Al-Ahram Hebdo
Abdel-Rahman Salah:
« Israël doit cesser ses politiques de
changement de la réalité sur le terrain »
Mercredi 11 novembre 2009
Assistant du ministre égyptien des
Affaires étrangères pour les affaires arabes,
Abdel-Rahman Salah
évoque l’action du Caire envers la
question palestinienne, les rapports avec l’Iraq ainsi qu’avec
l’Iran. Al-Ahram Hebdo : Les colons
israéliens tentent régulièrement de pénétrer sur l’Esplanade des
mosquées, donnant lieu à des affrontements entre Palestiniens et
Israéliens. Que cherche Israël par ces provocations à Jérusalem
?
Abdel-Rahman Salah :
Le problème principal dans toutes les
politiques israéliennes dans les territoires occupés est
qu’elles essayent de modifier la situation sur le terrain pour
prédéterminer le résultat des négociations. Ce qui rend plus
difficile l’aboutissement de la solution sur laquelle toutes les
parties sont d’accord, à savoir la création d’un Etat
palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour
capitale. Sur le terrain, la construction des colonies se
poursuit. Il y a aussi la construction du mur à l’intérieur des
terres palestiniennes de 1967. La politique de judaïsation de
Jérusalem consiste non seulement à construire des colonies à
l’intérieur de Jérusalem-Est, mais aussi à exproprier des terres
palestiniennes, à empêcher des Palestiniens d’obtenir des permis
de construction ou des permis pour réparer les maisons
détériorées, à fermer des institutions palestiniennes à
Jérusalem-Est comme la maison d’Orient. Toutes ces mesures ont
pour objectif de judaïser Jérusalem-Est et de rendre plus
difficile la solution de deux Etats avec Jérusalem-Est comme
capitale d’un Etat palestinien.
– Les Palestiniens se plaignent de l’absence
d’un rôle arabe face à la judaïsation de Jérusalem. Que fait
l’Egypte pour faire face à cette politique israélienne ?
– L’Egypte agit sur plusieurs niveaux. Au
niveau bilatéral avec Israël via notre traité de paix, nous
disons à Israël que ce sont des mesures graves qui ont des
répercussions négatives sur toute opportunité de paix et sur les
chances d’Israël d’être accepté dans la région dans le futur.
L’Egypte poursuit également ses contacts bilatéraux avec les
Etats-Unis à ce sujet. Notre position est qu’une des conditions
de la reprise des négociations (israélo-palestiniennes) est
l’arrêt de toutes les mesures qui cherchent à modifier la
réalité sur le terrain : la construction des colonies et toutes
les mesures qui portent sur la judaïsation de Jérusalem.
L’Egypte pense que, sans l’arrêt de ces mesures, les
négociations n’auront ni sens ni but. Si nous sommes tous
d’accord que le but est l’établissement de deux Etats
indépendants, l’un palestinien et l’autre israélien, alors ce
qui se passe rend ce but impossible. Cette position est mise en
avant avec les Etats-Unis, avec l’Union européenne et avec la
Russie. Il y a enfin le niveau multilatéral, où l’Egypte agit
avec le groupe arabe dans le cadre de l’Organisation de la
conférence islamique et du groupe des non-alignés que l’Egypte
préside. Là, le langage est le même : l’opposition à la
politique israélienne grave et catastrophique dans les
territoires occupés, Jérusalem inclus.
Nous sentons que la période qui vient est
très importante et nécessite une unité arabe. Il y a une
opportunité pour poursuivre le processus de paix si les efforts
américains parviennent à mettre fin aux politiques israéliennes.
Mais les efforts américains ne réussiront pas tous seuls, mais
seulement avec une position arabe unie qui suivra la position
égyptienne que j’ai mentionnée.
– Justement, comment faire évoluer la
coopération interarabe ?
– Il existe de nombreux domaines pour
développer la coopération interarabe. Dans le domaine politique,
pour résoudre les questions d’intérêt commun, comme le retour
des territoires arabes occupés par Israël, la paix au
Proche-Orient, éviter une course nucléaire dans la région … Il y
a également la coopération économique, le libre-échange et les
investissements entre les pays arabes. Le sommet économique au
Koweït, qui a eu lieu en janvier dernier, était une initiative
commune koweïto-égyptienne. D’ailleurs, c’est l’Egypte qui
accueillera le prochain sommet. Ce dernier sera une opportunité
pour examiner toutes ces chances de coopération. Il y a
également une nécessité de développer la coopération culturelle
et le domaine de l’éducation. Surtout qu’il y a 60 millions
d’Arabes illettrés dont les deux-tiers sont des femmes. Les
universités dans le monde arabe ont besoin de centres de
recherche sur la technologie moderne. Notre rêve est qu’il y ait
un centre arabe spécialisé dans le développement et la formation
dans les domaines scientifiques et qui ferait appel aux cerveaux
immigrés à l’étranger, dont nombreux sont des Egyptiens.
L’Egypte sera heureuse d’accueillir un tel centre.
– Qu’en est-il des relations bilatérales
entre l’Egypte et l’Iraq ?
- Un comité mixte s’est réuni les 2 et 3
novembre sous la présidence des ministres des Affaires
étrangères des deux pays et en présence de 7 ministres iraqiens.
