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Al-Ahram Hebdo
Combattu par la mauvaise foi
Samar Al-Gamal
Photo Al-Ahram
Mercredi 24 décembre 2008
Unesco.
Washington et Tel-Aviv s’efforcent de
mettre les bâtons dans les roues devant la candidature de Farouk
Hosni à la tête de l’organisation internationale. Des pays
européens sont entrés dans une valse hésitation.
Il n’est pas étranger aux
critiques, dit-on. Et de chaque campagne aussi acerbe soit-elle,
Farouk Hosni parvenait à sortir presque indemne. Le voilà,
encore une fois, face à une attaque virulente, émanant non de
milieux hostiles, mais de l’autre rive de la mer Rouge, en
Israël. Une attaque orchestrée par Tel-Aviv et pilotée,
semble-t-il, par Washington. L’objectif ultime est d’empêcher le
ministre égyptien de la Culture de devenir le nouveau directeur
général de l’Unesco. Et la classique accusation à chaque fois
que les Israéliens ne parviennent pas à être obéis au doigt et à
l’œil est l’antisémitisme.
L’affaire remonte au mois de mai.
Hosni, appelé à se prononcer sur la présence de livres
israéliens en Egypte, déclare spontanément que s’il en trouve, «
il y mettra le feu ». Une formule qui en égyptien voudrait
simplement dire qu’il n’existe pas de livres israéliens dans les
bibliothèques égyptiennes. Israël y trouve son alibi et ouvre le
feu sur le ministre égyptien. L’ambassadeur israélien au Caire,
Shalom Cohen, écrit ainsi dans une note confidentielle adressée
à son ministère des Affaires étrangères, et publiée par le
quotidien israélien Yediot Aharonot, que ces déclarations sont «
dures et surtout brutales, de façon à rendre impossible à Israël
et à la communauté internationale de poursuivre un agenda normal
avec l’Egypte ». Plus encore, le centre Simon Wiesenthal,
spécialisé dans la recherche d’anciens criminels nazis, écrit au
directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsuura, qualifiant
Hosni de « menace majeure aux valeurs de l’Unesco ». Il l’accuse
d’être « antisémite » pour avoir invité en Egypte l’écrivain
français Roger Garaudy. « Ses préjugés, intolérances, et manque
de respect lui excluent toute possibilité de mener le dialogue
de civilisation de l’Unesco ». Et donc le centre Wiesenthal «
engagera les pays-électeurs sur l’impossible scénario » de
Farouk Hosni comme directeur général de l’Organisation
onusienne.
On le voit bien, on oublie
souvent que c’est lui qui a « œuvré en faveur du patrimoine
culturel des juifs d’Egypte et fait restaurer les synagogues ».
(Lire entretien page 4). L’accusation d’antisémitisme, ce n’est
que l’arbre qui cache la forêt. Les Israéliens sont surtout
furieux du rejet de Hosni et des intellectuels égyptiens de
toute « normalisation culturelle » avec Tel-Aviv. Voilà 30 ans
que l’Egypte et Israël ont signé le fameux accord de paix de
Camp David, mais sans véritable rapprochement entre les deux
peuples. Des relations politiques existent bel et bien,
économiques aussi, mais le culturel est loin d’être surmonté par
les Israéliens. Les Egyptiens ont opté pour le boycott des
livres, des films et des œuvres israéliens, au moins jusqu’à la
fin du conflit palestino-israélien. « Une telle normalisation ne
peut avoir lieu qu’après une paix juste et globale », avait
déclaré Farouk Hosni. Des mots qui peinent à convaincre des
Israéliens, peu soucieux, semble-t-il, de l’impact de leurs
pratiques quotidiennes dans les territoires occupés, sur la rue
arabe. Et si Hosni décide aujourd’hui de faire le déplacement en
Israël, toutes ces accusations cousues de fil blanc retourneront
au tiroir. Farouk Hosni « rêve de normaliser les relations »
avec Tel-Aviv, écrit cette même presse israélienne qui le cible.
Rien à voir donc avec l’antisémitisme, mais de la pure
politique. Et pour ce poste de l’Unesco, la politique joue son
jeu. Selon un diplomate européen au Caire, « les Israéliens ne
veulent pas d’Arabe à la tête de l’Organisation ».
