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Israël-Usa
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Relations
hors normes
Ahmed Loutfi
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Israël-Usa
. Des voix s’élèvent pour souligner que l’Etat hébreu
est devenu un fardeau stratégique pour l’Amérique. Mais le
lobby pro-israélien s’apparentant à une organisation
tentaculaire foisonnée de luttes d’intérêts politiciens fait
taire toute critique.
Mercredi 14 novembre 2007
La secrétaire d’etat
américaine Condoleezza Rice et d’autres hauts responsables
peuvent être convoqués pour déposer devant un tribunal dans une
affaire d’espionnage mettant en cause des lobbyistes pro-israéliens,
selon la décision prise par un juge fédéral américain. Le juge
T. S. Ellis, du Tribunal fédéral d’Alexandria (Virginie, est),
a autorisé les avocats de Steven Rosen et Keith Weissman,
d’anciens lobbyistes de l’American Israeli Public Affairs
Committee (AIPAC), le principal lobby juif à Washington, à
convoquer Mme Rice, ainsi que le conseiller présidentiel américain
à la sécurité nationale, Stephen Hadley. L’information n’a
pas fait beaucoup de remous aux Etats-Unis à l’heure où l’on
voit tous les services de sécurité et de renseignements tout le
temps au qui-vive pour scruter les horizons hostiles, mais à
condition qu’ils soient ailleurs, notamment dans le monde arabe.
Une fois de plus, ces relations si spéciales entre Washington et
Tel-Aviv sont mises en exergue. Mais cette fois-ci, le contexte
est doublement dangereux. D’une part, on est à la veille de
cette conférence d’Annapolis que l’on veut une chance pour résoudre
le problème palestino-israélien et, d’autre part, Tel-Aviv
s’active de plus en plus pour pousser Washington à en découdre
avec l’Iran pour son nucléaire. De quoi susciter bien des réactions
au sein même des Etats-Unis. Trente sénateurs américains ont écrit
jeudi au président George W. Bush pour affirmer qu’il n’avait
pas l’autorité pour lancer une intervention en Iran et exprimer
leurs inquiétudes au sujet de la rhétorique « provocatrice »
de l’Administration. Les sénateurs, 29 démocrates et un indépendant,
dont la candidate à l’élection présidentielle Hillary
Clinton, exhortent à parvenir à la résolution du conflit par la
voie diplomatique.
« Nous voulons
souligner qu’aucune autorisation parlementaire n’existe pour
une intervention militaire unilatérale contre l’Iran », écrivent-ils.
La lettre stipule qu’une résolution passée au Sénat en
septembre, qui appelle à la désignation des Gardiens de la révolution
iraniens comme groupe terroriste, ne devrait pas servir de prétexte
à une guerre. Le texte fustige les « déclarations et actions
provocatrices » de l’Administration sur l’Iran, après les
propos de M. Bush mettant en garde contre le danger d’une troisième
guerre mondiale si l’Iran possédait l’arme nucléaire.
« Ces déclarations
sont contre-productives et minent les efforts pour résoudre les
tensions avec l’Iran par la diplomatie », poursuit le document,
coordonné par le sénateur de Virginie (Est) Jim Webb.
D’ailleurs, les choses peuvent aller loin dans ce contexte. Des
sources militaires à Washington estiment que l’existence de 3
000 centrifugeuses en Iran pourrait signifier pour Israël un «
point de bascule » déclenchant une frappe aérienne. Le
Pentagone est réticent à l’idée d’une action militaire
contre l’Iran mais les officiels américains jugent que pour
Israël, c’est « autre chose ». En fin de compte, cette
logique américaine jusqu’auboutiste reste donc dans un contexte
pro-israélien que défend un lobby qui décide de tout mais qui,
somme toute, est devenu quasiment un fardeau stratégique pour
Washington.
Dans l’intérêt
pur de Tel-Aviv
Un fait qu’on ne
peut que constater mais comment y réagir ?
