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Carnets du diplo
George Frêche, Israël,
les juifs et l’antisémitisme
Alain Gresh
6 juillet 2007
Le 24 juin, lors d’une cérémonie à Montpellier (Parc
Grammont) organisée par le Centre culturel juif à l’occasion
de la « Journée de Jérusalem », George Frêche, président
du Conseil régional de Languedoc-Roussillon, président de la
communauté d’agglomération de Montpellier et membre du conseil
municipal de Montpellier, a fait un discours, reproduit
sur le site Internet Dailymotion. Une anthologie de soutien à
la politique du gouvernement israélien, d’amalgame entre juifs
et Israéliens, et de propos susceptibles d’encourager l’antisémitisme.
Avec Frêche, qui s’est déjà rendu célèbre par des déclarations
racistes, on n’est jamais déçu... Rappelons que Frêche a été
exclu du PS en janvier 2007, mais qu’il garde le soutien des élus
de gauche dans sa région.
Voici quelques extraits de ses propos en italique avec
commentaires.
« Moi je me souviens être allé à Tibériade lors de
la guerre des Six jours (1967) et c’est là que je me suis fais
un ami, je vais vous dire qui c’est : Nicolas Sarkozy. Eh
oui, car on n’est pas du même bord, mais pour Israël on est du
même bord. Et je suis ravi que pour la première fois la France
ait élu au suffrage universel direct - ça sera mon bonheur dans
mon malheur - ait élu un juif Président de la République. On
avait eu Léon Blum et Mendès France premiers ministres, mais on
n’avait jamais eu un juif élu au suffrage universel, c’est un
beau succès. Et en plus avec Kouchner ministre des affaires étrangères,
qu’est-ce que vous voulez de plus. »
Frêche sait sans doute comment on définit « un juif ».
Pour lui, son grand-père maternel étant juif (converti au
catholicisme), Nicolas Sarkozy l’est aussi. En septembre 1935,
les nazis avaient adopté les lois de Nuremberg, expression de
leur vision raciale et délirante de l’humanité. Elles définissaient
comme juifs ceux dont trois ou quatre grands-parents étaient
juifs. Elles désignaient comme « métis juifs » de
premier degré ceux qui avaient deux grands-parents de sang
allemand et deux de sang juif ; s’ils appartenaient à la
religion juive ou étaient intégrés à la communauté juive,
notamment par mariage, ils étaient considérés comme juifs. Les
métis de second degré avaient trois grands-parents allemands et
un de sang juif ; ils pouvaient devenir citoyens du Reich.
Dans les faits, les nazis, adeptes des théories raciales, oscillèrent
dans leur recherche de « signes distinctifs », firent
souvent prévaloir une détermination religieuse, mais prirent en
compte parfois la circoncision, quelquefois le nom, etc. La
« version française » de cette loi (statut des juifs
du 3 octobre 1940) affirmait que sont de « race juive »
ceux ayant « appartenu à la religion juive ». On ne
saura pas si, pour Frêche, Sarkozy est un juif à part entière,
un métis juif ou à quel degré ?
« Alors je vais dire à mon ami Kouchner :
"et quand c’est que tu reconnais Jérusalem capitale d’Israël ?". »
Rappelons que plus aucun gouvernement du monde, pas même celui
des Etats-Unis, ne reconnaît Jérusalem comme capitale de l’Etat
d’Israël.
« Un des vétérans d’Israël, à la fondation d’Israël,
(Shimon) Pérès, je suis heureux qu’il ait été élu président
de la République. Ca fait très plaisir et j’espère le saluer
lors de ma prochaine visite en Israël. Et puis j’ai un autre
ami, mais je vais pas me mêler de vos affaires intérieures, mais
je connais bien l’ami Barak et je suis heureux de voir sa récente
nomination à la tête d’un parti israélien que j’aime (le
Parti travailliste). »
A qui s’adresse Frêche quand il évoque « vos affaires
intérieures » ? Aux participants à la journée qui
sont dans leur immense majorité des Français ? Aux deux ou
trois universitaires israéliens invités ?
« Vous savez qu’ici (il parle de Montpellier !)
nous sommes une zone libérée d’Eretz d’Israël depuis 30
ans. Alors je voudrais vous dire que nous pour le mur que vous érigez
contre les attentats, à l’époque où tout le monde hurlait
nous avons ici à Montpellier soutenu la faction (sic !)
de ce mur parce que bien sûr je savais bien que ça faisait pas
un plaisir fou aux Israéliens de faire un mur, mais c’était la
seule façon d’éviter des dizaines de victimes innocentes
semaine après semaine. Ce mur était justifié, tellement justifié
qu’il a fait tomber de façon extraordinaire le nombre des
attentats meurtriers en Israël. »
Pour Frêche, le mur de séparation construit par le
gouvernement israélien, dont la longueur est deux fois celle de
la ligne verte qui sépare Israël de la Cisjordanie, dont la Cour
internationale de justice a demandé la destruction, est donc
justifiée. Quant au fait que Montpellier soit « une zone
libérée d’Eretz Israël (la terre d’Israël) », on
imagine l’effet de tels propos dans la bouche d’un Le Pen...
« Je sais qu’Israël est un petit Etat qui a
quelques millions d’habitants au milieu de plus de 200 millions
d’Arabes qui ont toutes les terres qu’il faut pour assurer le
développement. D’ailleurs regardez, les seuls qui aient laissé
les Palestiniens dans les camps, c’est les Libanais. Mais
ailleurs, les Palestiniens, qui sont souvent des gens
intelligents, se sont investis dans la population en développement
économique, en Egypte, en Jordanie, voire en Syrie, ils peuvent
le faire demain au Liban. »
George Frêche semble oublier que des millions de Palestiniens
vivent dans les camps, non seulement au Liban, mais aussi en
Jordanie, en Syrie ainsi qu’en Cisjordanie et à Gaza.
« Les Iraniens sont de dangereux adversaires, ils sont
en train de se doter de la bombe atomique, et c’est pour Israël
un danger permanent et constant, auquel votre gouvernement est
sensible et je comprendrais éventuellement un jour, je me
souviens de la centrale Osiris (sic ! il veut parler d’Osirak,
centrale irakienne détruite par l’aviation israélienne en juin
1981), toute mesure préventive éventuelle. »
Frêche est donc partisan d’une attaque contre l’Iran.
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