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Les blogs du Diplo
Ne pas oublier Gaza...
Alain Gresh

Mercredi 18 février 2009 Que dire encore sur Gaza ?
Le Monde diplomatique de ce mois publie six pages sur
cette guerre qui a quitté la Une de l’actualité. Le
cessez-le-feu tarde à se mettre en place, et la situation sur le
terrain, c’est-à-dire le sort des Palestiniens de Gaza, est
terrible. L’association Oxfam-France vient de lancer une
campagne en ligne pour le respect du droit international et
pour la levée du blocus israélien à Gaza.
Gaza, un pavé dans la mer (La boîte à bulles, 317 pages,
24 euros) : le premier livre sur la guerre de Gaza vient de
sortir et il n’est sans doute pas étonnant qu’il soit composé à
moitié par des auteurs de bande dessinée qui se sont mobilisés
et qui ont dessiné leur vision de cette guerre. Car cet ouvrage
collectif est coordonné par Maximilien Le Roy, lui-même auteur
de bande dessinée de 23 ans qui écrit dans l’introduction :
« Je pourrais écrire ici, par avance, toutes les critiques
prévisibles que déclenchera cette initiative, mais je préfère
laisser la place à l’expression plus éclairée de ceux qui ont
accepté de jeter avec moi ce pavé dans la mare : ces artistes
européens, ces esprits libres israéliens pour qui mon respect
est inconditionnel, ces intellectuels qui résistent à toutes les
fourches caudines et, surtout, ces habitants de Gaza qui
témoignent de leur quotidien. Du quotidien brut, rugueux. Du
réel, en somme. Rien que du réel. »
Je signale l’excellente réponse de Cédric Baylock, « Gaza,
le critique et la critique » (parue sur le site Oumma.com,
le 17 février), à la tribune de Pierre Jourde, « Le Juif,
coupable universel », parue dans Le Monde du 22 janvier.
« Autant le Jourde et Naulleau (Mots et Cie, 2004, sorte
d’anti-Lagarde et Michard dans lequel ils flinguent les auteurs
à succès) nous a fait beaucoup rire, autant les variations
géopolitiques de ce spécialiste des troubles gastriques de la
littérature française (La littérature sans estomac, Pocket,
2002, autre ouvrage à succès…) a de quoi nouer l’estomac. C’est
peut être la première fois dans l’histoire de la critique
littéraire que l’on voit l’une de ses gâchettes singer l’un de
ceux qu’il descend.
BHL en l’occurrence. Car de la première à la dernière ligne,
cette tribune aurait pu être écrite par le philosophe
médiatique. Hormis les passages les plus pertinents, que nous
commentons également ci-après. »
Sur le même site, un article de Vincent Geisser du
18 février, « Le
complexe du Goy. Ces "amis" français d’Israël qui flirtent avec
l’antisémitisme » : « Contrairement à une idée reçue, le
premier soutien d’Israël en France procède moins de l’action
d’un quelconque "lobby" mais d’abord de la lâcheté et de
l’hypocrisie de nombreux leaders d’opinion qui fantasment la
puissance de la communauté juive. Leur relation à Israël se
greffe moins sur un amour sincère pour l’Etat hébreu que sur une
représentation ethnicisante de la communauté juive qui flirte
parfois avec l’antisémitisme et débouche sur une posture
politique : "Je suis avec Eux pour ne pas avoir d’ennuis". Le
problème est que ce "Eux" tend à la fois à essentialiser
l’appartenance au judaïsme, à particulariser le rapport des
juifs de France à l’identité nationale (ils seraient des
Français pas tout à fait comme les autres) et à assimiler, sur
un mode simpliste, identité juive/Etat d’Israël. »
Ceci n’est d’ailleurs pas nouveau. Lord Balfour lui-même, le
signataire de la fameuse promesse du 2 novembre – qui
« envisage favorablement l’établissement d’un foyer national
juif en Palestine » –, avait été le promoteur en 1905 d’un
projet de loi sur la limitation de l’immigration juive en
Grande-Bretagne, qui visait avant tout les juifs de Russie. Et
Mark Spikes, le négociateur britannique des accords avec la
France (accords Sykes-Picot de 1916) partageant le
Proche-Orient, écrivait à un dirigeant arabe : « Croyez-moi,
car je suis sincère lorsque je vous dis que cette race (les
juifs) vile et faible est hégémonique dans le monde entier et
qu’on ne peut la vaincre. Des juifs siègent dans chaque
gouvernement, dans chaque banque, dans chaque entreprise. »
(Cité dans
Israël-Palestine, vérités sur un conflit, Fayard, 2007,
p. 59.)
« En somme, dit encore Vincent Geisser, cette forme
de soutien "très franchouillard" à Israël conduit à faire des
juifs de France une "tribu" au sein de la Nation française, et
renoue indirectement avec les vieux thèmes antisémites du siècle
dernier. Du coup, loin de normaliser l’Etat d’Israël en le
considérant comme un "Etat comme les autres" – soumis aux mêmes
règles du droit international que les Etats souverains – ce type
de soutien verse dans une relation malsaine qui consiste à faire
de l’Etat hébreu une sorte de "monstre géopolitique", que l’on
s’interdit surtout de critiquer. Pire, elle en vient à assimiler
totalement identité juive et nationalité israélienne, en venant
à accréditer l’idée que les juifs de France formeraient une
sorte de "tribu d’Israël" au sein même de la Nation française. »
Sur l’avenir, deux pistes se dégagent : celle de
l’inculpation pour crimes de guerre de dirigeants israéliens
(nous reviendrons au mois de mars sur cette question dans Le
Monde diplomatique) ; les campagnes de désinvestissement et
de boycott. Ainsi, dans ce
communiqué du 14 février : « Hampshire College devient la
première université aux Etats-Unis à retirer ses investissements
de l’occupation israélienne en Palestine ! » (Students for
Justice in Palestine). Signalons aussi
la sanction suédoise concernant Veolia et sa participation à
la construction du
tramway de Jérusalem.
Enfin, Ivan du Roy, sur le site Bastamag.net, publie un
article sur « ces
entreprises françaises qui profitent de la colonisation
israélienne » (11 février). « Trois multinationales et
une PME hexagonales sont impliquées économiquement de la
colonisation de la Cisjordanie par Israël. La banque
franco-belge Dexia finance plusieurs colonies. Alstom et Veolia
comptent transporter leurs habitants à travers Jérusalem. La PME
Manitou participe à la construction du mur de séparation. Toutes
font du business en totale violation du droit international. »
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