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Les blogs du Diplo
Le chaudron de
M. Netanyahou
Alain Gresh

Alain Gresh
Lundi 16 novembre 2009 Tout le monde connaît le fameux
principe de Sigmund Freud, dit du chaudron. « Je n’ai pas volé
le chaudron ; d’ailleurs il était troué ; qu’en aurais-je
fait ? » Les dirigeants israéliens, et notamment le premier
ministre Benyamin Netanyahou, l’ont adapté à leur pays au
lendemain de la guerre contre Gaza. Il se résume à deux
propositions : Nous n’avons commis aucun crime durant cette
guerre ; il faudrait changer les lois internationales pour les
adapter à la guerre contre le terrorisme. C’est ce que résume un
article de Haaretz du 21 octobre, traduit sur le site de
l’ambassade de France à Tel-Aviv, « Le
Premier ministre Netanyahu : nous œuvrerons pour que les lois
internationales de la guerre soient adaptées à la lutte
antiterroriste » (Barak Ravid et Entshel Pfeffer) :
« Netanyahou souhaite mobiliser plusieurs pays occidentaux
impliqués dans la lutte antiterroriste en faveur de
l’élaboration de nouvelles règles de la guerre qui permettront
aux pays de se défendre contre les offensives terroristes. »
Durant les semaines qui ont suivi la publication du
rapport Goldstone, l’argumentation du gouvernement israélien
a été de nier les accusations, d’affirmer qu’Israël respectait
les lois de la guerre, que son armée était la plus morale du
monde. Dans ces conditions, pourquoi demander maintenant le
changement des
lois de la guerre ? D’autant que les différentes conventions
sur le droit de la guerre prennent en compte les luttes
insurrectionnelles, et que les combattants sans uniforme sont
aussi tenus à certaines règles (d’où les conclusions du rapport
Goldstone dénonçant certaines actions du Hamas).
A moins, et c’est évidemment la bonne réponse, que le
gouvernement israélien actuel, comme ses prédécesseurs, ne se
sente nullement tenu par ces lois. Au nom du combat contre le
terrorisme, on peut torturer, tuer des civils, commettre des
assassinats ciblés... Et, aussi, réduire les libertés publiques,
comme Netanyahou l’avait proposé dans un livre publié en 1995,
Fighting Terrorism : How Democracies Can Defeat Domestic and
International Terrorists, dont
on trouvera ici un compte rendu (élogieux) en anglais. Six
ans avant le 11-Septembre, il avait anticipé les pratiques que
l’administration Bush allait mettre en œuvre...
Cette réflexion sur le terrorisme n’est pas nouvelle en
Israël. Elle s’est traduite notamment par une importante
coopération avec l’Afrique du Sud de l’apartheid dans les années
1980, coopération à la fois opérationnelle et « théorique » pour
lutter contre les terroristes de l’ANC ou de l’OLP... Le très
respecté Jaffa Center for Strategic Studies a développé dès les
années 1970 des études de « terrorologie » et a coopéré dans ce
domaine avec le Centre de recherche sur le terrorisme du Cap
(sur la coopération des deux pays durant la période de
l’apartheid, lire « Regards
sud-africains sur la Palestine », Le Monde diplomatique,
août 2009).
Toute cette agitation gouvernementale israélienne tient, bien
évidemment, à l’impact du rapport Goldstone, dont on trouvera
une analyse détaillée par Isabelle Avran sur le site de
l’Association France-Palestine Solidarité, « Rapport
Goldstone ; Mettre fin à l’impunité, condition de la paix »
(12 novembre 2009). Le président Shimon Pérès s’est livre à une
attaque violente contre le juge sud-africain, s’attirant une
réponse cinglante du journaliste Gideon Levy, « Peres,
not Goldstone, is the small man » (Haaretz,
15 novembre 2009) : « Pérès, pas Goldstone, est un petit
homme »...
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