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« Sans conditions
préalables »...
Alain Gresh

Alain Gresh
Samedi 14 novembre 2009 Pendant quelques jours, la nouvelle a
fait la Une de l’actualité au Proche-Orient. Elle aurait même
été, selon la presse, au centre des entretiens entre les
présidents Sarkozy et Assad le 13 novembre : le premier ministre
israélien Netanyahou serait prêt à reprendre sans conditions
préalables les négociations avec Damas. Il l’a affirmé au
président Sarkozy lors de la rencontre entre les deux hommes le
11 novembre. Selon certaines informations, il aurait même remis
au président français une lettre en ce sens. Au moment où le
dossier palestinien est au point mort, ne serait-ce pas une
avancée significative ?
D’autre part, selon le quotidien Haaretz du
12 novembre, le président Sarkozy aurait téléphoné à Mahmoud
Abbas durant sa rencontre avec Netanyahou pour lui demander de
répondre positivement à l’offre israélienne de reprise des
négociations sans conditions préalables...
Selon Dan Margalit, dans le quotidien israélien Israel
Hayom (12 novembre), Netanyahou aurait accompagné son
message au président syrien sur la reprise des négociations d’un
deuxième message, plus menaçant : Israël ne peut rester encore
longtemps passif face au flot d’armes livrées au Hezbollah. Le
quotidien Yedioth Ahronoth, pour sa part, publie des
informations sur les capacités du Hezbollah à récolter des
informations sur l’armée israélienne et à suivre à la trace à la
fois les drones qui survolent le territoire libanais et les
soldats qui patrouillent le long de la frontière.
Promesses de paix d’un côté, menaces de l’autre ?
En réalité, et malgré ce qui semble ressortir de nombreux
commentaires de presse français, il n’y a rien de nouveau sous
le soleil. Les gouvernements israéliens successifs ont toujours
été prêts à négocier, à rencontrer tel ou tel leader arabe. A
une seule condition, si l’on peut dire : c’est qu’il n’y ait
aucune condition. Cette mention (« sans conditions préalables »)
n’a qu’une signification : le refus israélien du droit
international comme base de négociations...
Prenons un exemple pour être clair. En 1990, l’Irak envahit
le Koweït, la famille royale s’enfuit. Quelle aurait été la
réaction internationale si Saddam Hussein avait annoncé qu’il
était prêt à négocier sans conditions préalables avec la
dynastie Al-Sabah ? Tout le monde aurait compris que c’était une
manœuvre et que, compte tenu des rapports de force, ces
négociations, si elles avaient eu lieu, n’auraient pu déboucher
sur aucun accord.
Lors de la conférence d’Annapolis de novembre 2007, bien
oubliée malgré les « espoirs » qu’elle avait suscités dans les
médias, une déclaration israélo-palestinienne avait été adoptée.
J’expliquais alors : « Le plus inquiétant dans la
déclaration commune, c’est l’absence de toute base juridique ou
légale aux négociations. Il n’y a aucune référence au droit
international, ni même à la résolution 242 du Conseil de
sécurité et à l’idée d’échange de la paix contre les
territoires. Les deux parties s’engagent à “des négociations
bilatérales en toute bonne foi”. En toute bonne foi ? Mais que
signifie ce terme ? Ehoud Olmert pense, “en toute bonne foi”,
que Jérusalem, y compris sa partie arabe conquise en 1967, est
“territoire israélien” ; il pense “en toute bonne foi” que les
grands blocs de colonies doivent être annexés à Israël. Il pense
aussi, “en toute bonne foi”, que la sécurité des Israéliens est
plus importante que celle des Palestiniens. »
Aujourd’hui, Netanayhou pense, « en toute bonne foi », que la
Cisjordanie est une partie d’Ertez-Israël et que les
Palestiniens devraient émigrer dans un des multiples pays
arabes. Il pense, « en toute bonne foi », que le Golan est
essentiel à la sécurité d’Israël et qu’on ne peut s’en retirer.
Cela fait des années maintenant que les négociations entre
Israéliens et Palestiniens sont dans l’impasse. Il existe un
« processus », mais sûrement pas de paix. L’Autorité
palestinienne a décidé de ne pas reprendre les négociations sans
gel total de la colonisation. Mais, même dans ce cas, sur
quelles bases reprendraient les négociations ? Quelles chances
auraient-elles d’aboutir alors que le gouvernement israélien
refuse la mise en œuvre du droit international, des résolutions
de l’ONU ?
Lors d’une rencontre avec journalistes et intellectuels le
13 novembre, le président Assad est revenu sur la question des
colonies. Il a souligné que l’arrêt de leur construction était
« un pas positif mais sûrement pas final ». La question
fondamentale était le contenu des négociations, et donc le
retrait israélien des territoires occupés en 1967. La Syrie a
toujours mis une condition à des négociations directes :
l’acceptation par Israël du principe du retrait sur la ligne du
4 juin 1967. C’est parce qu’Itzhak Rabin avait accepté ce
principe en 1994 que des négociations directes s’étaient
déroulées entre les deux pays (« Quand
Israël et la Syrie étaient au bord de la paix »). En 2007,
des négociations indirectes avaient repris sous l’égide de la
Turquie avec le gouvernement d’Ehoud Olmert (« Le
nucléaire, la Syrie et Israël ») ; Damas demandait, pour
passer au stade des négociations directes, qu’Olmert confirme
l’engagement de Rabin. La situation n’a pas changé depuis
l’arrivée de Netanyahou : si Israël souhaite des négociations
directes, il faut accepter l’engagement de Rabin. La Turquie a
confirmé qu’elle était prête à poursuivre sa médiation. Et le
président Assad a demandé à la France de faire pression en ce
sens. Ajoutant, avec un rien de perfidie, que puisque Sarkozy se
targuait de ses bonnes relations avec Netanyahou, cela ne devait
pas être impossible.
Un sujet sur lequel les bonnes relations entre Netanyahou et
Olmert n’ont pas de conséquence, c’est celui de Salah Hamouri,
citoyen franco-palestinien emprisonné depuis quatre ans en
Israël, alors qu’il est pourtant « libérable » (« Le
scandale Salah Hamouri »). Profitons-en pour saluer le
courage du comédien François Cluzet, qui, lors de la
présentation de son film sur France 2, a
évoqué le cas de Hamouri, cas que le président du groupe UMP
à l’Assemblé nationale Jean-François Copé, présent sur le
plateau, affirmait ignorer totalement. Profitez-en pour aller
voir le film A l’origine, où joue Cluzet : un excellent
film social.
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