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Trois suggestions à Bernard Kouchner
Alain Gresh
Alain Gresh
Mardi 6 avril 2010 Hervé de Charette a été ministre des
affaires étrangères en 1995-1996, alors que Jacques Chirac était
président de la République et Alain Juppé premier ministre. Il a
joué un rôle actif et positif au moment de l’agression
israélienne contre le Sud-Liban au printemps 1996 (le premier
ministre était alors Shimon Peres). Envoyé par le président, de
Charette séjourne dans la région pendant près de deux semaines,
obtenant, malgré les réticences américaines et israéliennes, la
mise sur pied d’un groupe de surveillance du cessez-le-feu
auquel sont associés la Syrie, Israël, le Liban, les Etats-Unis
et la France.
Député, Hervé de Charette a quitté l’UMP en décembre 2009 et
a rejoint le Nouveau Centre. Le 24 mars 2010, lors des questions
au gouvernement, il est intervenu sur la question
palestinienne :
« Monsieur le ministre des affaires étrangères, dites-nous
jusqu’à quand l’Europe, et avec elle la France, va continuer de
supporter sans réagir la politique réactionnaire du Gouvernement
israélien à l’égard du peuple palestinien. (Applaudissements
sur les bancs du groupe GDR.) Le Gouvernement israélien
décide de construire 1 600 nouveaux logements dans la partie
arabe de Jérusalem, qu’Israël occupe depuis quarante ans sans
aucun droit. Que fait l’Europe ? Rien. »
« La malheureuse population de Gaza est enfermée dans une
vaste prison à ciel ouvert où des milliers de familles sont
livrées à la misère, au milieu des ruines laissées par la guerre
déclenchée par l’armée israélienne. Que fait l’Europe ? Rien. »
« La colonisation se poursuit inlassablement en
Cisjordanie. Que dit l’Europe ? Rien. Des milliers de
Palestiniens sont détenus dans les prisons et les camps
israéliens sans jugement et sans droit. Que dit l’Europe ? Rien.
Toujours rien. »
« Monsieur le ministre, les provocations récentes du
Premier ministre israélien, son intention délibérée de rendre
impossible quelque négociation que ce soit avec les dirigeants
palestiniens, ont atteint un niveau qu’on avait sans doute
jamais connu dans le passé. Tous dans cette assemblée, nous
souhaitons pour Israël un avenir de paix, de sécurité et de
prospérité, mais nous sommes nombreux à refuser de sacrifier le
peuple palestinien à l’intolérance et à l’aveuglement du
gouvernement israélien d’aujourd’hui. »
« Plus encore qu’au ministre des affaires étrangères, je
m’adresse au French Doctor qui s’est toujours intéressé aux
droits de l’homme dans le monde. (Exclamations.) Je vous
en supplie : entendez l’appel de la Palestine, qui depuis des
années, subit l’injustice de l’Histoire. (Applaudissements.) »
La réponse du ministre des affaires étrangères Bernard
Kouchner est désarmante.
« Monsieur de Charette, j’ai bien entendu votre éloquent
constat. Permettez-moi de le juger un peu excessif.
(Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne proposez
pas plus d’action que vous ne dénoncez l’inaction. Permettez-moi
de vous dire que si nous sommes d’accord, hélas, sur tous les
points que vous avez cités, qu’il s’agisse de la poursuite de la
colonisation ou la situation insupportable à Gaza, vous ne
pouvez pas dire que l’Europe ne fait rien. »
« Que peut-on faire alors que tous les jours, à toutes les
réunions, non seulement nous dénonçons mais nous proposons
également. Nous avons, à partir de la conférence de Paris, mis
au point avec Salam Fayad, Premier ministre palestinien, des
projets qui se poursuivent jour après jour. La situation a
changé en Cisjordanie, même si elle est encore extrêmement
difficile. La situation ne change pas à Gaza, et nous le
dénonçons. Le Président de la République a prononcé les mêmes
mots à la Knesset et à Ramallah : nous n’avons jamais accepté
l’annexion de Jérusalem Est, nous n’avons jamais accepté la
poursuite de la colonisation, nous avons fortement dénoncé la
construction de 1 200 appartements annoncée au moment de la
visite du Vice-Président américain Joe Biden. »
« Nous poursuivons ces efforts, et nous essayons d’être
présents sur place. Que pouvons-nous faire d’autre, dites-le
moi ? »
M. Roland Muzeau (député communiste). « Agissez sur les
accords de coopération ! »
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères.
« Avez-vous une idée sur ce que nous pourrions opposer pour être
efficace ? Nous n’en avons pas beaucoup, alors nous faisons, et
l’Europe avec nous, beaucoup de choses. Ne soyez pas injuste. »
A part des déclarations, non seulement le gouvernement
français ne fait rien, mais il développe les relations
bilatérales avec Israël sur tous les plans, indépendamment de ce
qui se passe dans les territoires occupés, sans même obtenir la
moindre reconnaissance de Tel-Aviv (lire « Tel-Aviv
piétine ses alliés », Le Monde diplomatique, avril
2010).
Alors, comme le suggère le député Roland Muzeau, le
gouvernement français pourrait demander la suspension de
l’accord d’association liant Israël à l’Union européenne. Les
violations permanentes des droits de la personne en Palestine
sont un motif suffisant, comme le prévoit l’article 2 de cet
accord (lire Isabelle Avran, « Atermoiements
de l’Union européenne face à Israël », La valise
diplomatique, jeudi 25 juin 2009).
Et comme M. Bernard Kouchner semble à court d’idées, en voici
trois qui démontreraient que la France refuse dans les faits la
colonisation, qui est une violation du droit international, et
qui mérite donc une riposte.
D’abord, et ce serait seulement se conformer au droit et aux
décisions de l’Union européenne, lancer une campagne pour tracer
l’origine des produits israéliens exportés en France et
interdire (pas seulement taxer) les produits des colonies.
Ensuite, affirmer que l’installation de colons dans les
territoires occupés n’est pas acceptable et que ceux-ci
devraient donc être soumis à une demande de visa s’ils désirent
se rendre en France, une mesure facile à mettre en œuvre à
partir des adresses des individus désirant visiter notre pays.
Enfin, proclamer que des citoyens français qui effectuent
leur service militaire en Israël ne sont pas autorisés à servir
dans les territoires occupés. Leur participation aux actions
d’une armée d’occupation pourrait entraîner des poursuites
judiciaires.
Ces trois mesures démontreraient au gouvernement israélien,
ainsi qu’à la population israélienne, que la colonisation a un
prix...
Les analyses d'Alain
Gresh
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