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Les blogs du Diplo
Le discours de M. Nétanyahou, un
non-événement
Alain Gresh

Lundi 15 juin 2009 Si la semaine a été
cruciale pour le Proche-Orient, elle s’est terminée par un
non-événement,
un grand discours de M. Benyamin Nétanyahou. Le premier
ministre israélien prétendait qu’il allait présenter ses idées
pour la paix, en réponse aux sollicitations de la communauté
internationale et, aussi,
au discours du président Obama au Caire. En fonction depuis
le 31 mars 2009, il lui aura donc fallu 75 jours pour définir
ses « idées » sur le problème crucial du Proche-Orient. Et,
comme il fallait s’y attendre, ce discours est vide. Il permet
simplement, une fois de plus, de repousser toute discussion
sérieuse sur la paix.
D’un côté, M. Nétanyahou a, du bout des lèvres, accepté
l’idée d’un Etat palestinien totalement démilitarisé, dont
l’espace aérien serait contrôlé par Israël, et qui ne
comprendrait pas Jérusalem qui demeurerait unifiée et capitale
du seul Israël. De plus, l’Etat palestinien devrait reconnaître
l’Etat d’Israël comme la nation du peuple juif, oubliant au
passage le sort de 1,5 million de Palestiniens, citoyens (de
seconde zone) de cet Etat. Toutes ces conditions, M. Nétanayhou
les sait inacceptables, d’autant qu’il ne dit rien sur les
frontières de ce futur Etat : Israël n’a pas la moindre
intention de se retirer sur les frontières du 4 juin 1967 comme
le lui enjoignent toutes les résolutions des Nations unies
adoptées depuis plus de 40 ans.
Ici, en Afrique du Sud où je séjourne pour quelques jours,
l’Etat palestinien envisagé rappelle les
bantoustans « indépendants » créés par le régime de
l’apartheid, avec une différence que signalent beaucoup de
militants qui ont combattu le régime sud-africain dans les
années 1970 : à l’époque, le gouvernement blanc tentait de
développer les bantoustans, de construire des infrastructures
(aéroports, bâtiments majestueux, etc.) pour donner de la
crédibilité à leur indépendance ; et jamais ce gouvernement n’a
fait bombarder les bantoustans par son aviation...
M. Nétanayahou a affirmé qu’Israël ne construirait pas de
nouvelles colonies, mais que celles qui existent devraient
pouvoir répondre à la croissance naturelle de la population.
Rappelons que les gouvernements israéliens successifs ont
toujours menti sur ce sujet, et pas seulement en laissant
construire de nouvelles colonies, qualifiées d’illégales, mais
qui demeurent. Leur croissance « naturelle » est de trois fois
supérieure à celle d’Israël. On compte aujourd’hui 300 000
colons en Cisjordanie et 200 000 à Jérusalem-Est (où les projets
se multiplient). Même une annonce officielle du gouvernement
israélien qu’il arrêterait toute expansion des colonies ne peut
être crédible un instant. Tous les observateurs sur le terrain
notent qu’elles sont au coeur d’un système global de sécurité
pour Israël, reliées par des routes et des infrastructures qui
n’arrêtent pas de se multiplier. Seule la reconnaissance par le
gouvernement israélien du caractère illégal de ces colonies et
leur nécessaire évacuation pourrait donner une certaine
crédibilité à des négociations de paix.
Pour Nétanyahou, les racines du conflit ne sont pas
l’occupation, la politique de la colonisation, la discrimination
à l’égard des Palestiniens, mais « était et reste le refus de
reconnaître le droit du peuple juif à un Etat dans sa patrie
historique ». Il s’adresse donc aux pays arabes, leur
demandant de normaliser immédiatement leurs relations avec
Israël, ce qui aurait comme seul effet d’isoler un peu plus les
Palestiniens et de repousser toute paix réelle. Comme l’explique
Akiva Eldar dans le quotidien Haaretz (« Netanyahu,
Mideast peace and a return to the Axis of Evil », 15 juin) :
« Benyamin Nétanyahu a donné un discours patriarcal,
colonialiste, dans la meilleure tradition néoconservatrice. Les
Arabes sont les méchants ou au mieux des terroristes peu
reconnaissants. Les Juifs, bien sûr, sont les gentils, des gens
rationnels qui veulent élever leurs enfants et en prendre soin.
En Cisjordanie, dans la colonie d’Itamar, on construit même une
crèche... »
Certains dirigeants de la coalition gouvernementale ont
reproché au premier ministre d’avoir cédé aux pressions
américaines (« Likud
members say PM gave in to US pressure », Ynet, 14
juin), ce qui permettra à M. Nétanayhou de prendre prétexte des
tensions dans son gouvernement pour freiner toute avancée
substantielle.
Les Palestiniens ont, bien évidemment, rejeté les
propositions israéliennes et accusé Nétanyahou de saboter les
efforts de paix.
Le président Obama a dit qu’elles étaient « un pas en
avant », mais un pas en avant vers quoi ?
Et maintenant ? Pendant des mois les protagonistes vont
discuter de la signification du gel des colonies, des
caractéristiques du futur Etat palestinien – qui n’aura d’Etat
que le nom –, de la haine des Arabes et des Palestiniens à
l’égard d’Israël. Pendant ce temps, le nombre de colons
s’étendra, l’expulsion des Palestiniens de Jérusalem-Est se
poursuivra, les 10 000 prisonniers palestiniens resteront en
prison... Sans même parler du blocus de Gaza,
largement oublié, et qui empêche toute reconstruction et
réduit à la misère des centaines de milliers d’habitants...
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