gèze, qu’il a accusé de "manipulation". Sifaoui a
rendu hommage à Nezzar "pour avoir arrêté le processus électoral
de 1991 (et ainsi évité) à l’Algérie (de devenir) un autre
Afghanistan". »
Ceux qui veulent en savoir réellement un peu plus sur le
personnage, lire « Les
croisades de Sifaoui » publié par la revue en ligne Bakchich.
Mais il faut dire que le grand exploit de Mohamed Sifaoui est
d’avoir infiltré une cellule terroriste. Pour ceux qui ignorent
les risques de ce travail d’investigation, je reproduis
ci-dessous un extrait de mon livre, L’Islam, la République
et le monde, réédité par Hachette en 2005.
« J’ai infiltré une cellule terroriste »
Enfin un journaliste d’investigation ! Enfin une enquête
qui nous plonge dans les réseaux du djihad ! Tintin a trouvé
un rival en la personne de Mohammed Sifaoui, qui nous entraîne au
pays des islamistes, comme son courageux prédécesseur nous
faisait découvrir le Congo et ses grands enfants d’habitants.
Point de départ de ce périple périlleux, le procès de Boualem
Bensaïd et Smaïl Belkacem, inculpés pour leur participation à
des attentats à Paris en 1995.
Durant les débats, à l’automne 2002, Sifaoui reconnaît
dans le public un copain de lycée, Karim Bourti. Résumé des
retrouvailles : salut, salut, qu’est-ce que tu deviens ?
Moi, je suis terroriste, mais surtout ne le dis à personne…
N’écoutant que son courage et faisant semblant d’épouser
leur cause, notre enquêteur se joint aux « terroristes »,
prétendument pour réaliser une cassette de propagande. « Les
infidèles, c’est pire que des animaux. Alors franchement les
tuer, c’est pas bien grave », proclame Karim, qui n’a
pourtant pas mauvais cœur. Ayant décidé d’aller voir un gars
à la prison de Bois-d’Arcy, un certain Nacer Mamache, il
embarque notre nouveau Tintin et deux autres copains – dont Reda,
ancien vendeur de drogue et… assassin de Massoud. Mais les Pieds
nickelés doivent rebrousser chemin : ils ont oublié qu’il
fallait un permis de visite. Sur la route du retour, Karim dit aux
deux autres, qui veulent partir en Afghanistan : « Mais
non ! C’est ici qu’on va taper ! Il faut terroriser
ceux qui n’adhèrent pas à l’islamisme. »
Autre scène. Karim est attablé dans un café maure de
Belleville, où « on ne trouve ni femme ni alcool ».
Avec lui, voici Lotfi Otman, amnistié en Algérie, qui raconte
comment, grâce à quelques incantations, il a obtenu un visa français.
Lotfi, « ancien trafiquant de drogue en Italie, reconverti
dans le terrorisme », raconte son itinéraire en rigolant.
Tout cela à visage découvert, face caméra, café identifiable.
Les trois compères échangent quelques propos bien sentis :
« La prochaine étape, c’est le monde. – Il faut
terroriser les ennemis de Dieu. – Les juifs sont des porcs, des
adorateurs de singes. – On est quand même fiers d’être
terroristes. »
Tout est à l’avenant. La conclusion est brève : Karim
est de nouveau en prison – il sera libéré en juillet 2004,
l’accusation de participation à une entreprise terroriste
n’ayant pas été retenue –, d’autres membres du réseau
circulent à Paris et Sifaoui est toujours journaliste…
Pourquoi a-t-il interrompu son enquête ? « Parce
qu’on m’a demandé de prendre la tête du réseau parisien. »
Un des objectifs était la tour Eiffel. Mais que fait la police ?
Heureusement, Sifaoui-Tintin a permis d’éviter le pire. On
respire. Pas trop, cependant, car « ils » sont encore
tapis dans l’ombre. Mais cela nous promet de prochains épisodes
aussi palpitants…
C’est Zone interdite, l’émission de M6, qui, le 23 mars
2003, diffuse ce reportage, quelques jours après le début de
l’attaque des États-Unis contre l’Irak. Le journaliste présente
ce « document inquiétant, une plongée sans précédent
dans l’un de ces réseaux, un voyage avec ces fous d’Allah,
qui parlent pour la première fois à visage découvert ».
Nous avons pourtant déjà vu ces images dans l’émission Complément
d’enquête, sur France 2, le 27 janvier 2003. Mais peut-être
que le journaliste de M6 ne considère pas France 2 comme une chaîne
de télévision…
PS Depuis ce travail, les quelques personnes mises en cause ont
été arrêtées et condamnées comme petits délinquants. Encore
une preuve que la police françaisen ne fait pas son travail et
qu’elle laisse filer de dangereux terroristes.
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