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Guerre contre le terrorisme: un simple
changement de vocabulaire ?
Alain Gresh

Mercredi 8 avril 2009 La guerre d’Afghanistan a été au cœur du
sommet de l’OTAN qui vient de se tenir à Strasbourg,
Baden-Baden et Kehl, et qui a été marqué par le retour de la
France dans le commandement militaire intégré de l’organisation.
Deux mois et demi après la prise de fonction de Barack Obama, il
est encore trop tôt pour savoir exactement ce que sera la
nouvelle politique étrangère des Etats-Unis.
Il y a un changement incontestable du discours. Mais
reflète-t-il une évolution de la politique ? Dans un article
intitulé « The
Words Have Changed, but Have the Policies ? », paru dans l’International
Herald Tribune du 2 avril, Peter Baker écrit :
« Ils [les responsables de l’administration Obama]
peuvent envoyer 21 000 soldats supplémentaires en Afghanistan,
comme Bush l’a fait en Irak ; mais il ne faut pas utiliser le
mot “hausse”. Ils peuvent maintenir dans la prison de Guantanamo
des gens capturés sur le champ de bataille, mais ceux-ci ne sont
plus des “ennemis combattants”. Ils peuvent poursuivre le combat
contre Al-Qaida comme leurs prédécesseurs l’ont fait, mais ils
ne mènent pas une “guerre contre le terrorisme”. »
« Si ce n’est pas un guerre contre le terrorisme, alors
qu’est-ce que c’est ? “Des opérations d’urgence
(contingency) à l’extérieur”. Et les attaques terroristes ?
Des “désastres provoqués par des hommes”. » (...)
« Ainsi, malgré tout le changement de vocabulaire, Obama a
laissé intacte, pour l’instant, l’architecture nationale de
sécurité. Il n’a fait aucun pas pour réviser le Patriot Act ou
le programme d’écoutes. Il a ordonné la fermeture de Guantanamo
d’ici un an, mais n’a pas transféré tous les prisonniers. Le
renforcement des troupes en Afghanistan ressemble à celui que
Bush a ordonné il y a deux ans en Irak. »
L’éditorial du Washington Post du 4 avril, « New
Words for War », revient sur les mêmes questions.
« La secrétaire d’Etat Hillary Rodham Clinton a récemment
confirmé l’abandon de la formulation “guerre mondiale contre le
terrorisme”. Elle n’a pas expliqué pourquoi. “Je pense que
cela va de soi, que c’est évident”, s’est-elle contentée
d’affirmer. Cela soulève quelques questions évidentes : est-ce
que la nouvelle administration croit que le combat contre
Al-Qaida et d’autres groupes extrémistes islamistes ne relève
pas de la guerre ? Est-ce que la menace contre les Etats-Unis
eux-mêmes est moindre aux yeux d’Obama qu’à ceux de Bush ? Et
est-ce que les Etats-Unis attendent toujours de leurs alliés
militaires au sein de l’OTAN qu’ils se joignent à cette guerre
sans nom, à cet effort “qui va de soi” ? »
Après s’être rassuré sur ces points en citant les différentes
déclarations du président Obama, l’éditorialiste poursuit :
« Il semble donc que la “guerre mondiale contre le
terrorisme” va continuer – simplement, elle ne portera plus de
nom. Obama est très conscient des dégâts causés par
l’administration Bush au prestige américain en Europe et à
travers le monde musulman, et il a beaucoup parlé cette semaine
d’un nouveau commencement. Comme beaucoup l’avaient signalé, la
vieille formulation était gênante – la “terreur” désigne un
moyen de guerre, pas un ennemi. Le défi pour la nouvelle
administration est de décrire cet ennemi et la campagne contre
lui de manière à convaincre de son urgence aussi bien les
audiences américaine qu’européenne – et d’unir plutôt que de
diviser. En ce sens, Obama a fait un bon début à Strasbourg. »
Dans le cadre de ce changement de vocabulaire, un entretien
de la nouvelle ambassadrice américaine au Liban, Michele Sison,
au site Naharnet (3 avril) nous apprend que la nouvelle
administration n’utilisera plus le terme de « processus de
paix », mais de « paix au Proche-Orient ».
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