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Jérusalem :
quand Paris se fait le porte-parole des injonctions israéliennes
Alain Gresh

Alain Gresh
Dimanche 6 décembre 2009 Pour la seule année 2008, Israël a
annulé 4577 permis de résidence de Palestiniens – dont 99
mineurs – à Jérusalem, un record puisque, pour la moyenne des
années 1970, 1980 et 1990 était entre 100 et 200 par an. Entre
1967 et 2007, le nombre total n’a pas dépassé la moitié de ce
chiffre. Ces chiffres ont été obtenus par l’organisation
israélienne
Hamoked, le Centre pour la défense des droits individuels.
C’est alors que s’intensifie une campagne visant à vider
Jérusalem de ses habitants arabes, une campagne que partout on
dénoncerait comme un nettoyage ethnique ou comme purement et
simplement raciste. Les gouvernements de l’Union européenne se
penchent sur la situation de la ville.
Comme le rappelle Laurent Zecchini sur LeMonde.fr
(3 décembre), « La
situation à Jérusalem-Est pèse sur les relations entre Israël et
les Européens » :
« La question de Jérusalem-Est est au centre d’une
polémique grandissante entre les autorités israéliennes et
l’Union européenne (UE). D’une part, parce que les ministres
européens des affaires étrangères s’apprêtent à examiner, le
7 décembre, des conclusions de la présidence suédoise qui — pour
la première fois — soulignent que Jérusalem-Est devra être la
capitale d’un futur Etat palestinien ; d’autre part, parce qu’un
rapport classifié des consulats européens à Jérusalem dresse un
bilan extrêmement critique de la politique visant à judaïser la
Ville sainte. » (...)
« Selon des sources diplomatiques à Bruxelles, le texte
préparé par Stockholm est contesté par plusieurs capitales, et
il n’est pas dit que la Suède, dont les relations avec Israël
sont difficiles, aura finalement gain de cause. »
« En l’état, le projet de conclusions souligne que l’UE
“appelle à une reprise urgente des négociations, qui conduiront,
selon un calendrier agréé, à une solution à deux Etats, avec un
Etat de Palestine indépendant, démocratique, viable (avec) une
continuité territoriale incluant la Cisjordanie et Gaza et avec
Jérusalem-Est pour capitale”. »
« Le Conseil de l’UE rappelle, selon ce texte, qu’il “n’a
jamais reconnu l’annexion de Jérusalem-Est”. “S’il doit y avoir
une véritable paix, une solution doit être trouvée pour résoudre
le statut de Jérusalem comme capitale de deux Etats”, poursuit
ce document. Une telle formulation correspond peu ou prou aux
positions de principe de nombreux pays européens (dont la
France), mais plusieurs capitales, soucieuses de ne pas
compliquer leurs relations avec Israël, préféreraient un texte
qui ne donne pas l’impression de préempter le résultat de
négociations israélo-palestiniennes sur le futur statut de
Jérusalem. »
C’est peu dire que Paris est réservé. Dans un entretien
accordé au quotidien anglophone The Jerusalem Post
(3 décembre), « Paris
comes out against Swedish plan », l’ambassadeur de France
Christophe Bigot explique les deux réserves de Paris :
« D’abord, la déclaration devrait prendre en compte la
décision positive (sic !) de Benyamin Netanyahou
d’un gel partiel des constructions de colonies. Nous
devrions saluer la décision, même si elle ne répond pas à toutes
nos attentes. »
« En deuxième lieu, nous devrions promouvoir la relance du
processus de paix. Ce devrait être les deux points qui devraient
figurer dans la déclaration. »
En somme, Paris est favorable à une reprise des négociations
sans conditions préalables, c’est-à-dire sans aucune chance
d’aboutir, puisque le gouvernement israélien refuse de
reconnaître le principe défini par les Nations unies, selon
lequel l’occupation doit se terminer sur tous les territoires
occupés en juin 1967, y compris Jérusalem-Est. (Pour l’entretien
intégral, lire « Diplomacy :
Franco friendly », par Herb Keinon, 4 décembre). Il permet
de mesurer à quel point la politique française au Proche-Orient
a changé, à quel point elle est en rupture avec l’héritage
gaulliste.
Quant au texte européen, il faudra attendra la réunion du
Conseil des ministres des affaires étrangères européens, mardi
8 décembre, pour savoir s’il a été modifié conformément à la
volonté israélienne relayée par la France...
Sur la lâcheté de l’Union européenne, on pourra lire
Jérusalem, le rapport occulté, présenté par René Backmann
(Salvator, 2009). Ou comment on cache un rapport établi pourtant
par les consuls européens...
Sur son blog, Gilles Paris, du quotidien Le Monde,
posait le 1er décembre la question : « Jérusalem-Est :
les Européens oseront-ils ? ». La réponse, malheureusement,
semble être non.
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