Al-Ahram Hebdo
Le Moyen-Orient et
le spectre d'une guerre nucléaire
Mohamad Al-Saïd Idris
Photo Al-Ahram
Mercredi 23 septembre 2009
Il semble que l’histoire du conflit au Moyen-Orient continue à
tourner autour des armes nucléaires et des craintes naissant de
l’éventualité du déclenchement d’une guerre où seraient
utilisées ces armes. Elle continue à tourner autour de la
concurrence pour la possession des armes nucléaires dans le
cadre de la guerre sur le pouvoir et la domination de la région.
C’est une vérité que certains tentent de dépasser, convaincus
que l’ouverture de ce dossier ouvrira les portes de l’enfer dont
les feux peuvent anéantir toute éventuelle chance de réaliser la
paix. Une paix qui pourrait mettre un terme à la course à
l’armement nucléaire.
Les Arabes ne songent pas sérieusement à la gestion du conflit à
ce niveau. Par contre, les Israéliens se sont lancés dans ce
conflit en accordant une importance à tous les détails. Ce sont
eux qui ont géré le conflit avec les Arabes selon une conviction
de la vitalité et de l’importance de la possession des armes
nucléaires qu’ils doivent exclusivement posséder. Ils ont ainsi
œuvré à anéantir toute tentative des pays de la région à
posséder des armes nucléaires. Et ce, pour trois raisons
vitales.
Premièrement, le fait qu’Israël est le seul pays à posséder des
armes nucléaires est la seule garantie de la survie de cet Etat.
En effet, Israël est conscient qu’il représente un Etat
exceptionnel dans l’histoire humaine. Ceci l’oblige à posséder
ces armes.
En effet, Israël s’est fondé sur les décombres d’un autre peuple
que les Israéliens ont chassé de ses terres et maisons. Grâce à
ce statut exceptionnel, ils ont tenu à s’approprier des armes
exceptionnelles capables de transformer tout ce qui est
exceptionnel en une réalité acceptable et inchangeable.
Quant à la seconde raison qui a poussé Israël à posséder les
armes nucléaires, c’est sa conscience de la nécessité d’acquérir
une position régionale et internationale nécessaire à
l’imposition de son existence exceptionnelle et à la garantie de
sa survie lorsqu’il a réalisé l’importance de ces armes en
témoignant de l’expérience des Etats-Unis.
La troisième raison est, peut-être, la moins importante. La
possession des armes nucléaires a empêché Israël d’entrer dans
la course de l’armement mondial et régional, de construire
d’énormes armées et de posséder un arsenal militaire aux coûts
énormes. Un arsenal qui peut lui coûter des sommes beaucoup plus
grandes que celui de la possession d’une bombe atomique, car les
armes traditionnelles doivent être modernisées en permanence.
C’est pour ces trois raisons que les Israéliens ont décidé de
posséder assez tôt la bombe atomique avant 1956. A cette époque,
il n’a pas été facile pour David ben Gourion et Shimon Pérès de
construire le réacteur de Dimona à cause des fortes oppositions
autour des priorités des dépenses dans un Etat pauvre qui aspire
à assurer à ses citoyens un verre de lait et un œuf par jour.
C’est ainsi que la possession de la bombe atomique a été dans un
premier temps un objectif vital. Après le succès de sa
construction, l’objectif est devenu : comment la protéger d’une
éventuelle destruction.
Deux réponses s’imposaient : premièrement, rester les seuls à la
posséder et deuxièmement, accréditer une stratégie de guerre
préventive pour anéantir toutes éventuelles menaces.
Au début de 1966, le président Nasser avait ouvertement déclaré
que si Israël parvenait à fabriquer des armes nucléaires, il
incomberait aux pays arabes de lancer une guerre préventive pour
anéantir immédiatement tout ce qui permet à Israël de fabriquer
une bombe atomique.
Une large polémique s’est déclenchée entre les historiens
israéliens autour du rôle joué par le réacteur de Dimona dans la
crise qui a précédé la guerre de juin 1967. Bien que Nasser
n’ait pas réussi à exécuter ses menaces de détruire le réacteur,
la réaction craintive d’Israël a hâté la décision de guerre
contre l’Egypte.
C’est ainsi que la protection du programme nucléaire israélien
s’est imposée comme étant l’un des motifs de l’agression de juin
1967, qui a été considérée comme une guerre d’autodéfense. Dans
cette même perspective, elle a été considérée comme une guerre
préventive qui a évolué au temps de l’ex-premier ministre
israélien Begin, pour devenir une théorie militaire connue plus
tard par le nom de son initiateur même, à savoir la théorie de
Begin.
Cette théorie confirme : « Nous ne permettrons pas à nos ennemis
de développer contre nous une arme de destruction massive ».
C’est d’ailleurs la théorie qui a été utilisée pour justifier
l’agression israélienne contre l’Iraq en 1981 qui a ciblé les
installations nucléaires iraqiennes. C’est la même théorie qui a
obligé Ehud Olmert, ex-premier ministre israélien, en 2007, à
donner des instructions à l’armée de l’air pour détruire une
installation dans le nord de la Syrie, suspectée d’être un
réacteur pour la production du plutonium avec l’assistance de la
Corée du Nord.
Avant d’accomplir cette mission, Israël a pris la permission des
Etats-Unis, après les avoir convaincus que le projet syrien
clandestin menaçait son existence et qu’il fallait à tout prix
l’anéantir.
Si Olmert a utilisé la théorie de Begin pour la deuxième fois,
Netanyahu se trouve, lui, obligé pour la 4e fois de relever le
défi face au programme nucléaire iranien. Un défi qui sera
imposé à n’importe quel premier ministre au cas où cette
problématique émerge dans n’importe quel pays voisin ou force
régionale concurrente.
Netanyahu pourra-t-il agir de même avec l’Iran ?
La réponse déterminera les caractéristiques du conflit régional
au Moyen-Orient pour les années à venir. Surtout à la lumière de
la difficulté du défi que représente l’Iran depuis qu’il s’est
déterminé à posséder un projet nucléaire qu’il a décidé de
défendre par tous les moyens pour ne pas répéter la tragédie du
programme nucléaire iraqien. Surtout à l’ombre d’un refus
américain d’opter pour le choix militaire contre l’Iran pour des
raisons militaires, économiques et probablement aussi politiques
et à l’ombre d’une incapacité d’Israël d’accomplir à lui seul la
mission.
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Publié
le 23 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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