En fait, on parle
beaucoup de ce lobby tant et si bien que pour les différents
cercles et personnalités, notamment arabes, il s’agit d’un
fait accompli contre lequel on n’y peut rien. Un vrai rouleau
compresseur qui trace la voie en faveur d’Israël. Parfois même
c’est presque un mythe : le lobby pro-israélien en Amérique.
On l’a souvent surnommé lobby juif ou lobby sioniste. Mais John
J. Mearsheimer, de l’Université de Chicago et de Stephen M.
Walt, Université de Harvard, auteurs d’une étude publiée en
mars 2006 et intitulée « Le lobby pro-israélien et la politique
étrangère américaine », ont choisi plutôt cette appellation
pour démontrer qu’il s’agit en fait d’un groupe
d’influence qui agit directement selon les intérêts d’Israël
et non pas pour défendre un rassemblement ou une communauté au
sein des Etats-Unis à l’exemple d’autres lobbies. Cette
recherche a brisé un tabou, parce que, comme le souligne Emad
Gad, directeur en chef d’Israeli Digest, publié par le Centre
d’études politiques et stratégiques d’Al-Ahram, dans la préface
de la traduction arabe de ce texte, les auteurs étaient et
restent au-delà de tout soupçon aux Etats-Unis. Ce sont des
Think Tank qui ont été les maîtres à penser d’une partie de
l’élite politique américaine, dont des responsables du département
d’Etat s’occupant du Moyen-Orient. Difficile donc de les
accuser d’antisémitisme ou autre bien que cela ait eu lieu
quand même.
Le document a donc
fait des remous aussi parce que les auteurs, toujours comme le précise
Gad, partent du point de vue de l’intérêt national américain
et trouvent que ce lobby met en danger les intérêts américains
et même israéliens. L’argumentation des auteurs est simple et
directe, d’où leur crédibilité puisqu’ils n’ont recours
à aucune sorte de discours emprunté et relèvent tout le temps
l’actualité et les faits tels qu’ils sont.
Ainsi, d’entrée
de jeu, les auteurs mettent en exergue cette exception israélienne
aux Etats-Unis. S’il y a unanimité dans ce pays, elle est sur
Israël ... « il est un sujet sur lequel — là aussi, on peut
en être certain — les candidats parleront d’une seule voix.
En 2008, tout comme au cours des précédentes années électorales,
des candidats sérieux à la magistrature suprême ne ménageront
pas leurs efforts pour faire savoir leur engagement personnel vis-à-vis
d’un pays étranger – Israël – ainsi que leur détermination
à maintenir un soutien américain indéfectible à l’Etat hébreu
». Et de préciser : « Il n’y a aucune chance pour que les
candidats critiquent réellement Israël ou suggèrent que les
Etats-Unis devraient adopter une politique plus impartiale dans la
région ».
Chanter les
gloires d’Israël
Les citations des
auteurs sont bien claires à cet égard. A titre d’exemple,
l’ancien gouverneur du Massachusetts, Mitt Romney, qui était
dans un congrès à Israël, a dit « se trouver dans un pays
qu’il aime avec des gens qu’il aime » et, se disant conscient
des inquiétudes d’Israël face à l’hypothèse d’un Iran
nucléarisé, a proclamé : « Il est temps que le monde exprime
trois vérités : 1) il faut que l’Iran cesse ; 2) on peut faire
cesser l’Iran ; 3) nous ferons cesser l’Iran ! ».
On sait que l’Iran
nucléaire est le principal alibi israélien dans sa politique où
il tente d’engager Washington à une guerre qui pourrait être même
nucléaire contre Téhéran. La classe politique américaine est
donc en grande partie gagnée par cet argument. Et là on ne peut
évoquer les différences entre Républicains et Démocrates sur
laquelle d’aucuns tablent, malheureusement même dans les pays
arabes. Ainsi, le sénateur républicain de l’Arizona John
McCain est cité déclarant : « Lorsqu’il s’agit de la défense
d’Israël, on ne peut tout simplement pas transiger ». La sénatrice
démocrate de l’Etat de New York, Hillary Clinton, s’est
exprimée devant la section locale de l’AIPAC, déclarant qu’«
en ces temps de grande difficulté et de grand péril pour Israël,
il est indispensable que nous soyons fidèles à notre ami et allié,
ainsi qu’à nos propres valeurs. Israël est un phare qui montre
le chemin dans une région ravagée par les méfaits du
radicalisme, de l’extrémisme, du despotisme et du terrorisme ».
