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Une paix imposée au
Proche-Orient ?
Alain Gresh
Alain Gresh
Lundi 11 janvier 2010 Alors que George Mitchell, envoyé
spécial du président américain, est en visite à Paris, où il
rencontre lundi 11 Bernard Kouchner, plusieurs voix s’élèvent
outre-Atlantique pour demander à Washington d’imposer une
solution au conflit israélo-palestinien. La plus radicale est
celle de Henry Siegman, directeur de U.S./Middle East Project
(New York), ancien directeur de l’American Jewish Congress
(1978-1994), qui signe un article dans l’hebdomadaire The
Nation (7 janvier), « Imposing
Middle East Peace » :
« La volonté acharnée d’Israël d’établir des “faits
accomplis” en Cisjordanie occupée, une orientation qui se
poursuit en violation même du gel limité de la colonisation
auquel le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est engagé,
semble enfin avoir réussi à verrouiller l’irréversibilité du
projet colonial. À la suite de ce “succès”, celui que les
gouvernements israéliens successifs ont longtemps cherché afin
d’exclure la possibilité d’une solution fondée sur deux Etats,
Israël a franchi le seuil de la “seule démocratie au
Moyen-Orient” au seul régime d’apartheid dans le monde
occidental. »
« Le caractère inévitable d’une telle transformation a
souvent été annoncé non par des “ennemis d’Israël”, mais par les
dirigeants du pays lui-même. Le premier ministre Ariel Sharon a
fait référence à ce danger, tout comme le premier ministre Ehud
Olmert, qui a averti qu’Israël ne pouvait pas manquer de se
transformer en un Etat d’apartheid s’il ne renonçait pas à
“presque tous les territoires, sinon tous”, y compris les
parties arabes de l’Est Jérusalem. »
(...)
« Ce n’est pas seulement la prolifération des colonies et
leur taille qui rendent leur démantèlement impossible. Tout
aussi décisive a été l’influence du complexe colons
d’Israël-sécurité-industriel, qui a conçu et mis en œuvre cette
politique ; la disparition récente de tout parti politique
israélien ayant un programme réaliste de paix, et l’infiltration
par les colons et leurs partisans au sein du camp
religieux-national dans des positions de premier plan dans les
appareils sécuritaires et militaires. »
« Olmert s’est trompé sur un point, car il a dit qu’Israël
se transformerait en un Etat d’apartheid quand la population
arabe dans le Grand Israël dépasserait la population juive. Mais
la taille relative des populations n’est pas le facteur
déterminant dans une telle transition. Au contraire, le point
tournant vient quand un Etat refuse l’autodétermination
nationale à une partie de sa population, même minoritaire, et
lui refuse également les droits de la citoyenneté. »
(...)
« Un souvenir très fort de l’époque je dirigeais le
Congrès juif américain est un voyage en hélicoptère au dessus de
la Cisjordanie avec Ariel Sharon. Avec de grandes cartes portés
à la main, il me montra des endroits stratégiques des
établissements actuels et futurs sur les axes est-ouest et
nord-sud qui, Sharon me l’assurait, excluraient un futur Etat
palestinien. »
Comme le déclarait Moshe Dayan : « La question n’est pas :
quelle est la solution ? Mais : comment pouvons-nous vivre sans
solution ? » Et Israël a donc vécu « sans solution »,
« non en raison de l’incertitude ou de la négligence, mais en
vertu d’une politique délibérée ».
« Tôt ou tard, la Maison Blanche, le Congrès et le public
américain, sans parler d’un establishment juif qui a en grande
partie perdu le contact avec les perceptions changeantes de la
génération plus jeune face à Israël, devront faire face au fait
que pour l’Amérique la “relation spéciale” avec Israël revient à
soutenir une entreprise coloniale. »
« La capitulation de Barack Obama face à Netanyahou sur le
gel de la colonisation a été largement considérée comme
l’effondrement du dernier espoir pour la réalisation d’un accord
fondé sur deux Etats. Elle a complètement discrédité l’idée que
la modération palestinienne était la voie vers un Etat, et a
donc aussi discrédité l’Autorité palestinienne du président
Mahmoud Abbas, avocat palestinien de premier plan de la
modération, qui a annoncé son intention de ne pas se présenter à
l’élection présidentielle à venir. »
(...)
« Mais ce qui est largement perçu comme le dernier coup
porté à une solution fondée sur deux Etats pourrait, en fait, se
révéler être la condition nécessaire à sa réalisation finale.
