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Raid américain contre la
Syrie
Alain Gresh
Lundi 4 novembre 2008 Dans
l’après-midi du dimanche 26 octobre, les hélicoptères des forces
armées américaines ont lancé une attaque à l’intérieur de la
Syrie. Selon la télévision syrienne, quatre hélicoptères ont
violé l’espace aérien dans la region d’Al-Boukamal, à la
frontiere irakienne. Ils ont visé une maison en construction —
située à 8 kilomètres à l’intérieur du territoire syrien — et
provoqué, selon les autorités, la mort de huit citoyens, dont le
gardien, sa femme et leurs trois enfants. Les hélicoptères sont
ensuite retournés en Irak. Dans cette zone désertique se trouve
un point de passage frontalier officiel entre l’Irak et la Syrie
ouvert il y a un an.
Une source officielle syrienne a déclaré que « la Syrie
dénonçait et condamnait cet acte d’agression, tenait les forces
américaines pour responsables de cette agression et de ses
repercussions et appelait le gouvernent irakien à assumer ses
responsabilités et à commencer immediatement une enquête sur
cette dangereuse violation et empêcher l’usage du territoire
irakien pour des agressions contre la Syrie ».
« Le vice-ministre syrien des affaires étrangères a
convoqué le chargé d’affaires américain et lui a transmis les
protestations de la Syrie au sujet de cette dangereuse
agression, et affirmé qu’il tenait l’administration américaine
comme pleinement responsable. Le chargé d’affaires irakien a
aussi été convoqué dans le même but. »
Mardi 28, la Syrie a déposé une plainte auprès du Conseil de
sécurité des Nations unies et l’a appelé à prendre ses
responsabilités. Le gouvernement a aussi annoncé la fermeture du
centre culturel américain à Damas ainsi que d’une école. Des
manifestations de protestation contre le raid ont eu lieu le
jeudi 30 octobre dans la capitale syrienne.
La position irakienne a été hésitante. Dans un premier temps,
certains responsables ont paru approuver le raid, mais, selon un
article du journal libanais The Daily Star (30 octobre) [1],
le porte-parole du gouvernement de Bagdad a affirmé que son pays
ne permettrait pas l’utilisation de son territoire pour lancer
des attaques contre des pays frontaliers, une telle utilisation
étant contraire à la constitution. D’autre part, le parlement
irakien a aussi deploré l’opération, au moment même où les
relations entre la Syrie et l’Irak se renforcent, avec
l’installation pour la première fois depuis 26 ans d’un
ambassadeur irakien à Damas. Ces positions s’inscrivent dans
un débat très vif en Irak sur la ratification de l’accord
américano-irakien qui devrait fixer le statut des forces
américaines après le 31 décembre 2008.
Selon le quotidien The Daily Star du 3 novembre, les
ministres des affaires étrangères des deux pays se seraient
parlé au téléphone et chercheraient à réduire les tensions [2].
Un point de vue israélien : « Un avertissement avait été
lancé par les Etats-Unis. A une conférence de presse la semaine
dernière, un commandant américain important dans la région
occidentale de l’Irak avait prévenu que la situation empirait à
la frontière syrienne, au moment même où la Jordanie et l’Arabie
saoudite répondaient aux demandes américaines et fermaient leurs
frontières. Le modus operandi rappelle la stratégie israélienne
des “assassinats ciblés” : une combinaison effective de
renseignement et d’opération, avec l’usage de frappes aériennes
accompagnées de commandos qui doivent confirmer le succès de
l’opération. » [3]
(...)
Le journaliste rappelle ensuite différentes actions menées
contre la Syrie.
« Israël a précédé les Etats-Unis avec l’attaque contre un
site nucléaire en septembre 2007, sans parler de différents
incidents mystérieux sur le sol syrien, de l’assassinat
d’Imad Moughniye en février dernier à celui du général
Mohammed Souleyman il y a environ deux mois. (...)
Le dénominateur commun de toutes ces opérations est que
personne ne prend désormais au sérieux la Syrie, puisque l’on
viole régulièrement sa souveraineté. Il est probable que la
situation intérieure n’ait jamais été aussi instable.
Cette instabilité accroît la situation déjà tendue entre
Israël et le Liban. Le chef du renseignement militaire de
l’armée, Amos Yadin, a déclaré dimanche que le trafic d’armes
clandestin de la Syrie au Hezbollah continue. Le ministre de la
défense, Ehoud Barak, a averti qu’Israël est prêt à attaquer les
convois d’armes, notamment à cause des efforts du Hezbollah pour
s’équiper en missiles anti-aériens. »
Sur son site « Syria
Comment », Joshua Landis livre une analyse à chaud le 26
octobre :
« L’administration Bush semble mener des actions
d’escalade durant ses derniers jours au pouvoir. Le raid contre
la Syrie (...) semble s’inscrire dans un nouveau schéma
d’attaques contre des pays qui ne sont pas officiellement en
guerre, comme dans le cas du nord-ouest du Pakistan.
A la fin de l’année 2007, le général David Petreus qui
commandait les troupes de la coalition en Irak, avait salué la
coopération de la Syrie pour diminuer la violence en Irak : “la
Syrie a pris des mesures pour diminuer le flux de combattants
étrangers à travers sa frontière” (Voice of America, 6 décembre
2007). »
Dans un
envoi du 2 novembre, Joshua Landis revient sur les
informations qui circulent, relayées notamment par Israël, selon
lesquelles ce raid aurait été... coordonné par Washington et
Damas. Il ne trouve pas cette information crédible et explique
pourquoi.
Il est donc bien difficile d’expliquer les raisons de ce raid
américain, mais cette action totalement contraire au droit
international, doit nous rappeler que, quel que soit le candidat
élu le 4 novembre, l’administration Bush reste au pouvoir
jusqu’au 20 janvier...
Sur un tout autre front, celui des droits de la personne, le
quotidien syrien
Al-Watan
annonce le 3 novembre que, selon un avocat de l’opposition, les
opposants
Michel Kilo et Mahmoud Issa devraient être libérés dans les
quarante-huit heures. Nous avons évoqué ici, à plusieurs
reprises le cas de Michel Kilo, y compris dans
l’entretien avec le président Bachar Al-Assad. Cette bonne
nouvelle, si elle était confirmée, arriverait en même temps que
la condamnation à plus de 2 ans de prison d’une dizaine
d’intellectuels et de membres de l’opposition (le 29 octobre —
lire la déclaration de Human Rights Watch, « Syria :
Harsh Sentences for Democratic Opposition », 30 octobre)
Notes
[1]
« Questions
swirl over American stonewalling about Syria raid »
[2]
« Damascus,
Baghdad in talks to ease tensions over deadly American raid »
[3]
« U.S.
takes page from Israel’s book in Syria strike »,
par Amos Harel, Haaretz,
27 octobre.
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