Les blogs du Diplo
Israël, boycott,
sanctions et désinvestissement
Alain Gresh

Alain Gresh
Dimanche 6 septembre 2009 Reprenant une dépêche de
l’Agence France-Presse du 4 septembre, Romandie News titre : « Barak
proteste contre le retrait d’un fonds norvégien d’un groupe
israélien »
« Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a
protesté vendredi contre la décision du fonds de pension public
norvégien, l’un des plus gros fonds souverains au monde, de se
retirer d’un groupe électronique israélien. "Le ministre de la
Défense s’est entretenu avec le ministre norvégien des Affaires
étrangères (Jonas Gahr Stoere) pour lui exprimer son
mécontentement à la suite de la décision du fonds norvégien
concernant Elbit", a indiqué un communiqué du ministère de la
Défense. Selon le communiqué, le ministre norvégien a expliqué
qu’il s’agissait "d’un fonds privé et que le gouvernement
norvégien n’a aucun pouvoir sur lui". »
« Ce fonds est géré par la banque centrale norvégienne.
Les décisions d’exclure ou de réintégrer une société dans la
liste des sociétés destinataires de ses investissements sont
prises par le ministère des finances sur la base de
recommandations faites par un Conseil (consultatif) d’éthique".
La société Elbit est accusée d’avoir fourni un système de
surveillance pour la barrière de séparation israélienne,
déclarée illégale par la Cour internationale de justice en
2004. »
(...)
« Premier investisseur sur les Bourses européennes, le
fonds pétrolier norvégien —comme il est plus communément connu
parce qu’il est alimenté par les recettes pétrolières de l’Etat
norvégien— pesait 2.385 milliards de couronnes (277 milliards
d’euros) en actions et obligations internationales fin juin. »
Une dépêche de l’agence Reuters reprise sur lepost.fr le 4
septembre sous le titre « La
Norvège adhère à la campagne d’embargo contre Israël pour
violation du droit humanitaire. » précise :
« " Nous ne souhaitons pas financer des entreprises qui
contribuent de manière aussi directe à des violations du droit
humanitaire international ", a déclaré la ministre norvégienne
des Finances, Kristin Halvorsen. Elle a déclaré que la liberté
de mouvement des Palestiniens avait été " restreinte de manière
inacceptable " par la barrière de séparation, dont Israël défend
la construction pour se protéger du risque d’attentats suicides.
La Cour internationale de justice a statué que ce mur
enfreignait la quatrième convention de Genève et " les autorités
norvégiennes ont agi en accord avec cela ", a ajouté Halvorsen. »
Cette condamnation du mur est d’autant plus importante que le
jugement de la cour s’est heurté au sein des autorités
françaises à de nombreuses réticences (« La
France contre la Cour internationale de justice »).
Cette position, déjà évidente sous la présidence de Jacques
Chirac s’est maintenue comme on a pu le voir avec la visite à
Bethléem de Valérie Hoffenberg, « représentante spéciale de la
France pour la dimension, culturelle, commerciale, éducative et
environnementale du processus de paix au Proche-Orient » par
ailleurs directrice pour la France de l’American Jewish
Committee (AJC), une des organisations juives américaines
connues pour leur soutien inconditionnel à Israël. (Lire Gilles
Paris, « Un
parc industriel franco-palestinien lancé à Bethléem »,
lemonde.fr, 3 septembre). Selon le journaliste du Monde
« Mme Hoffenberg juge ainsi qu’elle (la barrière dite de
sécurité cad le mur) est " bienvenue si elle a permis de ramener
la confiance " entre Israéliens et Palestiniens. ».
Qu’importe pour la représentante de la France, les décisions de
la Cour internationale de justice...
Peut-on faire appliquer le droit international en Palestine,
malgré la passivité de nombre de gouvernements occidentaux ? Il
semble que oui si l’on en croit ces quelques exemples.
Ainsi, un fonds d’investissement américain s’est retiré du
fonds
Leviev qui travaille dans les colonies (lire
« BlackRock divests from Leviev, an ‘NYT’ advertiser (and guess
who doesn’t report it », sur le blog de Philip Weiss,
Mondoweiss, 31 août 2009). Une campagne se développe contre le
projet Agrexco à Sète (Christophe Payet,
« Agrexco à Sète : une caution à la colonisation israélienne ? »,
Rue89, 22 août) et l’implication d’Alstom et Connex (Veolia),
deux compagnies françaises dans la construction du tramway de
Jérusalem est toujours devant les tribunaux (« Alstom
et le tramway de Jérusalem ».)