Cette condition est l’abandon de l’idée absolument aberrante
qu’un Etat palestinien ne peut naître sans une intervention
extérieure énergique. La communauté internationale a montré des
signes d’exaspération face aux tromperies d’Israël et à ses
réponses évasives, et aussi à l’échec de Washington de montrer
qu’il y a des conséquences, non seulement pour les violations
palestiniennes des accords, mais aussi pour celles commises par
les Israéliens. La dernière chose que beaucoup dans la
communauté internationale veulent est une reprise de
négociations vides de sens entre Netanyahou et Abbas. Au lieu de
cela, ils se concentrent sur la puissante intervention d’une
tierce partie, un concept qui n’est plus tabou. »
(...)
« Une solution imposée comporte des risques, mais ceux-ci
ne sont rien comparés aux risques de poursuite incontrôlée du
conflit. En outre, puisque les adversaires ne sont pas invités à
accepter autre chose que ce qu’ils ont déjà accepté par des
accords formels, la communauté internationale ne cherche pas à
imposer ses propres idées, mais à s’acquitter de leurs
obligations existantes. (...) Il ne faudrait pas une audace
extraordinaire à Obama pour réaffirmer la position officielle de
chaque administration américaine – y compris celle de George W.
Bush – selon laquelle il importe peu de savoir si certains
changements par rapport à la situation d’avant 1967 sont
souhaitables ou nécessaires : ils ne peuvent pas être faits de
manière unilatérale. » (...)
« Bien sûr, Obama ne devrait laisser aucun doute sur le
fait qu’il est inconcevable pour les Etats-Unis de ne pas tenir
pleinement compte des véritables besoins de sécurité d’Israël
(...). Mais il doit aussi ne laisser aucun doute qu’il est tout
aussi inconcevable qu’il abandonne les valeurs fondamentales de
l’Amérique ou qu’il compromette ses intérêts stratégiques pour
maintenir le gouvernement Netanyahou au pouvoir, notamment
lorsque le soutien à ce gouvernement revient à cautionner une
situation qui maintiendrait le peuple palestinien privé de
droits et dépossédé ».
Autre texte portant une proposition similaire, celui de
Stephen Cohen, « Take
a tip from Eisenhower, Truman on the Mideast », Boston.com,
8 janvier 2009. Cohen est président de l’Institute for Middle
East Peace and Development, et auteur de Beyond America’s
Grasp : A Century of Failed Diplomacy in the Middle East.
D’abord, l’auteur affirme que la montée en puissance de
l’Iran caractérise la situation au Proche-Orient et que c’est
pourquoi il faut replacer la question israélo-palestinienne dans
un cadre plus vaste, régional et international, comme l’avaient
fait deux de ses prédécesseurs. Il rappelle le soutien de Truman
à la création de l’Etat d’Israël (pour combattre l’Union
soviétique) et les pressions du président Eisenhower sur Ben
Gourion pour arrêter l’agression contre Suez et l’Egypte en
1956, agression qui mettait en péril la stratégie de tenir
l’URSS à distance (et aussi l’alliance entre les Etats-Unis et
Israël). Cohen écrit :
« Israël est désespérément préoccupé par le développement
par l’Iran d’une capacité nucléaire. Obama devrait sortir la
négociation israélo-palestinienne de son contexte bilatéral et
l’inclure dans une négociation globale sur la non-prolifération,
y compris en la reliant à des pourparlers avec l’Iran. »
« Comme la non-prolifération nucléaire est une priorité d’Obama,
il doit faire clairement comprendre à Israël que la protection
américaine à sa posture “d’ambiguïté nucléaire” sera difficile à
maintenir si Israël n’a pas décidé à faire la paix. Quelle est
la priorité la plus élevée pour la sécurité d’Israël : la
prolifération des colonies de peuplement ou la perpétuation de
l’ambiguïté nucléaire, aux termes de laquelle Israël évite
d’énormes pressions de la communauté internationale à se
conformer au régime de non-prolifération ? »
« C’est le genre de changement spectaculaire dans
l’attitude d’Obama qui est requis. Comme ses prédécesseurs,
Obama doit penser au sujet d’Israël au niveau mondial afin de
donner aux Etats-Unis et à Israël la possibilité de réaliser la
paix. Qui changerait l’équilibre des forces au Moyen-Orient dans
le sens voulu par Truman : une coalition de pouvoir entre les
Etats-Unis et Israël. »
Les analyses d'Alain
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