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Al-Ahram Hebdo
L'Iran, Israël et le nucléaire
Abdallah Al-Achaal
Photo Al-Ahram
Mercredi 20 mai 2009 Quand le shah d’Iran
était étroitement allié aux Etats-Unis, tout en n’étant pas en
même temps ennemi de l’Union soviétique, on lui a permis
d’entamer un programme nucléaire. Puis, la Révolution islamique
s’est déclenchée, défiant l’Iran du Shah et ses alliés.
Washington en a alors fait son ennemi, malgré tous les messages
envoyés par Téhéran, mais le rapprochement n’a jamais eu lieu à
cause de la domination israélienne sur la prise de décision
américaine. Et c’est ainsi que le dossier nucléaire de l’Iran a
été dévoilé en 2003, et depuis, il figure parmi les priorités
diplomatiques mondiales. Pendant quelque temps, cet intérêt a
connu un recul relatif pour devenir aujourd’hui, durant le
mandat de Netanyahu, son grand problème. Aujourd’hui en Israël,
des centaines de sites électroniques parlent du danger iranien.
Or, la question est : Pourquoi l’Iran et son dossier nucléaire
constitueraient-ils un danger pour Israël ?
Il est évident que tous les Etats ont la
liberté d’obtenir les sources de forces qu’ils désirent, sauf si
elles sont internationalement interdites. Mais dans le cas de
l’Iran, le dossier a pris des dimensions graves pour plusieurs
raisons. Premièrement, l’Iran est devenu une des parties du
conflit arabo-israélien, en soutenant la résistance libanaise et
palestinienne, ainsi que la Syrie qui constitue le lien entre
l’Iran et la résistance. C’est ainsi que l’Iran peut entraver
les plans d’Israël visant à anéantir la résistance ou à conclure
des accords de règlement avec les gouvernements dans la région.
C’est ainsi que les peuples arabes considèrent l’Iran comme
l’axe du bien et les Etats-Unis et Israël celui du mal. La
seconde raison est que la force de l’Iran est en hausse
continue, malgré le blocus qui lui est imposé et les tentatives
de le détruire. C’est ainsi qu’il est devenu un des principaux
joueurs régionaux menaçant le projet sioniste, contre lequel la
résistance a lutté avec son soutien. Israël a estimé que sans la
résistance, l’influence de l’Iran sera moins importante et que
sans l’Iran, la résistance sera plus faible.
La troisième raison est que la possession de
l’Iran de l’arme nucléaire fait qu’Israël n’est plus l’unique
Etat nucléaire dans la région. De plus, l’Iran constitue ainsi
un véritable défi au projet israélien de s’emparer de la
Palestine et de dominer la région. Si Israël était un Etat comme
les autres, la force de l’Iran n’aurait constitué aucune menace
pour lui. Ceci signifie que l’Iran menace le projet sioniste et
non Israël même, et tant qu’il est impossible de séparer Israël
de son projet, le danger iranien est dirigé d’une certaine façon
contre Israël avec tout ce qu’il représente.
La quatrième raison est que l’Iran est un
Etat religieux qui lutte contre Israël. De plus, pour l’Iran,
Israël est un projet colonial qui devait disparaître avec la fin
du colonialisme. Sa présence jusqu’aujourd’hui va donc à
l’encontre des principes politiques universels.
C’est ainsi que pour Israël, l’élimination de
l’Iran de l’équation de la force traditionnelle et nucléaire est
devenue une question de vie ou de mort. Cette vision stratégique
a été imposée à Washington, qui sait que l’Iran est un obstacle
qu’il faut à tout prix supprimer par des moyens politiques. Dans
tous les cas, même si l’Iran devient un Etat nucléaire, il ne
déclenchera pas une guerre contre les Etats-Unis et Israël. Mais
cette situation lui permet de devenir membre du club nucléaire
et d’influencer les comptes relatifs à la force. Ceci signifie
que l’Etat possédant le nucléaire agit avec force dans les
dossiers nucléaires, se basant sur la force nucléaire comme
référence définitive. Ceci s’applique également aux politiques
iraniennes dans la région du Golfe arabe et avec tous les Etats
arabes.
Or, le fait qu’il soit un Etat nucléaire
n’importe pas beaucoup à Washington, mais ce sont son rôle joué
en Iraq et les menaces qu’il constitue pour les sources de
pétrole dans la région du Golfe, et ce en plus de son rôle en
Afghanistan. Du fait, il constitue une menace directe aux
intérêts américains, dans les circonstances actuelles et avec le
recul de la force américaine. C’est ce point là qui inquiète le
plus Israël qui tente à tout prix de gagner du temps, estimant
qu’il sera impossible de toucher à l’Iran s’il possède l’arme
nucléaire.
Cette analyse nous mène à 3 déductions. La
première est qu’il y a une grande distance entre les 2 positions
américaine et israélienne en ce qui concerne le dossier
nucléaire iranien. En effet, Washington veut s’engager dans un
dialogue avec Téhéran pour réaliser certains objectifs, dont
l’interruption du projet nucléaire. Quant à Israël, il veut
détruire l’Iran et son projet, et imposer le projet sioniste
sans aucun partenariat ni concessions. C’est de là que nous
arrivons à la deuxième déduction : c’est dans l’objectif de
réaliser son projet qu’Israël insiste sur l’idée du danger
iranien, prétendant qu’il est le plus capable de s’engager dans
un affrontement militaire avec Téhéran, mais avec le soutien et
la bénédiction de Washington.
La troisième déduction est que Téhéran est
tout à fait conscient de ces réalités. C’est pour cela qu’il
tente de transformer ces cartes en gains politiques par le biais
du dialogue. Plus les inquiétudes israéliennes augmentent, plus
Téhéran tente d’élever le plafond de ces positions et de gérer
ces inquiétudes de façon logique avec Washington. Or, il faut se
rappeler que le danger iranien est réel, mais contre Israël
seulement à cause de l’occupation. Il s’agit donc d’un conflit
entre deux projets.
Enfin, il faut dire que l’exagération
israélienne concernant le danger iranien atteint de nombreux
objectifs comme : éloigner l’attention du monde entier des
crimes israéliens, monopoliser le peuple hébreu et toutes les
communautés juives, les mettant en garde contre un second
holocauste, comme le dit Pérès. De plus, Israël veut continuer à
occuper l’attention internationale, à justifier ces crimes et à
nuire à l’Iran, tant qu’il n’acceptera pas les règles du jeu
imposées par Tel-Aviv.
Il se peut que le lien fait par les
Américains et les Israéliens entre le problème palestinien et le
dossier nucléaire soit un indice les incitant à faire pression
sur l’Iran, à contribuer à son isolement. Or, cette méthode
implique une manipulation immorale des sentiments des Arabes qui
aspirent à la paix en Palestine. Washington veut donc les
pousser à s’engager dans le combat israélo-iranien. Les Arabes
doivent donc insister pour avoir une position indépendante,
protégeant leurs intérêts.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 20 mai 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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