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Palestine


Entre l’ennemi proche et l’ennemi lointain
Ahmed Loutfi - Chaimaa Abdel-Hamid

Palestiniens . Le conflit entre le Fatah et le Hamas devient de plus en plus sanglant et semble donner à Israël la latitude pour faire fi des pressions internationales exercées sur lui pour activer le processus de paix.



Photo Al-Ahram

« La mort nous frappe de toutes parts depuis une semaine. Israël nous tue depuis les airs et le Hamas et le Fatah nous tuent dans les rues ». Un cri lancé par Oum Hossam, Palestinienne de 29 ans, habitante de Gaza, ce territoire de 40 km de long, de 10 à 15 km de large et où vivent environ 1,3 million de Palestiniens qui en font l’un des territoires les plus surpeuplés de la terre. Une vaste prison si l’on songe. Du moins il est devenu ainsi. Il est encerclé sur terre, et du côté de la mer et dans les airs par les forces israéliennes. Tous les fonds et ressources sont bloqués depuis que le Hamas a remporté les législatives le 26 janvier 2006 et formé par la suite le gouvernement. Ce secteur, devant faire partie d’un futur Etat palestinien, qui reste un projet reporté, est à présent un vaste champ de bataille. Un enfer à ciel ouvert où les habitants ne s’aventurent plus dans les rues jonchées de gravats et d’ordures, contrôlées par des hommes armés.

Ce que déplore Oum Hassan, c’est le plus tragique voire le plus absurde. La mort revêtait les habits des Israéliens. Aujourd’hui, elle porte les uniformes palestiniens, ceux des militants du Hamas et ceux du Fatah qui se tuent sans pitié. Oum Hassan, on y revient, renvoie donc dos à dos les propres factions de sa nation et l’ennemi. Un état des lieux qui a commencé le 11 mai, faisant un nombre croissant de victimes allant au-delà de la cinquantaine parmi les groupes rivaux, notamment le Fatah, en plus des civils. Israël, lui, semble s’en donner à cœur joie en menant des raids aériens sous couvert de riposter aux tirs de roquettes contre les colonies israéliennes. Et entre les deux, l’accord aussi fragile de La Mecque a été enterré et les tentatives de réconciliation semblent peu opérantes. Si le premier ministre, Ismaïl Haniyeh, a appelé les Palestiniens à cesser les affrontements internes et à combattre Israël, il est sans doute peu entendu autant chez les siens qu’évidemment du côté du Fatah. Le président palestinien, Mahmoud Abbass, aurait annulé une visite à Gaza après la découverte d’un tunnel bourré d’explosifs qui seraient placés par la branche militaire du Hamas et qui devraient exploser au passage de son convoi, selon des informations de presse.

Au-delà de l’information ou de la rumeur, c’est l’état d’esprit qui inquiète. Qu’est-ce qui oppose tant ces deux mouvements ? Est-ce un conflit, une lutte pour le pouvoir ou un conflit de caractère idéologique ou dogmatique ? Et comment expliquer que dans une lutte pour la survie, on peut se tirer les uns sur les autres et se laisser à découverte face à l’ennemi ? Ahmad Sabet, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, estime qu’il s’agit essentiellement d’une « lutte pour le pouvoir et une volonté de s’anéantir, en profitant de n’importe quelle occasion pour écarter l’autre partie ». Pour lui, l’idéologie n’est qu’un prétexte utilisé pour justifier ces luttes. « Le Hamas prétend qu’il est le seul à prendre la défense des principes palestiniens et que le complot ourdi le vise lui-même », ajoute Sabet, qui accuse le Hamas d’utiliser pour ce faire « les conflits religieux avec le but de prendre totalement le contrôle de Gaza tout en refusant toute forme de présence du Fatah ».

S’agirait-il aussi d’une alternance au pouvoir mal gérée ? Le Fatah, qui a perdu les législatives et qui est qualifié en Occident de modéré, constitue la majorité des forces de sécurité, du fait qu’il était longtemps le dirigeant traditionnel de la cause palestinienne. Le Hamas, lorsqu’il remporta les élections, a établi sa propre milice. Les deux forces en présence attisent le feu. Autre aspect, le Fatah a régné pendant des décennies avec en tête un leader charismatique du moins intouchable, Yasser Arafat. Mouvement composite, il est à tendance laïque ou du moins séculière. C’est à lui que revient la véritable « épopée » de lutte de libération nationale, avant de signer en 1993 un accord de paix avec Israël, établissant un gouvernement autonome en Cisjordanie et Gaza. Le Hamas, lui, est un groupe fondamentaliste, il ne serait pas en faveur d’une reconnaissance d’Israël, mais son attitude reste floue sur ce point et s’alimente aussi de l’attitude faite d’esquives continuelles sur le plan politique qui est celle d’Israël.  Les frontières idéologiques ne seraient-elles donc pas trop marquées ? La preuve en est que le succès électoral du Hamas s’expliquerait plus par la réputation de corruption et de népotisme qui entache le Fatah. Le mouvement islamiste, lui, s’est présenté comme une alternative propre.

