Carnets du diplo
Vols
de la CIA, tortures et complicités européennes
Alain Gresh
« Plus d’un millier de
vols de la CIA ont utilisé l’espace aérien européen de 2001
à 2005 et des lieux de détention secrets ont pu être localisés
dans des bases militaires américaines en Europe selon la
commission temporaire sur les activités de la CIA. Son rapport
final déplore la passivité de certains Etats membres face aux opérations
illégales et le manque de coopération du Conseil. » Telles
sont résumées les conclusions d’un rapport du Parlement européen
du 14 février.
« Selon le rapport final de
la commission temporaire, adopté par l’Assemblée plénière ce
14 févier, par 382 voix pour, 256 contre et 74 abstentions,
certains pays européens ont "fermé les yeux" sur des
vols opérés par la CIA qui "dans certains cas, ont servi à
effectuer des restitutions extraordinaires ou à transporter des
prisonniers de façon illégale". A la lumière des témoignages
disponibles, notent les députés, il est "très probable que
certains pays aient pu recevoir des informations obtenues sous la
torture".ns pays européens ont "fermé les yeux"
sur des vols opérés par la CIA qui "dans certains cas, ont
servi à effectuer des restitutions extraordinaires ou à
transporter des prisonniers de façon illégale". »
« Dans des pays européens,
constate le rapport, "des installations de détention secrètes
ont pu être situées dans des bases militaires américaines"
et "il a pu se produire une absence de contrôle" de ces
bases de la part de pays hôtes européens. On peut y lire que
"les installations de détention secrète" peuvent
inclure tous les lieux où quelqu’un est détenu au secret, des
chambres d’hôtel, par exemple, comme ce fut le cas pour Khaled
Al-Masri à Skopje (Ancienne République Yougoslave de Macédoine). »
« Dans cette perspective, le
Parlement attend du Conseil qu’il "fasse pression sur tous
les Etats membres concernés afin qu’ils fournissent des
informations complètes et objectives au Conseil et à la
Commission, et le cas échéant, qu’il engage des auditions et
fasse procéder, dans les plus brefs délais, à une enquête indépendante.
(La version précédente du rapport se référait à l’article 7
qui impose des sanctions aux Etats membres). »
Sur la torture, « le rapport
relève que les restitutions analysées par la commission
temporaire comportaient dans la majorité des cas une détention
au secret et un usage de la torture durant les interrogatoires,
comme l’ont confirmé les victimes - ou leurs avocats - qui ont
témoigné devant la commission temporaire du PE sur les activités
illégales de la CIA en Europe. D’après le témoignage de
l’ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Ouzbékistan, Craig
Murray, les échanges de renseignements obtenus sous la torture
par des services secrets de pays tiers avec les services secrets
britanniques étaient une pratique connue et tolérée par le
gouvernement britannique. ».
Sur les complicités et les silences de la
commission européenne, « les députés ont
déploré les "omissions" relevées dans les déclarations
faites par Javier Solana, son Secrétaire général, en ce qui
concerne les discussions (relatives à la lutte contre le
terrorisme) que le Conseil a eues avec des représentants américains.
De plus, M. Solana n’a pas été en mesure de corroborer
les éléments de preuve déjà en la possession de la commission
temporaire. Les mêmes critiques valent pour Gijs de Vries,
coordinateur de l’UE de la lutte contre le terrorisme, qui, ont
conclu les députés, a été "incapable de fournir des réponses
satisfaisantes". Cela étant, les députés ont estimé que
les compétences et prérogatives du coordinateur de la lutte
contre le terrorisme devaient être renforcées et placées sous
le contrôle du Parlement européen ».
Rappelons les positions de Human Rights Watch sur
le problème, exprimé dans une « Lettre
ouverte aux Ministres des Affaires étrangères des Etats membres
du Conseil de l’Europe », le 9 janvier 2006 et dans la
déclaration sur « les
installations américaines de détention en Europe »
Amnesty International France a publié un
communiqué le 5 février « "Restitutions"
dans l’Union européenne : un fait avéré, pas une fiction »
Enfin, rappelons que la Fédération
internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des
droits de l’homme (LDH) ont
porté plainte contre la France pour détention arbitraire et
tortures, en décembre 2005. Cette
plainte sera classée sans suite par le parquet de Bobigny, en
septembre 2006.
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