L’un de ses rivaux à l’investiture démocrate, le sénateur
de l’Illinois, Barack Obama, s’est adressé à des membres de
l’AIPAC à Chicago un mois plus tard. Obama, qui avait exprimé
sa solidarité envers les Palestiniens et brièvement évoqué
leur « souffrance » lors d’un déplacement de campagne en mars
2007, s’est livré à un éloge sans équivoque d’Israël et a
bien fait comprendre qu’il ne ferait rien pour changer les
relations israélo-américaines.
Les causes
d’un parti pris
Cette passion
pro-israélienne s’explique-t-elle de manière logique ? Les
auteurs posent la problématique. Pour certains, la réponse est
qu’Israël est un atout stratégique fondamental pour les
Etats-Unis et, en particulier, un partenaire indispensable dans la
« guerre contre le terrorisme ». D’autres répondront que de
solides raisons d’ordre moral justifient d’apporter un soutien
inconditionnel à Israël, car c’est le seul pays dans cette région
à « partager nos valeurs ». Mais aucun de ces arguments « ne résiste
à un examen impartial », soulignent les auteurs. Et ils
l’expliquent de manière simple pour en conclure qu’avec la
fin de la guerre froide, « Israël est devenu un handicap stratégique
pour les Etats-Unis ».
Et de relever que
la véritable raison pour laquelle le monde politique américain
fait preuve d’autant d’égards réside dans l’influence
politique du lobby pro-israélien.
« Il s’agit
simplement d’un puissant groupe d’intérêts, composé à la
fois de juifs et de non-juifs, dont le but avoué est de défendre
la cause israélienne aux Etats-Unis et d’influencer la
politique étrangère américaine au profit de l’Etat hébreu ».
Un éternel
argument
Et quel serait le
mode opératoire du lobby ? Ce serait purement et simplement
l’accusation d’antisémitisme. Il est difficile d’évoquer
l’influence du lobby sur la politique étrangère américaine,
du moins dans les grands médias, sans se faire accuser d’antisémitisme
ou, même pour les juifs, de « haine de soi ». Les réactions
suscitées par le livre de l’ex-président Jimmy Carter,
Palestine : Peace Not Apartheid, sont significatives. Le livre de
Carter a pour objectif un règlement permettant aux peuples
palestinien et israélien de se réconcilier. D’ailleurs, Carter
défend sans équivoque le droit d’Israël à vivre en paix et
en sécurité. Pourtant, pour avoir suggéré que la politique
israélienne dans les territoires occupés ressemblait au régime
de l’apartheid et dit ouvertement que des groupes pro-israéliens
empêchaient les leaders américains de conduire fermement Israël
sur le chemin de la paix, il a été victime d’une violente
campagne de diffamation lancée par ces mêmes groupes. Non
seulement on a accusé Carter d’être antisémite et de détester
les juifs, mais certains lui ont même attribué une certaine
sympathie pour les nazis.
L’étude, comme
le souligne Gad, aurait dû susciter plus d’intérêt dans le
monde arabe de manière à établir un pont avec de tels auteurs
objectifs. L’initiative de Medhat Taha, poète et écrivain, de
traduire et d’adapter le texte préliminaire en arabe accompagné
de critiques de la part de certains auteurs américains avec
accusations d’anti-sémitisme contre les auteurs, intervient à
point nommé pour comprendre la situation actuelle et y réagir.
Ceci d’autant plus, comme le relève Gad, il n’y a pas eu la
moindre réaction de la part d’Israël. Celui-ci a laissé la tâche
justement à un lobby sur lequel il pouvait bien compter.
Dernier mot de la
fin tiré de l’étude : « Ces groupes veulent que les leaders
américains traitent Israël comme s’il s’agissait du
cinquante et unième Etat de l’Union ».
Droits de reproduction et de
diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 14 novembre 2007 avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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