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La droite dure européenne au secours
d'Israël
Alain Gresh

Alain Gresh
Lundi 5 juillet 2010 De nombreuses forces politiques
européennes, de la droite populiste à la droite traditionnelle,
envisagent désormais le conflit israélo-palestinien comme l’une
des composantes de la guerre de civilisation contre l’islam.
Geert Wilders, le chef du parti populiste néerlandais qui est
devenu la troisième force du pays aux élections législatives de
juin, vient d’affirmer ses vues sur le conflit (« Geert
Wilders : Change Jordan’s name to Palestine », Y-Net,
20 juin) :
« Si Jérusalem tombe aux mains des musulmans, Athènes et
Rome suivront. Ainsi, Jérusalem est la principale ligne de
défense de l’Occident. Ce n’est pas un conflit sur le
territoire, mais une bataille idéologique entre la mentalité de
l’Occident libéré et l’idéologie de la barbarie islamique. »
Il a donc proposé comme solution de... rebaptiser la Jordanie
et de l’appeler « Palestine ». Cela, selon lui, suffirait à
régler le problème palestinien.
Rappelons que cette idée, « la Palestine c’est la Jordanie »,
fut longtemps défendue par la droite israélienne (notamment
après 1967). Le Parti travailliste, lui, prônait l’option
jordanienne, c’est-à-dire la négociation avec le régime
hachémite (plutôt qu’avec l’OLP) pour arriver à un compromis
territorial qui aurait permis de laisser le soin à la Jordanie
de gérer la majorité des habitants de Cisjordanie (et d’éviter
ainsi qu’Israël ne se retrouve avec « trop » de citoyens
palestiniens).
Dans un précédent envoi sur l’attitude de la droite
européenne, j’avais cité Laurent Chambon :
« Une des inventions bénéluxiennes les plus populaires est
une extrême droite post-coloniale et post-raciste (en tout cas
dans sa forme), qui base son rejet des migrants sur des critères
laïcs et “progressistes”. Le Vlaams Belang de Filip Dewinter en
est un bel avatar flamingant et islamophobe, et Pim Fortuyn et
sa LPF, Rita Verdonk et son Troots op Nederland (ToN, “Fier des
Pays-Bas”) comme Geert Wilders et son Partij voor de Vrijheid en
sont différentes versions néerlandaises. »
La droite dure suisse n’est pas en reste. Oscar Freysinger,
l’homme à l’origine de
la « votation » sur l’interdiction de la construction de
minarets en novembre 2009, explique : « Notre parti a
toujours défendu Israël parce que nous sommes bien conscients
que, si Israël disparaissait, nous perdrions notre avant-garde.
(…) Aussi longtemps que les musulmans sont concentrés sur
Israël, le combat n’est pas dur pour nous. Mais aussitôt
qu’Israël aura disparu, ils viendront s’emparer de l’Occident. »
(Cité par Olivier Moss, in Les Minarets de la discorde,
sous la direction de Patrick Haenni et Stéphane Lathion,
Religioscope-Infolio, 2009.)
L’ancien premier ministre espagnol José María Aznar va dans
le même sens dans un texte publié le 17 juin par The Times
de Londres et traduit sur le site Le¨Post.fr, le 19 juin,
sous le titre « José
María Aznar : “Israël / Occident : notre destin est
inextricablement lié” ».
« Israël est notre première ligne de défense dans une
région turbulente qui risque constamment de sombrer dans le
chaos, une région vitale pour notre sécurité énergétique en
raison de notre dépendance excessive au pétrole du Moyen-Orient,
une région qui forme la ligne de front dans la lutte contre
l’extrémisme. Si Israël tombe, nous tombons tous. »
Intervenant le 30 juin sur une radio israélienne, Aznar a
confirmé :
« Israël ne fait pas partie du Proche-Orient, il s’agit
d’un Etat occidental qui se trouve dans cette région. C’est une
démocratie tout à fait normale, qui a beaucoup souffert par le
passé et notre rôle consiste à le soutenir en tant que
démocratie. » Il a ajouté : « Lorsque nous luttons pour
Israël, nous luttons également pour notre propre bien. »
(Cité par le site L’Argument, « José
María Aznar réitère son soutien à Israël ».)
Ces prises de position de la droite dure ou des nouvelles
formations populistes européennes confirment un glissement que
souligne, pour s’en réjouir, un commentateur israélien écrivant
dans le quotidien Maariv (24 juin). Il s’appelle Nadav
Haetzni (partisan, par ailleurs, de retirer le passeport
israélien aux Palestiniens vivant en Israël) : « En Europe,
il existe des signes de changements vitaux qu’il faut qu’Israël
alimente. De nombreux Européens se rendent enfin compte des
conséquences d’une politique de la porte ouverte à l’immigration
issue de l’Afrique du Nord et des pays arabes. Le côté positif
de la venue d’une main-d’œuvre bon marché est désormais
contrebalancé par ce qu’apportent avec eux nombre de ces
immigrants : l’extrémisme et une volonté d’imposer l’islam à la
vieille Europe. A Amsterdam, Paris et Madrid, on se réveille
finalement et on est terrifié par la direction qui est imposée à
l’Occident. Cette prise de conscience permet de mieux comprendre
ce que nous avons eu à affronter depuis la naissance du sionisme
politique. Il est donc temps (...) de commencer à écouter
ces nouvelles voix venues d’Europe. »
Cela fait de nombreuses années que des journalistes ou des
intellectuels dénoncent l’invasion musulmane de l’Europe, de
Bat Ye’or, qui fut une pionnière, à
Alain Besançon. Dans le monde anglo-saxon, les livres sur ce
thème sont pléthore. Ce discours est désormais relayé par
certains partis de la droite populiste ou extrême ; abandonnant
l’antisémitisme pour l’islamophobie (un tournant que d’autres
formations comme le Front national n’ont pas encore assumé, le
vieil antisémitisme y restant puissant), ils proclament
qu’Israël serait le bastion avancé de la civilisation dans sa
lutte contre la barbarie...
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