L’Amérique au secours de son
allié
C’est donc David contre Goliath,
disent en quelque sorte les Israéliens, confortés à ce jour par
le soutien des Américains. Selon des informations officieuses,
les Etats-Unis auraient épousé le point de vue israélien, ce qui
a changé la donne. Tel-Aviv seul ne semblait pas vraiment avoir
les moyens d’influencer les électeurs de l’Unesco. Des pressions
américaines seraient déployées de manière renforcée sur les pays
européens, surtout ceux qui avaient déjà apporté leur appui à la
candidature du ministre égyptien. Appelée à se prononcer,
l’ambassade américaine au Caire est restée discrète. Un haut
responsable de l’ambassade, parlant sous couvert de l’anonymat,
a ainsi déclaré que « ce n’est pas dans la coutume des
Etats-Unis de faire des commentaires en public sur leur vote des
candidats dans les organisations internationales ». Les
informations publiées par la presse sont-elle vraies ou fausses
? « No comment ». Des termes diplomatiques qui confortent peu,
surtout si l’on sait qu’avec l’Amérique, Israël est l’élément
capable de briser n’importe quelle équation. L’Alignement de
l’un sur l’autre n’est pas un secret. Ainsi, les Israéliens
seraient en train de bien préparer leur dossier avec
l’Administration Bush pour qu’enfin la nouvelle Administration
Obama, à son arrivée fin janvier, se retrouve devant le fait
accompli, avec un Non à l’élection du candidat égyptien.
Entre-temps, les actuels responsables américains exerceront
toutes formes de pression sur les pays-électeurs, la France en
tête. La menace brandie, un retrait américain de l’organisation,
à l’instar de 1984 (lire page 5) et donc une suppression des 22
% du financement qu’apportent les Etats-Unis au budget de
l’organisation.
Une ambiguïté française
Les Français avaient très tôt
affiché leur soutien au candidat égyptien. Un marché aurait été
conclu entre les présidents Moubarak et Sarkozy en personne, en
vertu duquel Le Caire soutiendrait Straus-Kahn à la tête du
Fonds monétaire international et Paris épaulerait Hosni pour
succéder au Japonais Koichiro Matsuura en 2009. Des proches du
ministre égyptien affirment que le président français lui avait
lui-même assuré le soutien de son pays. Des déclarations de
hauts responsables français sont ouvertement allées également
dans ce sens. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’ambassade
de France au Caire, invitée à préciser sa position à la suite de
ces « rumeurs de pression », a précisé que « cette élection ne
fait que commencer et que le processus de dépôt de candidature
n’est pas terminé et dans ce cas, il est évident que nous ne
pouvons pas rendre publique une quelconque décision ». L’attaché
de presse belge Birgit Stevens a tenu des propos similaires. Des
propos trop diplomatiques qui témoignent d’une marche-arrière
évidente, au moins par rapport à la première position française.
C’est dire, d’une façon peu diplomatique, que la France, qui
s’identifiait par son poids culturel et ses idées progressistes
mais aussi par son indépendance vis-à-vis des Américains, semble
jouer leur jeu. Au lieu de faire l’équilibre sur le plan
international, la France de Sarkozy s’engouffre dans cette
polarisation pro-israélienne.
En effet, la nomination du
directeur général de l’Unesco est effectuée par scrutin au sein
du conseil exécutif de l’Organisation. La formule veut que le
lauréat doit obtenir au moins la moitié des voix + un, d’un
total de 58. Soit 30 voix. L’Egypte a obtenu un soutien ferme à
la candidature de Hosni de la part des pays arabes, qui pour une
fois ont uni leurs rangs en se mettant d’accord sur un seul
candidat après que le Maroc a cordialement retiré sa candidate.
Le monde arabe dispose de 7 voix. Le Caire a encore réussi à
obtenir le soutien de l’Afrique lors d’une conférence des
ministres africains de la Culture en octobre dernier. Les
Africains détiennent 13 voix au sein de l’organisation, mais
sont la proie facile d’influences. Des pays comme l’Espagne, la
Grèce et l’Italie se sont également prononcés en faveur du
candidat égyptien. Hossam Nassar, coordinateur de la campagne de
Farouk Hosni, estime que « des indices majeurs montrent que nous
sommes sur la bonne voie. Nous poursuivons notre campagne
assurés des chances de notre candidat et peu soucieux de ce
genre de rumeurs ». L’Egypte, en effet, dispose de pas mal de
chance. Elle est un des 21 Etats fondateurs de l’Unesco en 1945
et fait partie du monde arabe, à qui, en principe, le prochain
mandat devait revenir, puisque les autres groupes géographiques
ont déjà été représentés à la tête de l’Unesco. Deux autres
candidats de Bulgarie et Lituanie sont en lice avec des chances
moins importantes.
Ce n’est pourtant pas dans la
poche. Le facteur américain est assez décisif, il faudrait
peut-être penser au cas de Boutros Boutros-Ghali qui a été
empêché de briguer un second mandant en tant que Secrétaire
général de l’Onu à cause surtout des bâtons américains.
(Témoignages page 5).
Les plus optimistes comptent
d’ailleurs sur le nouveau locataire de la Maison Blanche. Un
Obama qui affiche une volonté de réconcilier l’Amérique et le
monde, le monde musulman en particulier, ne pourrait entamer son
mandat par une crise avec l’Egypte et le monde arabe. « Ça
serait un coup de Trafalgar », affirme un proche de la campagne
du candidat égyptien. Ce n’est pas un combat sur un simple
poste, mais un duel civilisationnel et moral.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 26 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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