Le Monde diplomatique de septembre consacre deux
articles à ce thème. « Israël est-il menacé par une campagne de
désinvestissement ? » par Willy Jackson ; et « De Gaza à Madrid,
l’assassinat ciblé de Salah Shehadeh » par Sharon Weill (ces
articles ne sont pas disponibles sur internet, mais le numéro
est en vente dans tous les bons kiosques :-) ).
Le débat sur ces questions n’est pas nouveau, mais il semble
que, de plus en plus de voix dans les sociétés civiles se
prononcent en faveur de sanctions et du boycott contre Israël,
un peu sur le modèle de l’Afrique du Sud.
Le récent débat autour du texte du militant pacifiste
israélien Uri Avnery montre toutefois qu’il n’est pas totalement
tranché. « TLAXCALA, le réseau des traducteurs pour la diversité
linguistique » publie le texte en français d’une tribune d’Avnery,
« La
prière de Tutu- Une réponse à Neve Gordon » :
« La question du boycott est revenue à l’ordre du jour
cette semaine suite à la parution d’un article du Dr. Neve
Gordon dans le Los Angeles Times (version
française ici), appelant à un boycott international
d’Israël. Il a donné l’exemple de l’Afrique du Sud pour montrer
comment un boycott d’envergure mondiale pourrait obliger Israël,
qu’il compare au régime de l’apartheid, à mettre fin à
l’occupation. »
« Je connais et respecte Neve Gordon depuis de nombreuses
années. Avant de devenir maître de conférences à l’Université
Ben Gourion à Beersheba, il a organisé plusieurs manifestations
contre le mur de séparation dans la région de Jérusalem,
auxquelles j’ai également pris part. »
(...)
« En Afrique du Sud, un accord total existait entre les
deux côtés au sujet de l’unité du pays. La lutte concernait le
régime. Les blancs et les noirs se considéraient tout autant
sud-africains et étaient déterminés à garder le pays intact. Les
blancs ne souhaitaient pas la partition, et d’ailleurs ils ne
pouvaient pas la vouloir puisque leur économie était basée sur
le travail des noirs. »
« Dans ce pays, les Juifs israéliens et les Arabes
palestiniens n’ont rien en commun : pas de sentiment national
commun, pas de religion commune, pas de culture commune et pas
de langue commune. La grande majorité des Israéliens veulent un
État juif (ou hébreu). La grande majorité des Palestiniens
veulent un État palestinien (ou islamique). Israël ne dépend pas
des travailleurs palestiniens ; au contraire, il pousse les
Palestiniens à quitter leurs lieux de travail. A cause de tout
cela, il existe aujourd’hui une unanimité internationale sur le
fait que la solution se trouve dans la création d’un État
palestinien à côté d’Israël. »
« En résumé, les deux conflits sont fondamentalement
différents. Ainsi, la méthode de lutte doit aussi être
nécessairement différente. »
Kim Petersen lui répond dans un texte traduit en français
sous le titre « Les
boycotts, un moyen légitime de résistance-Une réponse à Uri
Avnery »
Naomi Klein, l’auteure de La Stratégie du choc (Actes
Sud-, soutient aussi la campagne BDS (boycott, sanctions,
désinvestissement), et qu’il ne s’agit pas de boycotter les
Israéliens (elle est allée là-bas pour présenter son livre aux
Palestiniens et aux Israéliens), mais de ne pas agir comme si la
situation là-bas était « normale ». (Lire « « Naomi
Klein Shows You Can Boycott Israel Without Cutting Off Dialogue
Over Palestine » », Cecilie Surasky, Alternet, 1er
septembre)
Signalons aussi
l’intervention d’Omar Bargouthi, coordonnateur de la
campagne BDS, le 30 août, à l’université d’été du Nouveau parti
anticapitaliste. Je joins la traduction du texte en français.
Enfin, un petit rappel historique. Au printemps 1965,
Jean-Paul Sartre annula des conférences qu’il devait prononcer à
l’université de Cornell pour protester contre les bombardements
américains contre le Vietnam du Nord et contre l’absence de
réaction de l’opinion américaine à cette agression.
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