Ils ont signé plusieurs mémorandums d’entente et accords de
coopération portant notamment sur la sécurité, l’énergie, le
pétrole, l’agriculture, l’éducation supérieure, la santé,
l’environnement, l’investissement et l’industrie. L’ambassadeur
égyptien a commencé samedi dernier son travail à Bagdad, et cela
représente une nouvelle page dans les relations égypto-iraqiennes.
Deux délégations iraqiennes, l’une du ministère des Affaires
étrangères et l’autre de celui des Finances viendront
prochainement en Egypte pour examiner la question de l’argent dû
aux travailleurs égyptiens en Iraq.
D’autre part, nous avons formé des forces de
la police iraqienne. Ceci s’est fait au niveau bilatéral, mais
aussi en coopération avec l’UE et les Etats-Unis. Nous formons
des cadres iraqiens dans tous les secteurs, diplomatie, justice,
agriculture, culture, santé, irrigation, statistique et
technologie informatique …, etc. La coopération sécuritaire
entre les deux pays existe dans le domaine de l’antiterrorisme.
– Pourquoi n’ y a-t-il pas de médiation
égyptienne ou arabe entre le gouvernement et les parties
iraqiennes ?
– L’Egypte mène une politique de principe :
elle aide les pays arabes à maintenir leur stabilité et leur
développement, mais sans intervention dans leurs affaires
intérieures. Toute mesure ou démarche qui est entreprise dans
les pays arabes est toujours faite à la demande du gouvernement
du pays concerné. Partant de ce principe, l’Egypte aide le
gouvernement iraqien par tous les moyens possibles, entre
autres, l’encourageant un dialogue politique et pacifique à
l’intérieur de l’Iraq et l’élargissement du processus politique
iraqien pour inclure toutes les factions. Autrement dit, il
importe à l’Egypte que le gouvernement iraqien soit stable et
représente la volonté politique de la société iraqienne, mais
l’Egypte ne va intervenir ni dans les affaires internes, ni dans
le processus politique en Iraq.
– Pourquoi n’y a-t-il pas d’amélioration dans
les relations avec l’Iran ?
– Nous avons des demandes spécifiques que
connaissent bien les Iraniens pour aboutir à un développement
positif dans les relations entre les deux pays. Le plus
important étant que la politique iranienne cesse d’exploiter des
problèmes arabes pour gagner des points dans ses négociations
avec l’Occident sur le dossier nucléaire. Ils doivent arrêter
d’utiliser nos problèmes comme la Palestine, le Liban et autres.
Deuxièmement, ils doivent mettre fin à leur ingérence dans les
affaires internes arabes. Troisièmement, ils doivent prendre des
positions positives pour aider à aboutir à la paix. S’ils font
ces trois choses, il n’y a pas de doute que l’Iran est un pays
important dans la région, nous n’ignorons pas cela.
– Qu’en est-il du dossier nucléaire iranien ?
– Nous avons déclaré à maintes reprises que
la non-prolifération nucléaire doit se produire sur une base
régionale sans discrimination. C’est pour cela que nous avons
demandé l’établissement d’une zone non nucléaire au
Moyen-Orient. Et mettre fin à toutes les activités nucléaires
qui ne sont pas sujets à des inspections directes de l’Agence
internationale de l’énergie atomique. Cela ne s’applique pas
seulement à l’Iran, mais également à Israël. Nous pensons que
n’importe quelle politique qui interdit la prolifération, mais
qui fait des exceptions, est une politique qui ne réussira pas à
arrêter la prolifération. Au contraire, elle mènera à davantage
de prolifération dont nous ne pourrons pas contrôler les
résultats. Car cela fera apparaître de nouveaux Etats
nucléaires, et encouragera d’autres également à poursuivre sur
cette voie, non seulement des Etats, mais également des groupes
et des organisations qui pourraient bien être des organisations
terroristes. Nous remarquons une certaine acceptation de cette
position.
– De la part de qui ?
– Nous sommes bien sûr soutenus par de
nombreux pays en voie de développement, des pays non-alignés,
mais nous commençons maintenant à voir une certaine acceptation
de la part des puissances nucléaires. Les Etats-Unis ont déclaré
qu’ils soutiennent les efforts de non-prolifération, qui
devraient concerner tous les pays. Il y a également des
propositions égyptiennes qui vont être présentées à la
conférence de la révision de la non-prolifération nucléaire qui
se réunira l’année prochaine. Ces propositions concernent
l’application des recommandations issues de la précédente
conférence de la révision et qui appellent à la création d’une
zone non nucléaire au Moyen-Orient. Ce sera un moyen d’évaluer
le niveau d’acceptation de cette proposition des puissances
nucléaires. Enfin, nous confirmons le droit de tous les pays non
nucléaires, dont l’Egypte, qui ont choisi d’abandonner le droit
au développement des armes nucléaires et qui ont rejoint le
traité de non-prolifération nucléaire, d’utiliser et de
développer la technologie nucléaire à des fins civiles, ce qui
est d’ailleurs stipulé par le traité. Ce droit ne doit pas être
sujet à des restrictions supplémentaires, qui viennent s’ajouter
à celles déjà citées par le traité, alors qu’il soit permis en
même temps à d’autres pays de posséder des armes nucléaire.
Propos recueillis par Héba
Zaghloul
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réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 13 novembre 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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