Opinion
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La nouvelle carte du
Proche-Orient
Wahid Abdel-Méguid
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Mercredi 30 juillet 2008
Le procureur de la Cour Pénale
Internationale (CPI) a réclamé l’arrestation du président
soudanais Al-Béchir. Ce qui menace le Soudan de plus de
démantèlement si les magistrats de la CPI décident d’exécuter
cette demande.
Or, le Soudan n’est pas l’unique
Etat arabe dont la carte est menacée de changement, puisque la
région arabe est la plus perturbée dans le monde entier,
concurrencée seulement par les Balkans.
Les perturbations dans le monde
arabe, elles, impliquent un changement de la carte de la région,
même si pour le moment ce changement reste équivoque.
Les crises du monde arabe, de
l’Iraq au Liban et à la Palestine dans la partie asiatique et du
Soudan à la Somalie dans la partie africaine, ont atteint un
état critique ne permettant pas de négliger l’éventualité de
voir survenir des changements sur la carte dans un avenir proche
ou lointain.
Il y a un demi-siècle, le
changement sur la carte arabe était lié à un mouvement
nationaliste qui a généré une vague de prévisions, qui ont été
renforcées par la réalisation de l’Union égypto-syrienne en
février 1958.
Or, la scission rapide en
septembre 1961, en plus de l’escalade des conflits arabes entre
radicaux ou révolutionnaires et conservateurs ou modérés,
appelée la guerre froide arabe, a mis le holà à ces perspectives
; la défaite de 1967 les a totalement anéanties, affaiblissant
le mouvement national dont l’apparition avait donné l’impression
qu’une nouvelle carte du monde arabe était sur le point d’être
dessinée.
Et voilà qu’aujourd’hui, il est
de nouveau question de changement, mais dans une autre
direction. L’offensive américaine qui a bouleversé la région, et
qui a commencé par la frappe contre l’Iraq, avait pour objectif
d’amener une nouvelle répartition de la région dans le cadre du
Grand Moyen-Orient. Et malgré l’échec de ce projet, il a
provoqué de nouvelles interactions qui semblent sur le point
d’entraîner un changement régional important.
Les
néo-conservateurs qui ont l’hégémonie sur
l’Administration américaine depuis 2000 n’ont pas réussi à
susciter le changement auquel ils aspiraient. C’est-à-dire
remplacer les gouvernements de certains Etats arabes et obliger
d’autres à effectuer des changements politiques déterminés. Or,
la région semble aujourd’hui au bord d’une modification
différente résultant non de la réussite du projet américain,
mais plutôt de son échec.
Il n’est pas uniquement question
de l’Iraq où l’élaboration d’une nouvelle carte n’était pas l’un
des objectifs du projet américain, mais du point de départ pour
un changement dans toute la région. Le but était d’en faire un
exemple à suivre en créant un Etat prospère au niveau
démocratique, économique et social, et d’en propager le modèle
par l’intermédiaire de pressions politiques différentes d’un
pays à l’autre.
Mais le chaos
iraqien a paniqué les Américains et
provoqué l’échec de leurs desseins. Aujourd’hui, leur objectif
est de sortir du marécage iraqien
avec le minimum de pertes.
Donc, même si les plans
américains ne visent pas à redessiner la carte de l’Iraq pour
sortir de l’impasse, ceci ne signifie pas l’absence d’un
changement de la carte de la région.
Parallèlement, il semble que
l’impossibilité de parvenir à une solution à la cause
palestinienne, surtout après le succès du Hamas à Gaza, pousse à
ressusciter le projet jordanien, mais sous une nouvelle formule
et dans un cadre plus large. Le projet jordanien aurait pour
objectif d’introduire la Jordanie sur la voie des négociations
palestino-israéliennes afin d’éviter leur effondrement total.
Il semble que dans un avenir
proche, le choix jordanien sera l’unique solution permettant
d’éviter l’effondrement de toute la situation palestinienne et
non seulement les négociations. L’unique issue serait alors
l’annonce d’un Etat palestinien provisoire en Cisjordanie, lié
par une Union confédérale à la Jordanie, tout en laissant
l’occasion à Gaza de s’insérer dans cette union à condition de
mettre fin au canton du Hamas.
Dans ce cas, puisque la question
de Gaza est reportée, il est donc facile de reporter les
questions des frontières avec Israël, de Jérusalem et des
réfugiés à une autre phase, ou à un délai indéterminé,
pratiquement parlant.
Ce scénario semble être plus
logique qu’un autre qui comprendrait l’Egypte et Israël à
travers un échange de territoires. Cette conception consisterait
à élargir le secteur de Gaza en rattachant la ville égyptienne
de Rafah et une partie de la ville de Arich.
Et en contrepartie, Israël devrait renoncer à des territoires
dans le désert de Naqb de façon à
permettre de tracer une autoroute internationale reliant
l’Egypte à la Jordanie et à l’Arabie saoudite. De plus, Israël
obtiendrait plus de 200 km2 autour de Gaza et du
Ghar Al-Ordon et garderait les
grands blocs coloniaux.
Cette conception n’est pas
nouvelle. Elle a été proposée sous différentes formes depuis la
fin des années 1970. Mais aujourd’hui, elle n’est suscitée que
dans certains milieux israéliens et américains à cause du refus
de l’Egypte. En effet, le président égyptien a dernièrement
assuré qu’il était impossible que l’Egypte renonce à une
parcelle du Sinaï, quelles que soient les circonstances.
Donc, il semble que c’est le
choix jordanien qui amènera le changement de la carte arabe dans
l’aile asiatique. Tandis que dans l’aile africaine, ce sont les
crises du Soudan et l’ingérence dans ses affaires intérieures
qui provoqueront le changement.
Si le cas soudanais semble
aujourd’hui le plus dangereux, il ne faut pas négliger les
conséquences de la détérioration de la situation en Palestine et
en Iraq. Et si la solution jordanienne semble être la bouée de
sauvetage pour les territoires occupés, il ne faut pas s’arrêter
là.
Il est possible de voir la
confédération palestino-israélienne annexer l’Ouest de l’Iraq où
se concentrent les sunnites. Et ce, afin de calmer les craintes
de certains Jordaniens qui craignent l’équilibre démographique
inquiétant avec les Palestiniens. L’objectif est également de
désamorcer la bombe à retardement qui existe dans la nouvelle
entité iraqienne.
Pour certains, ce scénario
pourrait être de simples illusions, et pour d’autres, il serait
lointain au point de permettre de ne pas s’inquiéter.
Malheureusement, nous avons pris l’habitude de penser au passé
plus qu’à l’avenir. Or, il est nécessaire de songer sérieusement
au futur de la carte arabe avant de ne plus avoir que le choix
de s’y adapter passivement.
Wahid
Abdel-Méguid,
Politologue
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reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 30 juillet
2008 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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