Palestine
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«La
conférence de paix n'est qu'une chimère»
Moustapha Al-Barghouti
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Ancien ministre palestinien
de l’Information, Moustapha
Al-Barghouthi évoque les carences de la prochaine conférence
de paix, qui doit se tenir en novembre, et les possibilités de
dialogue entre le Fatah et le Hamas.
Moustapha Al-Barghouthi - Photo
CPI
Mercredi 17 octobre 2007
Al-Ahram Hebdo :
Une conférence internationale sur la paix au Proche-Orient doit
se tenir en novembre aux Etats-Unis. Qu’attendent les
Palestiniens de cette rencontre dont les contours et les objectifs
restent flous ?
Moustapha
Al-Barghouthi : Les Palestiniens
n’attendent pas grand-chose de cette réunion. Car il ne
s’agira pas d’une conférence, mais tout juste d’une réunion.
On se détourne de l’idée d’une vraie conférence
internationale, ayant pour piliers fondamentaux les résolutions
des Nations-Unies, la légitimité et le droit international.
Malheureusement, il n’est pas encore clair pour nous quels
seront les textes de référence qui seront adoptés dans cette réunion
et à quoi exactement on veut aboutir par sa tenue. Nous sommes très
inquiets des tentatives de détournement du droit international et
des résolutions des Nations-Unies concernant la cause
palestinienne et nous craignons l’imposition d’un accord à un
moment où le côté palestinien est extrêmement affaibli. Tout
cela a été pour nous très visible lors des rencontres entre
représentants israéliens et palestiniens. Israël est en train
d’attiser et de profiter des actuelles divisions pitoyables dans
les rangs palestiniens. Et il n’existe aucun indice indiquant
que cette réunion peut apporter quoi que ce soit.
Or, il existe trois
indices montrant qu’Israël a dès maintenant avorté toute
possibilité d’aboutir à un dénouement acceptable pendant
cette réunion. Il y a, d’abord, les déclarations des
responsables israéliens. Le premier ministre Ehud Olmert a déclaré
récemment qu’une période de 20 à 30 ans est nécessaire pour
parvenir à une solution définitive. Lui et sa ministre des
Affaires étrangères, Tzipi Livni, répètent à l’envi qu’il
faut reporter toute discussion sur les dossiers liés à une
solution définitive du problème israélo-palestinien. Ensuite,
il y a le fait qu’Israël envahit les territoires palestiniens
en moyenne 20 fois par semaine. Enfin, je relève l’annonce israélienne
très dangereuse déclarant la bande de Gaza « entité hostile ».
Cela veut dire en d’autre termes qu’il y aura un renforcement
de la séparation entre la Cisjordanie et la bande de Gaza et, par
la suite, la destruction de l’idée même d’un Etat
palestinien indépendant. Nous pensons qu’Israël n’est pas un
partenaire sérieux pour la réalisation de la paix. Les Israéliens
veulent seulement gagner du temps et tromper l’opinion mondiale,
alors que sur le terrain, ils ne cessent de renforcer leurs
projets d’occupation.
- Mais ne
pensez-vous pas que l’actuelle tournée au Proche-Orient de la
secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, peut apporter
une note d’optimisme à ce sombre tableau ?
- Comment peut-on
parler d’optimisme alors qu’Israël reçoit Condoleezza Rice
avec l’annonce de la confiscation de 110 hectares de terres
palestiniennes près de Jérusalem ? En même temps, Israël détruit
sur le terrain toute possibilité de continuité géographique
entre les différentes régions palestiniennes. Dans la réalité
et à travers ses pratiques, Israël est en train de détruire la
viabilité d’un Etat palestinien et, par conséquent, toute
possibilité de paix.
C’est pour
contrer ces politiques israéliennes que nous avons demandé à
l’Autorité palestinienne de poser trois conditions à sa
participation à la réunion de novembre. La première est qu’Israël
cesse immédiatement ses travaux de construction de colonies. La
deuxième est qu’il arrête la construction du mur raciste de
l’Apartheid. La troisième condition est qu’il revienne sur sa
décision de traiter la bande de Gaza comme une « entité hostile
».
- Mais ne
pensez-vous pas que les Palestiniens, par la division entre le
Fatah et le Hamas, facilitent la tâche de l’Etat hébreu, et
qu’il leur faut d’abord s’entendre sur une position commune
concernant un règlement de la question palestinienne ?
- La situation
interne a connu ces derniers jours une évolution positive, car
pour la première fois depuis les pitoyables événements de juin
dernier dans la bande de Gaza, nous avons pu réunir autour
d’une même table des représentants du Fatah et du Hamas. Ceci
a eu lieu lors d’une cérémonie d’hommage à la mémoire de
l’éminente figure de la lutte nationale palestinienne, Haïdar
Abdel-Chafi. Nous nous sommes réjouis de cette rencontre, car
elle a brisé la glace qui était en train de se créer. Nous
poursuivons nos efforts et œuvrons dans le sens du recouvrement
de notre unité nationale, car nous ne pouvons pas concevoir la
Palestine autrement. Certains ont peut-être eu l’illusion
qu’il serait possible de parvenir unilatéralement - de la
part de l’Autorité palestinienne - à des accords avec Israël.
J’ai l’impression que ces illusions commencent à se dissiper
maintenant et que les parties palestiniennes sont en train de
retrouver leur lucidité et leur capacité de discernement. Et
c’est aussi à cause de cela que nous espérons que l’Autorité
palestinienne acceptera les propositions que nous lui avons faites
concernant les conditions de sa participation à la réunion de
cet automne.
- Vous présidez
l’« Initiatine nationale palestienne », une association qui
lutte contre l’occupation israélienne. La société civile
palestinienne, dont vous êtes l’un des porte-parole, ne
doit-elle pas jouer un rôle pour rapprocher le Fatah et le Hamas
et contribuer ainsi à retrouver l’unité nationale ?
- Nous avons déjà
annoncé une « Initiative de salut national » et engageons un
dialogue continu avec toutes les parties pour la mettre en
pratique. Cette initiative est formée d’un certain nombre de
points et demandes que les parties doivent respecter. La première
est l’arrêt immédiat des campagnes médiatiques que les
parties mènent les unes contre les autres. Le deuxième point est
l’élaboration d’une charte commune et provisoire de référence
que doivent approuver toutes les parties. Le troisième point est
la dissolution des deux gouvernements actuellement en place dans
la bande de Gaza et en Cisjordanie, et la constitution d’un
gouvernement indépendant et transitoire approuvé par toutes les
parties et qui pourra agir en vue d’unifier à nouveau la
Cisjordanie et la bande de Gaza des points de vue politique et
administratif. Enfin, nous avons proposé une réforme des
appareils sécuritaires en éliminant l’aspect d’affiliation
aux partis politiques. Nous avons des conceptions claires sur la
stratégie devant être adoptée par le peuple palestinien et
essayons de la présenter à toutes les parties concernées. Mais
il faut aussi dire qu’Israël et certaines parties de la
communauté internationale exercent des pressions sur l’Autorité
palestinienne pour qu’elle ne reprenne pas le dialogue avec les
autres factions de l’échiquier politique palestinien, et
c’est aussi pour cette raison que nous devons redoubler nos
efforts de médiation. J’ai l’impression que lorsque les
parties palestiniennes découvriront que la réunion de cet
automne n’est qu’une chimère, cela nous aidera à les
convaincre de la nécessité d’un retour au dialogue national.
Propos recueillis par Randa
Achmawi
Droits de reproduction et de
diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 18 octobre 2007 avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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