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Les blogs du Diplo
Débats à la
télévision iranienne
Alain Gresh
Alain Gresh
Jeudi 21 janvier 2010 Oui, une répression frappe intellectuels
et manifestants en Iran, notamment depuis l’élection
présidentielle de juin 2009. Oui, la torture a été utilisée
dans les prisons. Pourtant, il est absolument réducteur de
ramener le régime au nazisme ou au stalinisme. Car il existe de
vrais espaces de liberté, des débats animés et une presse qui,
malgré les restrictions, parvient à s’exprimer. On assiste même
à des situations surprenantes pour ceux qui se contenteraient de
la vision des médias occidentaux. Ainsi cette information que
rapporte une dépêche de l’Agence France Presse du 18 janvier,
signée par son correspondant Siavosh Ghazi, sous le titre
« Iran : la télévision d’Etat donne la parole à l’opposition ».
A ma connaissance, aucun journal français ne l’a reprise.
« Pour la première fois depuis la réélection contestée du
président Mahmoud Ahmadinejad en juin, la télévision d’Etat
iranienne a commencé à donner la parole à l’opposition, dans
l’espoir de dénouer l’une des plus graves crises politiques de
la République islamique. Depuis une semaine, la télévision
organise un soir sur deux, à une heure de grande écoute, des
débats entre partisans du président Ahmadinejad et de
l’opposition. » (...)
« L’un des premiers débats a opposé le député réformateur
Mostapha Kavakebian et le patron du quotidien ultraconservateur
Kayhan, Hossein Shariatmadari. “Si on accuse tous les anciens
présidents d’être liés aux Etats-Unis ou d’être les chefs d’une
conspiration, il ne reste plus personne” pour soutenir le
pouvoir, a lancé M. Kavakebian. » (...)
« Lors d’un débat suivant, l’ex-député réformateur Javad
Ettaat a dénoncé la répression des manifestations lors de la
journée de deuil religieux de l’Achoura, le 27 décembre, qui a
fait huit morts et des centaines de blessés. “Si siffler et
taper dans ses mains le jour d’Achoura est une erreur, frapper
les gens est pire et les tuer est une faute encore plus grande”,
a déclaré M. Ettaat. » (...)
« “L’un des aspects importants de ces débats est de couper
l’herbe sous le pied des chaînes satellitaires en persan comme
la BBC et la Voix de l’Amérique (VOA)”, relève M. Kavakebian.
Depuis le début de la crise, l’audience de ces deux chaînes a
augmenté au détriment de la télévision d’Etat, et les autorités
les accusent de jouer un rôle actif dans l’organisation du
mouvement de protestation. Sur le plan politique, “la poursuite
de tels débats pourra préparer la venue de Mir Hossein Moussavi
et Mehdi Karoubi” sur le petit écran, espère le député modéré
Ghodratollah Ali-Khani. Les deux candidats battus lors du
scrutin de juin “pourraient être invités et dire ce qu’ils ont à
dire, ce qui ouvrirait la voie à la réconciliation nationale”,
confirme M. Motahari. »
Delphine Minoui, correspondante au Moyen-Orient du Figaro,
écrit (« Iran :
tensions chez les conservateurs », 11 janvier 2010) :
« Le rapport de l’enquête parlementaire est sans appel.
Présenté dimanche aux députés iraniens, majoritairement
conservateurs, il accuse, preuves à l’appui, Saïd Mortazavi,
l’ancien procureur de Téhéran, un fondamentaliste proche du
président Ahmadinejad, d’être responsable de la mort sous la
torture de trois manifestants antigouvernementaux dans la prison
de Karhizak, à la périphérie de Téhéran. “Bien que Mortazavi ait
maintenu qu’Amir Javadifar, Mohsen Ruholamini et Mohammad
Kamrani soient morts d’une méningite, des examens postmortem
prouvent qu’ils sont décédés à la suite de mauvais traitements”,
précise le document. »
La cour de Téhéran a annoncé le 21 janvier qu’elle allait
ouvrir une enquête sur la mort de dix-sept manifestants durant
les manifestations qui ont suivi l’élection de juin 2009. Et Ali
Larijani, président du parlement, a déclaré à Arak, le
20 janvier, que l’on ne pouvait se prévaloir des ordres du Guide
suprême pour violer la loi. Les jours précédents, la censure
avait été aussi levée sur plusieurs autres films.
Les analyses d'Alain
Gresh
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