Carnets du diplo
Nicolas Sarkozy critiqué
par le New York Times
Alain Gresh
2 septembre 2007
Deux réactions au discours
de Nicolas Sarkozy sur la politique étrangère de la France.
La première, un éditorial très critique du New York Times
du 30 août « No
time for threats » (l’heure n’est pas aux menaces),
(repris par International Herald Tribune du 31 août sous
le titre « This is no time for threats against Iran »).
Le quotidien américain n’y va pas par quatre chemins :
« Le président Nicolas Sarkozy a fait, dans son
premier grand discours de politique étrangère, le mauvais geste
au mauvais moment en brandissant l’usage possible de la force
contre le programme d’armement nucléaire iranien. Les
Etats-Unis et leurs alliés doivent intensifier leurs efforts pour
résoudre les dangers sérieux que fait peser l’Iran par des négociations
globales et des pressions économiques accrues, et non en parlant
d’action militaire. » (...)
« Ce qui est inquiétant c’est que ses commentaires
pourraient refléter la manière dont il appréhende l’évolution
de la politique américaine. Bien plus proche de Washington que
son prédécesseur, Sarkozy a passé du temps avec le président
Bush dans le Maine durant ses vacances. Ses remarques, bien dans
son style direct et sans nuance seront lues comme un avertissement
à Téhéran et aux pays qui sont réticents à imposer des
sanctions supplémentaires à l’Iran. Le message : si
l’initiative diplomatique échoue, l’Iran aura l’arme nucléaire
ou il y aura une action militaire pour l’en empêcher. Bush a
ajouté à la pression en suggérant hier que la menace nucléaire
iranienne était une raison pour garder des troupes américaines
en Irak. »
Autre réaction, plus favorable cette fois, celle du quotidien
israélien Haaretz qui, dans son éditorial du 31 août,« A
realist at the Elysée Palace », écrit :
« L’analyse de Sarkozy est similaire à celle du
premier ministre Ehoud Olmert et de ses collègues de la direction
iranienne, qui ont fait des déclarations similaires et ont présenté
la bombe iranienne comme un problème international qui nécessite
une solution diplomatique urgente. Sarkozy a montré qu’il
reconnaissait le caractère sérieux de la menace iranienne et
qu’il était prêt à s’y opposer et qu’il ne tente pas
d’en faire un problème pour le seul Israël. »
Après avoir critiqué la politique précédente de Jacques
Chirac, l’éditorialiste poursuit :
« Il est trop tôt pour savoir si une telle approche définira
les relations avec Israël. On ne peut pas penser que la France
retirera son opposition traditionnelle à l’occupation et aux
actions d’Israël dans les territoires, mais il est possible que
la France ne soit plus, comme dans le passé, à la tête des
critiques d’Israël. »
Le discours de politique étrangère du président Sarkozy
s’est immédiatement traduit sur le terrain du Proche-Orient par
un rapprochement avec les Etats-Unis aussi bien sur le dossier
iranien que sur l’Afghanistan.
Dans un article intitulé « Paris
réfléchit à des sanctions hors ONU contre l’Iran »
(1er septembre), Nathalie Nougayrède du Monde écrit :
« La France est disposée à passer à une phase de
sanctions contre l’Iran en dehors du cadre de l’ONU. Ce
tournant a été imprimé par le président français, Nicolas
Sarkozy, sans faire, pour l’heure, l’objet d’annonces
publiques, et sans qu’une décision n’ait encore été prise
quant au contenu de telles sanctions. »
Elle poursuit :
« Il s’agit d’un changement car, sous la présidence
de Jacques Chirac, une approche de nature unilatérale, hors de
l’ONU, était rejetée par l’Elysée. Les Etats-Unis
appliquent depuis les années 1980 une série de sanctions unilatérales,
notamment d’ordre financier, contre la République islamique. »
« Les diplomates français ont désormais intensifié
la réflexion, aux côtés de leurs interlocuteurs américains et
d’autres Européens, à propos de mesures coercitives supplémentaires
contre l’Iran hors ONU. L’idée d’agir en dehors de l’ONU
a été évoquée à Paris fin juin, lors d’une rencontre entre
M. Sarkozy et la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza
Rice, en marge d’une réunion sur le Darfour. M. Sarkozy a
alors signifié qu’il était ouvert à cette option. En avril,
pendant la campagne électorale française, M. Sarkozy avait
déjà indiqué que, pour lui, des sanctions hors ONU ne posaient
"pas un problème de principe". »
Ces informations coïncident avec le nouvel accord conclu le 22
août entre l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA) sur un calendrier de plusieurs mois pour que Téhéran
réponde aux questions en suspens sur son programme nucléaire.
Au même moment, toujours selon le quotidien Le Monde
(Laurent Zecchini, 30 août) « La
France redéploie ses avions de combat dans le Sud afghan » :
« La France a décidé de s’impliquer davantage en
Afghanistan. Le ministre français de la défense, Hervé Morin,
doit effectuer un voyage au Tadjikistan et en Afghanistan, du 6 au
8 septembre. Il profitera de cette occasion pour annoncer que les
avions de combat Mirage 2000 D et Mirage F-1, qui se livrent à
des missions de bombardement dans le sud de l’Afghanistan à
partir de l’aéroport de Douchanbé au Tadjikistan, vont être
prochainement stationnés sur celui de Kandahar, la grande ville
du sud afghan. »
« Cette décision, prise à la mi-août et
officiellement présentée comme un "redéploiement
technique", souligne la volonté politique de la France de répondre
favorablement aux appels pressants lancés par l’Alliance
atlantique et Washington pour une plus grande implication
militaire des pays européens en Afghanistan, en particulier dans
le Sud et l’Est où se déroule l’essentiel des combats contre
les talibans. Elle confirme aussi de facto la volonté de
rapprochement avec les Etats-Unis, récemment affirmée par le président
Nicolas Sarkozy. »
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