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Carnets du diplo
Hassan Nasrallah, le
Hezbollah et Al-Qaida
Alain Gresh
5 juin 2007
Nous le savons, l’ignorance concernant l’islam est immense,
notamment chez les responsables politiques. Silvestre
Reyes, un membre démocrate de la chambre des représentants américaine
du Texas, et élu président démocrate du comité sur le
renseignement de la chambre des représentants américaines, comité
en charge de suivre « la guerre contre le terrorisme »,
ne sait pas si Al-Qaida est sunnite ou chiite. Nicolas Sarkozy,
alors qu’il était aussi responsable de la lutte contre le
terrorisme était
incapable de répondre à la question de savoir si Al-Qaida était
sunnite ou chiite. Les combats récents au Liban entre Fatah
Al-Islam, qui se réclame d’Al-Qaida et l’armée posent la
question des relations entre les différentes organisations
islamistes. Lors
de ma visite au Liban en avril, j’avais interviewé Hassan
Nasrallah sur les relations entre le Hezbollah et Al-Qaida et je
donne ci-dessous la transcription de ses réponses.
Q. : Quelle est votre opinion au sujet d’Al-Qaïda ?
R. « Il y a tout d’abord une différence idéologique
et politique fondamentale entre nous et Al-Qaida. Et une
divergence politique importante sur un grand nombre de considérations.
Ça c’est le premier point. Nous sommes différents dans notre
ligne de conduite et dans notre démarche. Et cela est notoire. Je
prends un exemple… L’organisation d’Al Qaida considère que
la participation à des élections parlementaires dans un système
non islamique, représente un apostat et une trahison l’islam.
Nos ne pensons pas la même chose. Le Hezbollah participe aux élections
législatives au Liban tout comme d’autres mouvements islamiques
sunnites au Liban. Al-Qaida considère que les élections en
Palestine sont contraire à l’islam, mais le mouvement Hamas
participe aux élections législatives. De même en Irak. Al-Qaida
considère que la participation aux élections est Haram
(interdit) et est contraire à l’Islam. Mais le taux de
participation des chiites et des sunnites lors de ses élections a
été très important. Beaucoup de mouvements islamiques sunnites
et chiites ont participé aux élections. Et nous, nous ne considérons
pas que leur participation à ces élections est contraire à
l’islam. Ce sont donc là des différences fondamentales. »
« Notre conduite dans un pays, ou notre relation avec
un gouvernement, ou avec tout système politique, n’est pas
(obligatoirement) de nature islamique à 100%. Al-Qaida considère
de façon péremptoire que le reste des musulmans ont des
agissements contraires à l’islam et qu’ils se sont exclus de
l’islam et qu’ils méritent purement et simplement d’être
égorgés, pour n’importe quel prétexte politique. Nous, nous
nous opposons à cette méthode, d’un point de vue idéologique,
d’un point de vue théologique, d’un point de vue juridique,
et c’est contraire à nos principes. Et nous respectons les
efforts entrepris par des mouvements islamiques dans n’importe
quel pays arabe et musulman. Si un mouvement islamique décide de
participer à des élections législatives dans un pays arabe ou
musulman comme les Frères musulmans en Jordanie, ou comme les Frères
musulmans en Egypte, cela les concerne. Et nous, nous respectons
leur choix. Par ailleurs, nous ne sommes pas là à donner le ton
ou la mesure, où pour juger les gens. Nous ne gardons pas les
portes du paradis et de l’enfer et nous ne disons pas "qui
doit aller au paradis et qui doit aller en enfer". Nous
n’agissons pas de la sorte. C’est un exemple parmi d’autres
exemples d’importance. »
« Par conséquent, nous divergeons sur la manière. Si
je prends l’exemple de l’Afghanistan. L’organisation d’Al
Qaida a pris part aux combats entre les différents mouvements
afghans. Cela n’est pas bien, alors qu’ils étaient venu pour
les aider à se libérer de l’occupation soviétique. Ils
n’auraient pas dû prendre part au conflit entre les Afghans. En
Irak, Al-Qaida ne concentre pas ses efforts pour combattre les
forces d’occupation américaines. Au contraire, elle combat aux
cotés des occupants. Elle combat un grand nombre de gens qui
n’ont pas les mêmes opinions politiques qu’elle. »
« Il y a aussi une différence théologique et idéologique.
Nous nous faisons un travail en faveur des chiites, des sunnites,
et des citoyens de manière générale, et le résultat des
bienfaits de nos actions est là. Nous, nous rejetons les actes
(de terrorisme) qui ont cours, nous les considérons comme des
crimes, et ceux qui commettent ces actes sont des criminels et non
pas des martyrs. Ça c’est un autre exemple. Donc, il y a des
différences fondamentales pour ce qui de nos actions, et puis il
y a aussi une différence sur les conduites djihadistes. »
« Je voulais vous donner ces exemples. Bien entendu il
n y a jamais eu de relation (ou contact) entre Hezbollah et
Al-Qaida. Nous étions déjà opposé à eux du temps où ils étaient
avec les Américains du temps de l’Afghanistan et du Pakistan.
Je considère que je n’ai pas à collaborer avec la CIA pour
aider à libérer l’Afghanistan. J’estime qu’il n’y a pas
de différence entre la CIA et le KGB, tout cela c’est la même
chose. Et lorsqu’ils ont rompu avec les Américains, ils se sont
engouffrés dans des conflits et des actes (de terrorisme) en
Afghanistan au lieu de chercher à concilier, à donner de
l’espoir et à dialoguer. Par conséquent, nous sommes très
différents. Je redis qu’il n y a jamais eu de contact entre nos
deux organisations ni de collaboration. A l’époque du
11-Septembre, Israël à tenté de faire croire que le Hezbollah
avait des liens avec Al-Qaida, mais il n y avait aucun élément
pour l’attester et il n’y en a pas aujourd’hui. D’autre
part, nous ne sommes pas dans une situation de conflit ou de
guerre avec Al-Qaida. En règle générale, nous ne voulons pas être
en guerre avec qui que ce soit. Nous nous combattons uniquement
ceux qui occupent notre terre, et aujourd’hui ce sont les Israéliens.
Donc, oui nous sommes opposé (à Al-Qaida) et sur beaucoup de
questions. »
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