De quoi rendre le conflit actuel absurde. Emad Gad, rédacteur en chef d’Israël Digest, publié par le Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, considère ainsi que chacune des parties regarde l’autre comme « l’ennemi proche, qu’elle tente d’éliminer avant de s’attaquer à l’ennemi lointain ».

Une vision qui, le moins que l’on puisse dire, dénote d’un manque de conscience absolu chez les deux camps vis-à-vis de leurs objectifs et de la situation actuelle. Gad relève ainsi que le différend entre le Fatah et le Hamas, qui évolue parfois en des affrontements armés, suivis de trêves, pour rebondir de nouveau, compromet tout à fait la cause et les revendications palestiniennes. « Il faudrait qu’il y ait un agenda national unifié contre l’ennemi sioniste. L’absence d’un tel ordre du jour et les grandes contradictions entre les deux sont à l’origine des flambées de violence sur le territoire palestinien ».

En effet, s’il est vrai que ces violences qui se renouvellent peuvent s’expliquer ponctuellement par une sorte d’anarchie sur le plan sécuritaire et une rivalité entre services, les uns du côté de l’Autorité palestinienne et les autres du côté du gouvernement élu (Lire article page 5), cela ne peut pas tout expliquer. Il y a sans doute confusion dans les objectifs des uns et des autres, et surtout dans les moyens de parvenir à un but final. Comme le relève Sabet par exemple, si le Fatah et l’Autorité semblent guidés par l’idée du processus politique né à Oslo, « des ailes plus radicales de ce mouvement s’y opposent et continuent la résistance contre Israël rejoignant plus ou moins le Hamas ». Or, tout cela pourrait verser dans la stratégie israélienne qui profite finalement d’un certain vide politique que lui opposent des Palestiniens en train de se battre. En effet, il est difficile de voir des progrès se réaliser tant que des combats à large échelle se poursuivent. Les Palestiniens, soulignent les analystes, préoccupés par leurs conflits internes ne sauront constituer un bloc solide susceptible de négocier éventuellement avec Israël.

Le seul bénéficiaire

L’Etat hébreu, lui, en pleine crise, en profite pour faire passer sa théorie selon laquelle il n’y a pas de partenaire avec qui négocier. Il pourrait ainsi échapper aux pressions internationales. Mais tout compte fait, c’est lui qui est loin de constituer un partenaire, étant donné le flou qui caractérise sa position et ses démarches politiques depuis Oslo. A-t-il franchement accepté les résolutions de l’Onu, la Feuille de route et autres ? La situation actuelle lui sied vraiment. Sans verser dans la théorie du complot, on ne peut que dire qu’il est le principal bénéficiaire et qu’il fait d’une pierre plusieurs coups, comme ces raids qu’il mène contre les Palestiniens.

D’ailleurs, le cabinet de sécurité israélien a donné son feu vert à l’armée pour « accroître ses opérations » à Gaza sous prétexte de mettre un coup d’arrêt aux tirs de roquettes sur l’Etat hébreu avec des opérations prévues contre le Hamas et le Djihad. 31 Palestiniens ont péri dans 22 raids de l’aviation israélienne, en moins d’une semaine. Israël a même menacé de décapiter la direction politique du Hamas, y compris le premier ministre Ismaïl Haniyeh, ainsi que le numéro un du mouvement, Khaled Mechaal, qui vit en exil à Damas. Dimanche soir, sept membres de la famille de Khalil Al-Haya, un chef du Hamas et un membre du Parlement palestinien, et l’un de ses voisins ont été tués dans un raid aérien, qui a aussi fait au moins douze blessés à Gaza.

Au-delà, Gad souligne qu’il est dans l’intérêt de l’Etat hébreu « de nourrir les conflits interpalestiniens et il peut même aller jusqu’à leur livrer des armes ». Mais une chose est sûre, rappelle-t-il, « c’est qu’au bout du compte, la responsabilité incombe au Hamas et au Fatah, parce que ce sont eux qui se massacrent ».

Scepticisme sur une accalmie

Aujourd’hui, un cinquième cessez-le-feu vient d’intervenir, notamment grâce à la médiation égyptienne menée par le chef du service des renseignements, Omar Soliman. Les Palestiniens n’y croient pas trop, et on a profité de l’accalmie pour faire des provisions de peur d’être à nouveau coincés chez eux par de nouveaux affrontements. « Cette trêve n’est qu’un moment de répit que se donnent les deux camps, et les combats peuvent reprendre à nouveau, car il n’y a pas de solutions concrètes », estime Adnane Khouroubi, un médecin, en chemin vers son cabinet. D’ailleurs, un accord n’avait-il pas été signé à La Mecque avec comme principaux objectifs d’assurer une interdiction du bain de sang palestinien et la promesse d’une unité nationale pour atteindre les objectifs légitimes des Palestiniens, et d’accepter de compter sur le langage du dialogue comme base pour résoudre tous les conflits entre les frères ? Accord ou pas, ce n’est pas cela qui va régler le problème interne. Tout accord dans le monde n’a de valeur que s’il trouve des dirigeants ayant la force et l’intention de l’appliquer. C’est au moins le sentiment dans la rue palestinienne. Saadeddine, un habitant de Gaza, déplore : « Je ne crois pas en cette trêve car personne n’est honnête » .

 

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Source : Al-Ahram hebdo
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