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Un nouveau programme
pour le Hezbollah
Alain Gresh
Alain Gresh
Jeudi 3 décembre 2009 Le 1er décembre,
Hassan Nasrallah a rendu publique la nouvelle plate-forme de
son parti, une plate-forme qui remplace celle adoptée en 1985.
Ce texte a été entériné par le Hezbollah en novembre au cours
d’une série de réunions tenues en secret pour des raisons de
sécurité.
On en trouvera les principaux extraits en français sur le
site de la télévision Al-Manar, « Sayed
Nasrallah : Nous sommes opposés à tout compromis avec l’ennemi
sioniste » (30 novembre 2009). Voici le passage consacré à
la résistance, passage le plus « sensible » au Liban puisqu’il
concerne l’armement du Hezbollah et son rapport avec l’Etat :
« Le retrait des forces d’occupations israéliennes en l’an
2000 et la victoire historique dans la guerre de juillet 2006
ont offert un modèle de défense et de résistance de la patrie.
L’expérience s’est transformée en une école au profit des
peuples et des nations opprimées. La résistance nationale a
réussi, avec le soutien du peuple et de l’armée nationale, à
infliger une défaite historique à “Israël”. Les trois réunis ont
offert une base pour une nouvelle phase dans la région.
Désormais, ils jouent un rôle pivot dans la dissuasion de
l’ennemi en assurant la protection de l’indépendance nationale,
la souveraineté et la défense de son peuple.
Or, en raison de l’absence d’un Etat fort, en raison du
déséquilibre des forces entre l’Etat et l’ennemi, en raison de
la menace permanente des forces israéliennes, le Liban doit
consacrer une formule mixte basée sur un mariage entre une
résistance populaire, qui participe dans la défense du pays
contre toute invasion israélienne, et l’armée nationale, qui se
doit de protéger la patrie et de lui garantir sa sécurité et sa
stabilité.
Cette formule doit être développée au sein d’une stratégie de
défense nationale qui servira de parapluie de sécurité pour le
Liban, après l’échec des autres propositions internationales ou
arabes. »
L’annonce de ce programme a suscité de nombreux commentaires
dans la presse libanaise.
Dans un article du quotidien francophone L’Orient-Le Jour
(2 décembre), intitulé « La
majorité s’insurge contre la proposition de Nasrallah d’unir la
résistance et l’armée », on peut lire :
« Réagissant au document politique rendu public par le
Hezbollah hier, le ministre d’Etat Adnane Hussein (un
ministre désigné par le président de la République) a
affirmé hier que “la République ou Etat islamique n’est pas à
l’ordre du jour du Hezbollah, même si certaines personnes
pensent que ce parti continue de prôner cela”. “Il y a une
tendance claire à la libanisation” au sein du Hezb, a également
souligné M. Hussein. “La table de dialogue tente d’harmoniser
les différents points de vue toujours dans le cadre de la
souveraineté nationale et en prenant soin de ne pas faire du
Liban un passage ouvert à Israël”, a-t-il ajouté avant de
relever que “le secrétaire général du Hezbollah a présenté une
matière propice à la discussion, une discussion rationnelle,
objective et respectueuse, autour de la table de dialogue”. Il
faut garder à l’esprit que le sujet “n’est pas simple et a
besoin de temps pour être traité correctement”. “Les propos de
Hassan Nasrallah signifient que la résistance est liée à l’image
de l’Etat et lorsque l’Etat sera fort et capable, il sera alors
temps de reconsidérer le rôle de la résistance”, a-t-il aussi
déclaré. » (...)
« Le secrétaire général du 14 Mars (la coalition
dirigée par Saad Hariri), Farès Souhaid, a quant à lui accusé
le Hezbollah d’être atteint de “mégalomanie politique” et
souligné que le document politique du parti “complète la charte
de 1985 mais en adoptant un style plus intelligent”. Pour lui en
effet, “l’union entre l’armée et la résistance n’est rien de
moins qu’une impossible équation”. “Le Hezbollah tente de se
poser en remplaçant de l’Union soviétique et en porte-étendard
des déshérités de ce monde face à la mondialisation rampante”,
a-t-il d’autre part relevé, avant de noter que “pas une seule
fois Hassan Nasrallah n’a insisté sur le caractère définitif de
l’entité libanaise, même s’il a indiqué que le Liban est le sol
des ancêtres et des petits-fils”. Même son de cloche du côté du
député Ammar Houry, pour qui “l’union proposée entre l’armée et
la résistance est prématurée car elle ne prend pas en
considération les décisions à venir de la table de dialogue”. »
Reprenant une dépêche de l’AFP et sous le tire « Le
Hezbollah adoucit le ton dans son nouveau manifeste selon des
analystes », le site Iloubnan.info note :
« Présenté lundi par le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah,
“le manifeste est rassurant, il montre l’intégration du
Hezbollah dans la vie politique libanaise”, affirme à l’AFP Paul
Salem, directeur du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient. “Dans
le premier manifeste, il se posait ouvertement comme partisan
d’une République islamique, mais dans ce document il fait
l’équilibre entre les liens du parti avec le Liban et ceux avec
l’Iran”, dit-il.
