Opinion
Gaza, Palestine et
apartheid
Alain
Gresh
Alain
Gresh
Dimanche 11 mars
2012
« Nous condamnons les tirs de
roquettes et les conséquences
humanitaires de ces violences et
déplorons les victimes civiles. La
France appelle instamment à un retour au
calme et à la retenue afin d’éviter une
escalade qui risquerait de toucher à
nouveau des civils. Notre consul général
à Tel Aviv se rendra dimanche matin à
Ashdod et Ashkelon pour exprimer sa
solidarité. »
C’est en ces termes que le ministère
des affaires étrangères français
réagissait à l’escalade à Gaza provoquée
par un raid israélien et l’assassinat de
deux cadres palestiniens. Les opérations
ont provoqué la mort d’une quinzaine de
Palestiniens, dont deux enfants, mais
c’est avec les populations d’Ashdod et
d’Ashkelon que la France proclame sa
solidarité. Une position similaire à
celle exprimée par
Susan Rice, ambassadrice des
Etats-Unis aux Nations unies, ce qui
n’étonnera personne.
L’argument israélien pour justifier
le raid à l’origine de l’escalade est
que les deux hommes visés étaient les
organisateurs d’un raid meurtrier en
août dernier et s’apprêtaient à
perpétrer un autre attentat. Comme
toujours, l’armée israélienne ment et
contredit ses propres enquêteurs (lire
Max Blumenthal, «
Israel’s bogus case for bombing Gaza
obscures political motives »,
Al-Akhbar, 11 mars 2012.) Mais qui
ira contredire l’armée « la plus morale
du monde » ?
Ce lundi 12 mars, le Quartet, composé
des Etats-Unis, de l’Union européenne,
de la Russie et des Nations unies, se
réunit une nouvelle fois pour discuter
de la Palestine. Une nouvelle fois, on
peut en être sûr, il appellera à la
reprise
sans préalables des négociations
entre Israël et les Palestiniens —
c’est-à-dire sans aucune base pour la
négociation et sans arrêt de la
colonisation israélienne —, ce qui est
exactement la position de M. Nétanyahou.
Celui-ci, de retour de Washington, où
le problème palestinien n’a même pas été
abordé, est décidé à continuer sa
politique dans les territoires occupés,
politique qui ne suscite aucune réaction
sérieuse du Quartet.
Dans un article du quotidien Le
Monde, Laurent Zecchini raconte un
épisode, parmi d’autres, et pas le plus
dramatique, de l’action israélienne en
Cisjordanie («
Hold-up télévisuel à Ramallah »,
lemonde.fr, 10 mars). Il s’agit d’un
raid contre deux stations de télévision.
Il écrit :
« Ramallah est située en zone “A” de
la Cisjordanie, laquelle, aux termes des
accords de paix d’Oslo II (1995), est
sous contrôle exclusif de l’Autorité
palestinienne. Rien à voir, en principe,
avec la zone “B”, où Israël conserve la
responsabilité de la sécurité, et encore
moins avec la zone “C”, entièrement sous
l’emprise de la puissance occupante. Le
siège de l’Autorité palestinienne, c’est
la Mouqata’a, au centre de cette ville
bourgeonnante de 200 000 habitants
(durant le jour), où Mahmoud Abbas a sa
résidence officielle. »
» Mais le roi est nu : le raid de
l’armée israélienne a rappelé que l’Etat
palestinien, dont M. Fayyad s’efforce
avec ténacité de poser les fondations,
et dont M. Abbas demande qu’il soit
reconnu par les Nations unies, est un
Etat croupion, dont la souveraineté est
virtuelle, tout comme l’autorité de son
président. »
Ce raid a été déploré par les
Etats-Unis comme par la France, comme
ils regrettent depuis des années le
blocus de Gaza, la colonisation, les
incursions illégales en territoire
palestinien, etc. mais continuent à
demander à l’Autorité de négocier sans
préalables.
Il est ironique que le Quartet pose
comme condition pour un dialogue avec le
Hamas que celui-ci reconnaisse les
accords d’Oslo, alors qu’Israël les a
enterrés depuis longtemps, poursuivant
sa politique d’asphyxie de la population
palestinienne.
Même l’eau, comme le rapporte
toujours Le Monde, est une arme
qui sert l’occupant («
En Cisjordanie, même l’eau est une arme
», Le Monde, 11-12 mars 2012) ;
l’article rappelle le rapport de
l’Assemblée nationale de février
dénonçant «
un nouvel apartheid de l’eau ».
Car c’est la réalité qui s’impose
désormais sur le terrain. Au fur et à
mesure que s’éloigne la perspective de
la création d’un Etat palestinien en
Cisjordanie et à Gaza, progresse la
réalité d’un seul Etat, de la
Méditerranée au Jourdain, dominé par les
Israéliens et dans lequel les
Palestiniens sont privés de tous leurs
droits. En Afrique du Sud cela
s’appelait l’apartheid, comme le
rappelle Zackie Achmat, un militant
sud-africain convaincu qu’Israël est
devenu un Etat d’apartheid («
Why I believe Israel is an apartheid
state »).
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