Carnets du diplo
Sarkozy, Fillon, Kouchner,
le Liban et la Palestine
Alain Gresh
5 juillet 2007
Le changement de gouvernement en France se traduit par un
certain activisme français au Proche-Orient, dont on a du mal
cependant à percevoir comment il va se traduire dans la réalité.
Le soutien à Mahmoud Abbas a été réaffirmé à plusieurs
reprises et Sarkozy semble croire que le gouvernement israélien
fera des « concessions » au président de l’Autorité.
« La
France demande à Israël de nouvelles initiatives de paix »
titre Le Figaro du 5 juillet. Le quotidien écrit :
« La France veut croire qu’une nouvelle chance de
dialogue a surgi entre Israéliens et Palestiniens. Bernard
Kouchner, qui recevait hier Tzipi Livni, le ministre des Affaires
étrangères israélien, a estimé "qu’il existait une
opportunité historique à saisir pour que la paix se fasse".
Tout en réaffirmant "sa proximité, son soutien et son amitié
à Israël", il a demandé aux autorités israéliennes de
faire "de nouveaux gestes". "C’est souvent,
toujours, Israël qui fait le premier geste, mais il faut
continuer", a assuré le ministre français. »
L’idée que le gouvernement israélien est prêt à faire des
concessions pour obtenir la paix ne repose pourtant sur rien de
concret, comme l’a prouvé le
sommet de Charm El-Cheikh entre Abbas et Olmert qui n’a donné
aucun résultat sérieux. La réflexion politique du gouvernement reste
marquée par la pensée unique.
Dans son discours
devant l’Assemblée nationale, le 3 juillet, François
Fillon s’en est tenu à des généralités :
« La France est grande lorsqu’elle montre
l’exemple car les actes parlent toujours plus que le verbe. Elle
continuera donc d’agir pour la paix, dans le cadre défini par
les Nations Unies, au Liban, en Afghanistan et en Côte
d’Ivoire. La France ne se dérobera pas aux devoirs de l’amitié
et de la solidarité pour l’Afrique. La France ne se résignera
pas à voir le Liban glisser dans la guerre civile. »
« La France ne se résignera pas à assister
impuissante à l’assassinat de tous les dirigeants libanais qui
osent défendre l’indépendance de leur pays. »
« La France ne se résigne pas à voir la bande de
Gaza en état de siège permanent et la Palestine condamnée à
une partition de fait avant même d’avoir pu exercer réellement
sa souveraineté sur son territoire. »
« La France va prendre des initiatives pour aider les
communautés libanaises à se parler à nouveau. Elle va prendre
des initiatives pour ranimer la petite flamme de l’espoir
d’une Palestine libre et démocratique coexistant pacifiquement
avec un Etat d’Israël reconnu et respecté par tous ses
voisins. »
Du 14 au 16 juillet se tiendra à La Celle Saint-Cloud une conférence
des différentes forces libanaises, de la majorité comme de
l’opposition. C’est l’ambassadeur Jean-Claude Cousseran qui,
au cours de deux voyages au Liban, a mis sur pied ce dialogue. Le
départ de Jacques Chirac a éliminé le facteur « personnel »
de l’équation libanaise, l’ancien président confondant ses
relations avec la famille Hariri avec les intérêts français.
Mais on a, là aussi, du mal à percevoir quel va être le rôle
de cette conférence. Les Etats-Unis ont exprimé leurs réticences
devant la participation de représentants du Hezbollah ; l’Arabie
saoudite est mécontente d’avoir été tenue à l’écart. Et
la France pourra-t-elle se départir de son rôle de soutien
inconditionnel au gouvernement Siniora ? De plus, selon
certaines sources, le président Sarkozy lui-même ne se serait
pas vraiment intéressé au projet défendu par Bernard Kouchner.
Dans le quotidien libanais L’Orient Le-Jour du 4 juillet,
un article de Bernard Kouchner sur le Liban, « L’urgence
du dialogue ».
Les Libanais et leurs amis sont inquiets : le pays du Cèdre
se trouve de nouveau au bord du gouffre. Voilà le Liban, déjà
durement touché par la guerre l’été dernier, frappé
aujourd’hui par des attentats, un jour contre un député, un
autre contre la Finul, cible d’actions de déstabilisation menées
par des extrémistes comme le Fateh el-Islam, et réduit une fois
de plus à être le jouet de forces et d’ambitions extérieures.
Le voyage que j’ai effectué à Beyrouth pour exprimer la
solidarité de la France et du président de la République à
tous les Libanais m’a permis de mesurer la gravité de la crise
et l’ampleur des antagonismes.
Dans ce pays où, même durant les années de guerre, les
canaux de communication entre les diverses factions, les diverses
communautés, ont continué de fonctionner, les fils du dialogue
sont aujourd’hui rompus. Deux blocs sont en présence et ne se
parlent plus, sur des enjeux pourtant fondamentaux et urgents.