Il s’agit du second manifeste du parti chiite depuis sa
fondation en 1985. Le premier prônait la création d’un Etat
islamique au Liban mais, au fil des ans et à mesure que le parti
s’imposait comme une force politique incontournable, ses
dirigeants ont modéré leur rhétorique. Cheikh Nasrallah a certes
souligné que le parti restait attaché idéologiquement au régime
islamique iranien, mais il a aussi assuré que cela ne
contredisait pas son rôle dans l’arène politique. »
Parallèlement, le conseil des ministres a approuvé le
1er décembre une déclaration politique qui confirme la place de
la résistance armée, c’est-à-dire du Hezbollah, de participer à
la libération du pays et à sa défense, en coordination avec
l’armée (« Ministers
approve policy statement », The Daily Star,
3 décembre). Cinq ministres chrétiens appartenant au 14-Mars ont
exprimé des réserves.
Dans le quotidien Al-Akhbar du 2 décembre, Fida’ ’Itani
écrit que le document représente un tournant radical à gauche et
a adopté une vision de la situation qui n’est pas très éloignée
de l’analyse matérialiste marxiste. Il évoque la nation arabe et
musulmane et plus seulement, comme auparavant, l’oumma
musulmane.
« Avec chaque nouvelle génération et après chaque crise,
le Hezbollah a été capable de s’adapter et de se développer »,
poursuit ’Itani. Sans doute le journaliste fait-il allusion à
la défaite de l’opposition aux élections de juin 2009.
Par ailleurs, il écrit :
« Le parti est désormais capable et peut-être même
recherche à agir avec d’autres forces révolutionnaires qui
utilisent un langage similaire à celui qu’il utilise dans son
document. A lire certains paragraphes, et notamment ceux sous le
titre Le monde, l’Occident et l’hégémonie américaine, on
peut se demander s’il a été écrit par des gens de gauche ou par
des djihadistes du Hezbollah. »
Et le journaliste cite ce paragraphe de la déclaration (la
traduction en français est reprise du site d’Al-Manar) :
« Les facteurs de contrôle du capitalisme sauvage, qui se
composent d’un président et de réseaux internationaux soutenus
par des sociétés transnationales, des institutions
internationales, notamment financières appuyées par la force
militaire supérieure, ont provoqué des conflits : conflits
d’identités, de cultures et de modes de civilisations,
contradictions entre riches et la pauvres etc. Le capitalisme
sauvage a transformé la mondialisation en un mécanisme de
domination, de désunion, de discorde et de destruction des
identités voire de l’aliénation culturelle, économique et
sociale. »
Le concept d’aliénation, remarque le journaliste, ne trouve
pas sa source dans la pensée religieuse, mais dans... le
marxisme.
En revanche, le tournant à gauche du parti ne s’est pas
reflété sur le programme intérieur, le Hezbollah fonctionnant
comme « un parti centriste, pour ne pas dire de droite sous
le camouflage d’un discours centriste ».
D’autre part, Walid Joumblatt, leader du Parti socialiste
progressiste (druze) a réagi (« Joumblatt
soutient la charte politique du Hezbollah ») :
« “Nous partageons avec le Hezbollah plusieurs titres de
sa charte, notamment ceux qui concernent le danger essentiel et
stratégique pour le Liban et le monde arabe, à savoir
l’existence d’“Israël” depuis 1948, ainsi que l’importance du
rôle et de la voie de la résistance de 1968 à 2006, le dialogue
entre l’Iran et les pays arabes au lieu des conflits entre eux,
la position vis-à-vis des Etats-Unis, s’agissant surtout de la
politique américaine basée sur la protection de la sécurité et
des intérêts d’“Israël”, sans prendre en considération les
aspirations du peuple arabe”, a-t-il déclaré au quotidien
libanais Assafir. »
Rappelons que, en principe, Joumblatt fait partie de la
majorité dite du 14 mars, mais qu’il a pris ses distances avec
elle.
D’autre part, et dans un tout autre domaine, mais qui
pourrait avoir à terme des conséquences sur la situation au
Liban, le procureur du Tribunal spécial pour le Liban, Daniel
Bellemare, est arrivé le 2 décembre à Beyrouth. Il est chargé de
l’enquête sur l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri. Il
a déclaré à L’Orient-Le Jour du 3 décembre : « L’enquête
progresse et se poursuit à un rythme soutenu ».
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