Opinion
Stéphane Hessel,
François Hollande et la Palestine
Alain
Gresh
Alain
Gresh
Vendredi 8 mars
2013 Au cours des obsèques de Stéphane
Hessel organisées le 7 mars, le
président de la République François
Hollande a rendu
hommage à l’homme. Il s’est pourtant
permis, fait à ma connaissance sans
précédent dans de telles circonstances,
de prendre ses distances à l’égard de
Hessel. Sur quel thème ? Les
sans-papiers ? Les inégalités sociales ?
L’injustice de l’ordre international ?
Non, sur aucun de ces thèmes sur
lesquels, pourtant, la politique
actuelle du gouvernement est bien
différente de celle préconisée par
Hessel. Un seul sujet a suscité ses
réserves, celui de la Palestine :
« Il pouvait aussi, porté par une
cause légitime comme celle du peuple
palestinien, susciter, par ses propos,
l’incompréhension de ses propres amis.
J’en fus. La sincérité n’est pas
toujours la vérité. Il le savait. Mais
nul ne pouvait lui disputer le courage.
»
Une nouvelle fois, le président a
cédé aux nombreuses pressions : il ne
faut rien faire qui puisse susciter
l’ire du gouvernement israélien. On
savait déjà que la personne
qui écrit les discours du président
était un dirigeant du Conseil
représentatif des institutions juives de
France (CRIF). Une confusion des genres
qui ne peut qu’alimenter les discours
antisémites rampants : les juifs sont
partout, ce sont eux qui dictent la
politique de la France. On savait aussi
que Richard Prasquier, président du
CRIF, dans un
éditorial daté du 27 février, avait
fortement critiqué Hessel, l’accusant
d’être « avant tout un maître à ne
pas penser ».
Mais, au-delà de ces pressions, il y
a le refus persistant de tous ceux, au
gouvernement comme dans l’opposition, de
prendre en compte une réalité simple :
c’est le gouvernement israélien qui
refuse toute négociation de paix
sérieuse et qui poursuit une politique
de colonisation et de répression contre
les Palestiniens — une réalité que
Stéphane Hessel avait plusieurs fois
soulignée, notamment lors de son voyage
à Gaza. A la fin de son mandat, le
président Sarkozy avait fini par
reconnaître que M. Benjamin Nétanyahou
était un « menteur ». Le
président Hollande se comporte encore
comme si on pouvait « convaincre » ce
premier ministre d’aller vers une paix
véritable. Mais qui peut sincèrement
croire un seul instant que le
gouvernement israélien acceptera de se
retirer de l’ensemble des territoires
occupés en 1967, y compris Jérusalem ?
Par ailleurs, le gouvernement
français ferme les yeux sur le fait que
le parti même de M. Nétanyahou est
composé d’hommes et de femmes que, dans
tout autre pays, on qualifierait de «
fascistes ». Comme il ignorera demain
que le parti Maison juive, qui s’apprête
à entrer dans la coalition
gouvernementale en Israël, est un parti
fasciste et raciste. Paris, qui n’a pas
de mots assez durs pour critiquer le
Hamas, cautionne ainsi les partis
politiques israéliens d’extrême droite.
Quant à la politique de colonisation
persistante du gouvernement israélien,
Paris se borne à des condamnations
purement verbales, sans jamais prendre
aucune mesure de sanction. Au contraire,
la coopération bilatérale (et
européenne) avec Israël dans tous les
domaines — économique, politique,
militaire et même policier — nous ramène
à
l’année 1956, quand le gouvernement
socialiste de Guy Mollet s’alliait à
Israël contre l’Egypte de Gamal Abdel
Nasser, « un Hitler au petit pied ».
Partout dans le monde, le
gouvernement n’a qu’un mot à la bouche,
celui des droits humains et de leur
défense, partout sauf en Palestine. Il
est ainsi resté bien silencieux sur le
dernier rapport de l’Unicef consacré au
traitement des enfants palestiniens.
Voici comment
Libération présentait ce
rapport :
« Les “mauvais traitements” des
mineurs palestiniens dans le système de
détention militaire israélien sont
“répandus, systématiques et
institutionnalisés”, affirme dans un
rapport rendu public mercredi le Fonds
des Nations unies pour l’enfance
(Unicef).
“Dans aucun autre pays les enfants
ne sont systématiquement jugés par des
tribunaux militaires pour mineurs qui,
par définition, ne fournissent pas les
garanties nécessaires au respect de
leurs droits”, souligne le rapport.
L’Unicef évalue à “environ 700
chaque année le nombre d’enfants
palestiniens de 12 à 17 ans, en grande
majorité des garçons, arrêtés,
interrogés et détenus par l’armée, la
police et les agents de sécurité
israéliens”.
“Ces mauvais traitements
comprennent l’arrestation d’enfants chez
eux entre minuit et cinq heures par des
soldat lourdement armés, le fait de
bander les yeux des enfants et de leur
lier les mains par des attaches en
plastique”, selon le rapport, qui cite
également “les aveux forcés, l’absence
d’accès à un avocat ou à des membres de
la famille pendant l’interrogatoire”. »
Comment expliquer ce silence ? Les
enfants palestiniens ne seraient-ils pas
des enfants comme les autres ? Stéphane
Hessel avait simplement témoigné de ces
mauvais traitements.
Lors de l’inhumation de Stéphane
Hessel, Michel Rocard affirmait : «
Ceux qui l’ont critiqué feraient mieux
de faire leur examen de conscience. »
Serait-ce un appel à M. Hollande ?
L’existence de notre
journal ne peut pas
uniquement dépendre
du travail de la
petite équipe qui le
produit, aussi
enthousiaste
soit-elle. Nous
savons que nous
pouvons compter sur
vous.
Faites un don
Abonnez-vous
Les analyses d'Alain Gresh
Les dernières mises à jour
|