« Le Liban doit retrouver un Etat et des institutions.
Le Parlement ne siège plus, le président est contesté et la
communauté la plus nombreuse n’est pas représentée au sein du
gouvernement. Il faut renouer avec un cercle vertueux. D’ici à
moins de cent jours, les Libanais devront s’être dotés d’un
nouveau président de la République. Le choix du chef de l’Etat
par le Parlement constitue une échéance majeure et une occasion
non de se déchirer, mais de rebondir. »
« De toutes parts, nous entendons les Libanais émettre
le souhait de voir élu à Baabda un président synonyme
d’autorité politique et morale, en mesure de représenter et de
rassembler tout les Libanais sans exclusive ».
« Aussi centrale soit-elle, l’échéance présidentielle
ne constitue pas le seul élément sur lequel nos amis libanais
devront s’entendre, sous peine de voir leur pays s’enfoncer un
peu plus encore dans la crise. L’élargissement du gouvernement
aux partis et aux composantes du pays qui en sont aujourd’hui
absents, l’élaboration d’une nouvelle loi électorale, l’élection
d’une nouvelle Assemblée... toutes ces perspectives sont évoquées
par les uns ou les autres : autant de points d’achoppement
que devront surmonter sans tarder les éléments d’un compromis
global. Chaque partie, tout en faisant les concessions nécessaires
à l’autre, devra pouvoir y sauver ce qui pour elle constitue
l’essentiel. »
« Une chose doit être claire : c’est aux
Libanais, et à eux seuls, de reprendre le dialogue et de le
conduire à son terme. Trop longtemps, leur pays a souffert des
« guerres des autres », pour qu’une quelconque
partie extéeieure se substitue aujourd’hui à eux dans l’élaboration
de l’indispensable compromis.
En revanche, ce que peut – ce que doit – faire un pays
comme la France, c’est aider les Libanais à renouer les fils de
ce dialogue. C’est pourquoi nous avons pris l’initiative
d’inviter des représentants de l’ensemble des forces
politiques associées au dialogue national initié en 2006 à se réunir
d’ici deux semaines à La Celle-Saint-Cloud, en compagnie de
quelques personnalités de la société civile. Face aux attentes
que peut soulever une initiative de ce type, précisons qu’il ne
s’agit ni de convoquer une conférence régionale ou
internationale, comme le Liban en a tant connu, ni de se
substituer au dialogue national. »
« Ce que la France propose, et c’est déjà
ambitieux, c’est de réunir à une même table des acteurs
politiques qui ne se parlent plus, sans agenda contraignant, mais
de manière à ce que soient évoquées librement, sans
faux-semblants, les questions centrales et concrètes liées au
renforcement de leur Etat et de leurs institutions. En proposant
ainsi d’accueillir ce qui doit constituer une première étape,
la France se veut l’amie du Liban et de toutes les communautés
libanaises. Solidaires de l’Etat libanais, de son gouvernement
et de ses autorités légitimes, nous sommes appréciés en même
temps, j’ai pu le constater depuis 30 ans, par l’ensemble des
parties de ce pays comme un acteur de bonne foi, tenant à tous le
même langage de clarté et de vérité. Tous connaissent et
reconnaissent notre attachement au symbole que représente le
Liban et aux cadres de ses institutions, notamment au document
d’entente nationale de Taëf. »
« Si à terme un vainqueur doit émerger du marasme
actuel, c’est le pays du Cèdre, pluriel mais uni. Et en même
temps, c’est l’ensemble de la région, déjà traversée par
tant de tensions, qui doit se sentir concernée. La reprise du
dialogue entre les Libanais, le renforcement de leur Etat et de
leurs institutions n’ont pas vocation à se faire au détriment
des "autres". Au contraire : le Proche-Orient
d’aujourd’hui et la résolution de ses conflits ont tout à
gagner au renforcement des Etats. Au regard de ce qu’incarne le
« Liban message », modèle de pluralisme et de
coexistence des communautés et des religions, cet impératif de
dialogue nous intéresse tous. »
Dans
un communiqué du 5 juillet, le CRIF « prend acte de
la participation de représentants du Hezbollah à la réunion
interlibanaise ».
« Il s’élève vivement contre le fait que cette présence
donne une quelconque légitimité à un mouvement qui s’est
caractérisé par des attentats meurtriers, dont des soldats français
ont été également les victimes par le passé, et par des émissions
violemment antisémites, transmises par sa chaîne de télévision
Al Manar. »
Pour ceux qui ne se contentent pas de déclarations et
souhaiteraient une politique volontariste de la France au
Proche-Orient, je renvoie au texte
du groupe Avicenne publié sur ce blog.
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