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Les blogs du Diplo
Quand Israël
commerce avec l'Iran
Alain Gresh

Alain Gresh
Samedi 4 septembre 2010 Les déclarations incendiaires du
président Ahmadinejad contre Israël, les proclamations des
dirigeants israéliens selon lesquelles l’Iran représente une
menace imminente et existentielle, pourraient faire oublier que
les relations entre les deux pays ont été parfois ambiguës au
cours de l’histoire récente, même après la révolution islamique
de 1979. On sait que, durant la dictature du Chah, l’Iran et
Israël ont entretenu des relations stratégiques fondées sur la
lutte contre le monde arabe ; une alliance qui incluait aussi
l’Ethiopie du Negus et la Turquie, soit les trois pays non
arabes de la région. La révolution de 1979 aboutit à la rupture
des relations diplomatiques entre les deux pays, mais les
contacts n’ont pas disparu pour autant.
L’épisode le plus célèbre est celui de l’Irangate (qui éclate
en 1986) et la vente à l’Iran de matériel militaire, transaction
qui impliquait l’administration Reagan, le gouvernement
israélien et divers trafiquants d’armes (lire Alastair Crooke,
« Quand
Israël et l’Iran s’alliaient discrètement », Le Monde
diplomatique, février 2009.) A l’époque, durant la guerre
Irak-Iran, Israël considérait que la menace représentée par
Saddam Hussein était la plus grave, et que l’on devait donc
aider les Iraniens à tout prix.... Cette politique fut, un court
moment, soutenue par l’administration Reagan ; mais celle-ci ne
tarda pas à tourner casaque et à aider massivement le
gouvernement de Bagdad, fermant les yeux sur l’utilisation par
ce dernier d’armes chimiques, notamment contre les Kurdes à
Halabja. A l’époque, « notre ami Saddam » avait bonne presse, à
Paris comme à Washington.
A lire les déclarations bellicistes actuelles des dirigeants
israéliens, on pourrait penser que tout cela est de l’histoire
ancienne. Il n’en est rien. Sur le site Lobelog.com, Eli Clifton
révèle qu’Israël maintient des relations commerciales avec son
ennemi existentiel (« Israel
Still Trades With Its “Existential Threat” », 30 août 2010).
Il signale un article du quotidien Maariv, dont on
trouvera
la traduction en anglais. L’affaire est simple : des marbres
sont extraits de carrières iraniennes, envoyés en Turquie pour y
être traités et exportés ensuite vers Israël. Ce commerce va à
l’encontre de la loi israélienne qui interdit les relations avec
les pays ennemis, soit la Syrie, le Liban et l’Iran. L’an
dernier, des informations avaient révélé que des tonnes de
pistaches, dont les Israéliens sont de grands consommateurs,
venaient aussi d’Iran, toujours par la Turquie.
Le plus étrange est la justification donnée au journaliste de
Maariv par Danny Catarivas, chef de la division du
commerce international à l’Association des industries
israéliennes : « Les Américains peuvent faire des choses que
d’autres ne peuvent pas faire. » Et il explique qu’un petit
pays dépendant de son commerce international comme Israël doit
séparer l’économique du politique et ne pas entrer dans une
logique de boycott économique. « De la même manière que nous
sommes indignés par les tentatives de nous boycotter, nous
sommes les derniers qui appuieront n’importe quel boycott. »
Un autre aspect savoureux, si l’on peut dire, de cette
affaire est que non seulement ces importations israéliennes de
marbre ont nettement augmenté ces dernières années, mais aussi
que les carrières sont la propriété du gouvernement iranien,
celui-là même qui est dénoncé comme voulant détruire Israël.
Autre information concernant l’Iran : à l’occasion de la
publication de ses Mémoires, l’ancien premier ministre Tony
Blair, l’un des principaux responsables de
la guerre criminelle menée contre l’Irak, s’est prononcé en
faveur d’une action militaire contre l’Iran : « Il n’est pas
acceptable que l’Iran dispose de capacités nucléaires
militaires. Je crois que nous devons nous préparer à les
affronter, militairement si nécessaire. » (Notons qu’il
parle de « capacités » et non de possession de la bombe.) (Tim
Shipman, « How
Blair was seconds from ordering RAF to shoot down passenger
plane over London after 9/11 », The Daily Mail,
2 septembre).
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