Carnets du diplo
Avant tout, le refus israélien
Alain Gresh
22 avril 2008 Aaron David
Miller est un diplomate américain qui a joué un rôle important
sous l'administration du président Clinton, notamment comme
adjoint de Denis Ross (responsable du processus de paix au
Proche-Orient). Il vient de publier un livre,
The Much Too Promised Land : America’s Elusive Search for
Arab-Israeli Peace (Random House, 2008, 416 pp. $26.00).
Akiva Eldar, journaliste au quotidien Haaretz en fait
un compte-rendu intitulé « Dear
Diplomat, whose side are you really on ? »
Akiva Eldar écrit : « Il y a quelques années, Ross a
publié un livre sur la politique étrangère américaine au
Proche-Orient sans faire aucune référence à l’influence de la
politique intérieure en général et de l’American Israel Public
Affairs Committee (AIPAC), en particulier. Ross affirmait qu’il
ne pouvait se rappeler une occasion où la communauté juive avait
imposé à l’administration de faire (ou de ne pas faire) quelque
chose concernant le processus de paix. Bien que confirmant pour
l’essentiel ce propos, Miller le nuance :»
« Ceux d’entre nous qui conseillaient le secrétaire d’Etat et
le président étaient très sensible à ce que la communauté
pro-israélienne pensait et, quand nous étudiions des idées
qu’Israël n’aimait pas, trop souvent nous nous appliquions une
sorte d’autocensure préalable. Que plusieurs d’entre nous
étaient juifs était moins important que le climat général
pro-israélien qui s’est affirmé avec Bill Clinton et une
nouvelle administration déterminée à éviter ce qu’elle
considérait comme la vision beaucoup trop critique d’Israël de
ses prédécesseurs (il fait référence à l’administration de Bush
père). L’accession au pouvoir d’Itzhak Rabin, les relations
spéciale de Clinton avec lui, avec Israël et les juifs
américains ont contribué à une grande sensibilité à l’égard
d’Israël. Ces affinités et l’empathie personnelle du président
(il était aussi particulièrement sensible aux Palestiniens
aussi) ont sapé notre volonté d’être ferme avec Israël sur la
question des colonies et nous ont empêché de refuser les
mauvaises idées d’Israël ou d’adopter des idées de notre propre
cru, notamment durant la négociation sur le statut final, et
cela jusqu’à ce qu’il soit trop tard... » (p. 123)
L’International Herald Tribune revient sur ce livre le
17 avril :
« The Much Too Promised Land. Advice after two decades of Arab-Israeli
diplomacy », sous la plume d’Ethan Bronner.
« Contrairement à Ross et Bill Clinton, qui ont abordé le
sujet dans leur Mémoire, Miller affirme que les Etats-Unis dont
donné à Israël beaucoup trop de liberté d’action et ont échoué à
pousser ce pays à respecter ses engagements et à faire des choix
douloureux. Il dit que Clinton était beaucoup trop impressionné
par le premier ministre Itzhak Rabin (...) et il ajoute :
"ainsi, nous n’avons jamais eu une conversation dure ou même
honnête avec les Israéliens sur leur activité de colonisation.". »
Mais, de fait, Miller ne va pas au bout de son raisonnement.
En revanche, Henry Siegman, un ancien dirigeant de American
Jewish Committee résume bien la raison principale de l’impasse
actuelle dans un article du Nation du17 avril , intitulé
« Tough
love for Israel »
« Le scandale de l’impuissance de la communauté
internationale à résoudre un des conflits les plus longs et les
plus sanglants de l’histoire est simple : elle connaît le
problème mais n’a pas le courage de dire la vérité, encore moins
de l’affronter. La conférence de Berlin (que Merkel a convoquée
pour juin) va souffrir du même manque de courage qui a marqué
tous les efforts précédents. Elle va aborder tous les problèmes
sauf la cause principale de l’impasse. Quoique l’on pense de
tous les péchés attribués aux Palestiniens – et ils sont
nombreux, y compris une direction inefficace et corrompue,
l’échec dans la construction d’institutions étatiques, la
violence meurtrière des groupes du refus –, il n’y a aucune
perspective de créer un Etat palestinien viable et souverain
d’abord et avant tout parce que les différents gouvernements
israéliens depuis 1967 n’ont jamais eu l’intention de permettre
l’émergence d’un tel Etat. »
Nous connaîtrons, dans le sillage de
la conférence d’Annapolis, d’autres réunions, déclarations,
engagements concernant le conflit israélo-palestinien. Mais on
peut assurer, avec Siegman, sans crainte d’être démenti par les
faits, que tout cela n’aboutira à rien tant que la communauté
internationale ne s’attaquera pas au refus israélien.
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