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Les blogs du Diplo
Dubaï, Leviev et le boycott d'Israël
Alain Gresh

Mercredi 20 mai 2009 Officiellement, les Etats arabes, à
l’exception de l’Egypte, boycottent Israël et se refusent à
traiter avec des sociétés israéliennes ou à importer des
produits israéliens. Ces mêmes Etats se font souvent les
porte-parole d’une politique de sanctions à l’égard de l’Etat
hébreu. Pourtant, ces déclarations se heurtent parfois à
d’étranges faits.
Quelques semaines après le début de la crise financière, un
hôtel de luxe, L’Atlantis, était inauguré à Dubaï, aux Emirats
arabes unis.
« 2 000 stars à l’inauguration de l’Atlantis Hotel de Dubai »,
pouvait-on lire sur LePost.fr, le 21 novembre 2008.
« Dubai, Dubai, Dubai ! Les princes arabes, les tapis
volants, le pétrole, les dollars... et l’Atlantis Hotel ! Un
palace extraordinaire qui aura coûté plus de 1,5 milliard
d’euros et qui vient de fêter son inauguration hier en grande
pompe. »
« Ecoutez bien, la petite fête aurait coûté la bagatelle
de 30 millions d’euros ! Tout ça pour annoncer à la Terre
entière l’ouverture de l’hôtel de luxe qui se veut le plus
incroyable palace de la planète avec aquarium géant intégré... »
« L’hôtel Atlantis est situé en plein cœur de la Palm
Island de Dubaï, une île artificielle construite en forme de
palmier. Les plus grands architectes et designers du monde
entier ont travaillé sur ce projet pharaonique. »
On peut voir dans cette cérémonie, et dans l’hôtel lui-même,
le signe d’une époque de gaspillage, d’argent fou. Il suffit de
se promener dans ses immenses couloirs, au mois de mai 2009,
pour mesurer à quel point tout cela est vain, de mauvais goût,
et, bien sûr, largement inoccupé, les touristes attendus ayant
déserté depuis la crise.
Il existe évidemment dans ces couloirs des boutiques de luxe,
des magasins qui vendent des habits hors de prix ou des
diamants. Levant est l’un de ces magasins. Sur sa devanture, une
annonce promeut les diamants Leviev, comme on le voit sur cette
photographie.

Qu’est-ce que Leviev ? Laissons la parole à Abe Hayeem, qui a
écrit, le 28 avril 2009, un article dans The Guardian, « Boycott
this Israeli settlement builder ». Il rappelle que le
ministère des affaires étrangères britannique a décidé de
renoncer à un contrat de location pour l’ambassade britannique à
Tel-Aviv du fait des activités de cette société. Loin de se
limiter à la vente de diamants, Leviev est impliqué dans des
activités dans les territoires palestiniens occupés, notamment
en construisant une route qui relie la colonie illégale de Zufim
au territoire israélien, facilitant au passage la confiscation
de terres palestiniennes. A Bil’in aussi, la compagnie est
active, et c’est là que, le 17 avril, l’armée israélienne a tué
un manifestant non violent de 29 ans, Bassem Abou Rahmeh. Cette
même compagnie dispose de deux boutiques à Dubaï.
Cette présence a soulevé quelques interrogations dans
l’émirat. Le quotidien en langue anglais Gulf News
publiait, le 30 avril 2008, un article intitulé « Israeli
jeweller has no trade licence to open shop in Dubai », et
signé Abbas Al Lawati. L’article reprenait le démenti d’un
officiel disant que l’émirat n’avait accordé aucune licence à
Leviev, mais il indiquait clairement que, en réalité, ces
boutiques étaient en activité. Seul Gulf News a rendu
compte à plusieurs reprises de cette question, y compris lors
d’une manifestation à Dubaï (« Call
to boycott Israeli jeweller », par Abbas Al Lawati,
14 décembre 2008). Lors de l’Arab Media Forum auquel j’ai
assisté au mois de mai, les différents quotidiens locaux en
langue arabe à qui j’ai donné un entretien dans lequel je
soulevais le problème m’ont expliqué qu’ils n’étaient pas
autorisés à reprendre ces propos.
A l’heure où Israël viole impunément toutes les résolutions
du Conseil de sécurité des Nations unies, un mouvement s’affirme
en faveur de sanctions, d’un boycott, d’une politique de
désinvestissement (retrait des investissements étrangers en
Israël et dans les territoires occupés). C’est le sens de la
campagne engagée en France contre Alstom et Veolia pour leur
participation à la construction d’un tramway dans Jérusalem
occupée (« Tramway
à Jérusalem, mensonge à Paris », 24 octobre 2007). Il est
étonnant dans ces conditions que des pays arabes collaborent
avec ces mêmes sociétés qui travaillent dans les territoires
occupés.
Christine Lagarde, ministre française du commerce, était à la
mi-mai en Arabie saoudite, notamment pour
promouvoir la participation d’Alstom et de la SNCF à un
projet de train à grande vitesse entre La Mecque et Médine. On
peut espérer que les autorités saoudiennes conditionnent leur
accord à un retrait d’Alstom de ses travaux pour le tramway de
Jérusalem.
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